LA DAME DE FER – MAIS QUI EST-ELLE ?

La Dame de Fer – Mais qui est-elle ?

Monique Hamelin

Depuis sa sortie en salle, les critiques, analyses et commentaires sur le film The Iron Lady ou La Dame de fer en traduction française ont envahi les médias. Que peut-on ajouter de nouveau aux nombreux commentaires déjà publiés ?

Thatcher  reste la première femme à diriger un parti politique au Royaume-Uni en1975, et la seule femme à ce jour, à avoir dirigé le pays par la suite (1979-1990). Meryl Streep  nous fait aimer-détester à nouveau cette politicienne conservatrice qui laissait peu de gens indifférents durant ses années de pouvoir.

Mais qu’en est-il réellement de Margaret Roberts Thatcher ? Est-ce que ce film nous permet de mieux cerner la femme derrière l’image, tant celle d’hier que celle d’aujourd’hui ? Quels ont été son importance, son héritage ? Comment Phyllida Lloyd, la réalisatrice, Abi Morgan la scénariste et Meryl Streep, l’actrice qui personnifie non pas la jeune fille, mais la femme mature, comment ces femmes nous font-elles connaître celle qui a imprimé sa marque et que nombre de politiciens ont essayé d’imiter par la suite ? Car outre la magie de retrouver à l’écran dans sa version originale la voix, l’intonation on ne peut plus British, le port de tête, le geste, les costumes, les couleurs portées par la Dame de fer, que savons-nous de nouveau de cette femme qui fut la première dans le monde occidental à occuper un poste de première ministre et qui garda si longtemps le pouvoir que l’on tente encore d’éradiquer son legs conservateur ?

Dans son discours d’acceptation du BAFTA 2012 (British Academy of Films and Television Arts)1 Meryl Streep rappelle que — « le sort, le destin des gens célèbres est d’être mal compris. Le film La Dame de fer veut regarder la vie de Margaret Thatcher de l’intérieur vers l’extérieur en montrant quelque chose de vrai, peut-être quelque chose de caché, mais quelque chose de véridique. »2 Dans ce sens, le choix de montrer la relation de la Dame avec son mari est quelque chose de nouveau. On le voyait occasionnellement à ses côtés aux informations, mais on ne savait pas quel avait été son rôle dans sa vie ou la nature de leur relation. Nous apprenons donc qu’il a soutenu sa femme tout au long de sa carrière. Dans un certain sens, c’était lui l’homme à la maison !

Si la Dame de fer ne se disait pas féministe, on peut dire qu’elle a fait des choix de femme libérée dans sa vie personnelle et des choix très conservateurs dans ses politiques économiques et sociales. Choisir d’exercer une carrière avec l’arrivée des enfants était atypique pour l’époque (1953), tout comme choisir de militer dans un parti politique (fin des années 1940 et cinquante). Accéder à une classe sociale plus élevée est chose rare au Royaume-Uni. Même si je ne partage pas ses valeurs au regard des politiques sociales, il faut reconnaître qu’elle a lutté pour obtenir la direction du parti et la place de Première Ministre. Elle avait une vision, elle a décidé de mettre en action ses pensées. Et les brèves capsules sur ces époques nous permettent à peine d’entrevoir cela, car ils sont plutôt superficiels. C’est là, à mon sens, une des faiblesses du film. Je serais tentée d’ajouter : qui trop embrasse mal étreint. Et là, ce n’est pas non plus faire justice au film ou à Thatcher. Elle a pris le pays alors qu’il était dans une période sombre, il y avait eu 10 ans de crise sociale, économique et culturelle, elle lui a redonné une marge de manœuvre. Après la guerre des Malouines, bien qu’impopulaire à cause de ses politiques dans un mouvement de patriotisme, elle est réélue, et poursuit ses politiques  et elle perd la direction du parti alors que des émeutes surviennent un peu partout au pays contre une de ses politiques très régressives envers les classes moins favorisées.

Le film n’aborde pas la question de son éducation religieuse, elle qui est une stricte méthodiste, ni l’influence que la religion a eue dans sa vie. Éléments qui ont dû jouer. Mais tout n’est pas là, car Hillary Rodham Clinton, une autre femme de pouvoir, elle aussi fervente méthodiste, met de l’avant des politiques d’un tout autre acabit. Sont également absents les penseurs qui ont influencé ses choix sociaux et politiques.

Dans le film, Thatcher martèle une phrase que son père répétait et qu’elle a faite sienne. Une petite recherche sur Internet indique que ladite phrase serait de Gandhi !

Il faut surveiller —

nos pensées parce qu’elles deviennent des mots,

nos mots parce qu’ils deviennent nos actions,

nos actions parce qu’elles deviennent des habitudes

nos habitudes parce qu’elles deviennent nos valeurs,

nos valeurs parce qu’elles deviennent notre destin.3

Je conclurais en disant que les attentes étaient grandes et en 105 minutes, on ne peut tout dire d’un personnage aussi complexe et qui a joué un si grand rôle. Dans un sens, je dois admettre que je voulais encore m’insurger contre la politicienne. Les choix de la scénariste et de la réalisatrice nous ramenaient sur un autre terrain. Les brèves capsules nous rappelaient quelques moments de sa vie, mais rien ou presque pour cerner la pensée de Thatcher. Rien dans ce film pour mieux comprendre le thatchérisme qui met de l’avant un libre marché, une réduction des dépenses publiques, une baisse des impôts, la fin des subventions à nombre de secteurs économiques qui avaient fait la force du Royaume-Uni. Thatcher, comme son pendant américain Reagan, a sombré dans le grand gouffre de la maladie d’Alzheimer… Dans une entrevue, Meryl Streep répondait à la question : « Fallait-il ou pas mettre en scène cette femme vieillissante, malade, avec un début de sénilité ? » Pour elle, tout dépend de la manière. Scénariste, réalisatrice et actrice ont eu, je crois, tout le doigté requis pour nous présenter l’oubli dans lequel les personnes atteintes plongent.

 1. www.youtube.com Leading Actress Winner Meryl Streep BAFTA 2012 (2012-07-16).

2. Notre traduction.

3. Notre traduction.