LA DOUBLE SIGNIFICATION DE LA NOTION DE SERVICE DANS L’EGLISE

LA DOUBLE SIGNIFICATION DE LA NOTION DE « SERVICE » DANS L’EGLISE

Résumé : d’une communication livrée par Monique Dumais au colloque sur les études de la femme, tenu à l’Institut Simone de Beauvoir de l’Université Concordia, le 2 juin 1980.

« Le but de tout service dans l’Eglise, qu’il s’agisse du service apostolique, pastoral, sacerdotal, épiscopal, est de maintenir ce lien dynamique du mystère de la Rédemption avec tout homme. » Jean-Paul II, Encyclique « Le Rédempteur de l’homme », 4 mars 1979.

« Sachez que vous occuperez toujours une place importante dans l’Eglise, dans sa mission de salut, dans son service de toute la communauté du Peuple de Dieu ».

Jean-Paul II aux religieuses américaines, 7 octobre 1979.

Le mot « service » n’existe pas dans les dictionnaires théologiques, ni dans l’Encyclopédie de la Foi, ni dans l’index de Documents de Vatican II, il faut se référer au mot « ministère » pour découvrir la portée significative, juridique, politique de ce mot dans l’Eglise.

Dans la première phrase citée de Jean-Paul II, une très grande extension est donnée au mot « service », tandis que dans la seconde, elle est pratiquement très restreinte. Dans le premier cas, on inclut à la fois les ministères ordonnés et non ordonnés, tandis que dans le second on exclut les ministères ordonnés, puisque Paul VI et Jean-Paul II refusent l’accessibilité des femmes au sacerdoce ministériel.

Deux niveaux de langage existent dans l’Eglise, soit que l’on s’adresse aux hommes ou aux femmes ; les mots n’ont plus la même portée. Pourquoi ? Culte et pouvoir sont liés dans l’Eglise ; les hommes peuvent accéder à toutes les fonctions du culte, particulièrement à celle de la présidence de la célébration eucharistique, sacrement frontière entre ministères ordonnés et non ordonnés, ils jouissent en même temps des pouvoirs de décision. Comme le pouvoir est traditionnellement mâle dans l’Eglise, on n’est pas prêt à « céder » toutes les fonctions cultuelles aux femmes qui font presque tout dans certaines paroisses, sauf administrer les sacrements. D’autre part, si on permettait la présidence eucharistique aux femmes, il faudrait leur donner des pouvoirs décisionnels, ce à quoi la mentalité patriarcale ne peut accéder.

Cette attitude de l’Eglise hiérarchique dénote également un double niveau de langage : un discours externe sur les libertés et droits des hommes (personnes), acceptant la lutte contre toute forme de discrimination, un discours interne dans l’Eglise très restrictif, cf. restrictions des droits d’expression des théologiens Pohier, Schillebeeck, Küng. On admet que les femmes peuvent et doivent participer à tous les postes décisionnels dans la société civile, tandis que dans l’Eglise on ne leur confie que quelques petites voix aux niveaux paroissial, diocésain (consultatif, non législatif) et nullement aux niveaux national et mondial. Ce que l’Eglise demande pour las société civile, elle le refuse pour sa propre organisation.