DU MYTHE DE LA DEESSE-MERE

DU MYTHE DE LA DEESSE-MERE

AU CULTE DE LA VIERGE MARIE DANS L’EGLISE

Résumé des trois communications présentées par Flore Dupriez, Anita Caron et Marie-Andrée Roy, le 29 mai 1980,  au Congrès de la Société Canadienne pour l’Etude de la Religion dans le cadre des Sociétés savantes réunies à l’Université du Québec à Montréal.

1 – De la déesse-mère à la Marie des Pères de l’Eglise.

La déesse-mère semble avoir été la première divinité conçue par l’esprit humain. C’était une divinité sans époux que l’on retrouve de l’Inde à  la Méditerranée. Les mythes de la Vierge-Marie sont liés tout à la fois à l’idée de mort et de résurrection de la terre nourricière. Marie, seconde Eve est considérée, dans le christianisme, comme la véritable mère des vivants. Elle leur a donné la vie spirituelle en mettant au monde, d’une manière virginale, le Christ qui nous fera participer à  sa résurrection.

La virginité, quasiment inconnue dans l’Ancien Testament, fut proposée par le christianisme et d’exceptionnelle qu’elle était, elle va devenir un idéal fortement recommandé. Les Pères de l’Eglise vont très particulièrement éloquents dans leur glorification de la virginité. L’analyse de textes de Grégoire de Nysse, de Jean Chrysostome, d’Ambroise et d’Augustin permet d’élaborer des hypothèses sur l’origine des préventions des auteurs chrétiens envers la femme.

L’on y décèle, tout d’abord, des traces de vieux interdits sur l’impureté féminine si caractéristiques des cultures patriarcal es. Les Pères n’ont-ils pas essayé d’exorciser leurs propres phantasmes ? Dans la virginité, l’être féminin est idéalisé et ne peut plus être objet de désir. Cette méfiance envers le corps de la femme semblerait être un corollaire fréquent des religions monothéistes et androcentristes.

2. De la Marie des dévotions à la Marie des Pères Conciliaires

Le culte de la vierge Marie a atteint des sommets un peu partout dans l’Eglise catholique au cours des années 50. La dévotion et la ferveur populaires ont fait de Marie un des piliers de la foi et du culte catholiques. On peut émettre l’hypothèse qu’il y a dans cette dévotion populaire des indices permettant de croire que les fidèles catholiques ont eu tendance à faire de Marie une Mère-déesse et non seulement la Mère de Dieu, la Theotokos telle que proclamée au Concile d’Ephèse . Dans cette perspective on peut lire la constitution Lumen gentium de Vatican II comme une volonté manifeste des Pères du Concile de ramener le culte de la vierge Marie à des proportions plus modestes et surtout de le resituer en fonction de l’élément central du christianisme, le Christ Jésus . Tout en réaffirmant les fondements théologiques de la dévotion mariale, la constitution Lumen Gentium laisse en définitive une place fort restreinte à celle qui fut pendant longtemps un des principaux sujets des écrits des théologiens. Ce rétrécissement de l’espace des écrits théologiques consacrés à Marie, semble fort bien symboliser le désir des Pères conciliaires de ramener le culte marial populaire à des dimensions plus acceptables pour une religion inscrite dans une culture patriarcale.

3. De la Marie des Pères Oblats de Marie Immaculée a la Marie de Denise Boucher

En 20 ans au Québec le discours sur Marie a changé de locuteur. D’une parole exclusivement masculine « asexuée » nous sommes passés à  une parole féminine sexuée. De la Marie Vierge épouse et mère magnifiée plus particulièrement par les Pères Oblats de Marie-Immaculée au sanctuaire de Notre-Dame-du-Cap nous sommes arrivées à la Marie de Denise Boucher vociférant contre sa statue et réclamant la réappropriation de son corps sur la scène d’un théâtre montréalais.

La mise en parallèle du texte de Paul-Henri Barabé o.m.i., Marie Notre Mère, avec celui de Denise Boucher, Les Fées ont soif, permet de dégager clairement que les attributs ou fonctions de Marie glorifiés dans le texte d’un auteur, sont dénoncés dans le texte de l’autre auteur. Nous sommes face à  deux visions antagonistes et conflictuelles qui condensent fort bien les deux extrêmes des discours sur Marie. On parvient ainsi à mesurer l’ampleur des distances qui séparent de tels discours.

La dévotion et le discours marial ont largement contribué à mettre de l’avant un modèle féminin régulateur des comportements. Celui de la Vierge-Mère. La pratique de libération des femmes doit donc inclure, entre autres lieux d’exorcisation, le religieux, pour démonter le discours marial, et rendre inopérant le modèle de Vierge Mère trop longtemps imposé aux femmes du Québec.