LA LIBERTÉ QUE JÉSUS A DONNÉE AUX FEMMES

LA LIBERTÉ QUE JÉSUS A DONNÉE AUX FEMMES

Odette Mainville*

Professeure, Faculté de théologie et de sciences des religions, Université de Montréal

Quand la mort ravit un être tendrement aimé, qui a marqué notre vie, nous aimons en faire mémoire. Des souvenirs ressassés, il émerge souvent ce qui, de lui, a le plus contribué à nous faire grandir. La mise en scène fictive que voici rassemble des femmes dont le destin a été transformé par le passage de Jésus. Elles sont là, Marie de Magdala , la femme « adultère », la Samaritaine, la femme hémorroïsse, Marthe et sa sœur Marie, chacune cherchant les mots pour dire le don le plus précieux reçu de lui. Écoutons-les se souvenir1.

— Moi, dit l’Hémorroïsse2, j’ai tellement souffert de mon isolement. Pendant douze ans ! Imaginez ! Douze ans à être coupée du monde. Douze ans à rendre impur quiconque me touchait. Quelle humiliation ! J’ai tant de fois souhaité mourir pour de bon puisque, de toute façon, je n’avais plus de véritable vie. C’est bien le cas de le dire, la vie se vidait de mon corps au rythme de l’écoulement de mon sang. Ma blessure était telle que j’en venais moi-même, comme le reste du peuple d’ailleurs, à oublier pourquoi le contact avec le sang provoque l’impureté. Il y a effectivement tellement de confusion à ce sujet que, dans l’esprit de plusieurs, c’est comme si le sang était sale. Moi, n’en pouvant plus, j’ai fini par consulter un savant scribe,   — si bon et si compatissant, dont je tairai le nom, vous comprendrez bien —, et me faire expliquer le véritable sens du sang. Mais oui, malheureusement, les gens l’ignorent.

— Moi, je crois le connaître, risque Marie de Magdala, mais je veux entendre ce que t’a dit ce scribe.

— « Le sang, c’est la vie ! La vie de toute chair, c’est son sang !3 » s’est-il exclamé. « Ma pauvre dame, tout le monde devrait savoir cela puisque c’est là en toutes lettres dans les Écritures ! » Puis il a expliqué : « La vie vient de Dieu ; elle appartient à Dieu. Elle est, par le fait même, sacrée. Comme le sang c’est la vie, le sang est donc sacré. Or, il ne faut  pas toucher à ce qui est sacré. Le fait d’entrer en contact avec le sang n’est pas en soi péché ; mais le cas advenant, il faut se purifier pour revenir au monde ‘profane’. Si on omet délibérément de se purifier, c’est là que ça devient péché ; justement pour avoir mêlé le sacré au profane. » J’ai alors compris pourquoi ma tradition me demandait de rester à l’écart du monde4 : quelqu’un aurait pu me toucher et être devenu impur sans le savoir.

— Mais sachant tout cela, comment alors as-tu osé toucher Jésus ? s’écria Marthe.

— Oui, oui, je sais bien ; mon geste ne semble pas très cohérent avec ce que je viens de dire. Comment expliquer mon audace ? (L’hémorroïsse cherchait ses mots, incertaine de se rendre convaincante.) D’un côté, j’ai senti une petite ouverture de la part de ce bon scribe. Il ne voulait pas trop s’avancer, mais il m’a quand même dit : « Écoutez : il y a la loi et il y a la vie. La loi est stricte, c’est bien sûr, mais dans la vie de tous les jours, ce n’est pas toujours facile de s’y conformer dans tous les détails. L’important, c’est que vous fassiez toujours votre possible. Il ne faudrait donc pas trop vous torturer l’esprit. » Puis, comme se parlant à lui-même, il a ajouté : « Yahvé est si bon. Je ne peux pas croire que… » Il n’en a pas dit plus, mais c’était la brèche qu’il me fallait. D’un autre côté, je connaissais la réputation de Jésus. Je l’ai vu tant de fois faire des encoches à la loi quand il s’agissait d’aider les gens. Combien de gens a-t-il guéri le jour du sabbat alors que la loi l’interdit ? Il ne cessait de clamer : « L’homme n’est pas fait pour le sabbat, mais le sabbat pour l’homme ». Il avait pour son dire que si le sabbat est fait pour l’être humain, c’est donc une journée idéale pour lui faire du bien. Et Jésus, comme le scribe, était si bon. Tous les deux voulaient tellement faire les œuvres de Yahvé. Quoique Jésus prenait encore beaucoup plus de liberté, bien évidemment ! Il me semblait que Yahvé devait aimer et approuver ce que faisaient ces deux hommes.

— De toute manière, en ce qui concerne Jésus, depuis que Dieu l’a relevé d’entre les morts, cela ne fait plus aucun doute, s’exclame Marie de Magdala.

— J’étais donc dans un véritable dilemme : d’un côté, j’avais la nette conviction qu’à seulement toucher Jésus je serais guérie, tout en sachant très bien que je n’avais pas le droit de le faire ; de l’autre, j’étais certaine que Jésus m’accorderait la guérison si je la lui demandais. Mais allez donc demander une telle chose devant tout le monde ! Imaginez si les gens qui le suivaient avaient su ! Je me suis dit que si, en le touchant, j’étais instantanément guérie, ma situation d’impureté serait aussi instantanément annihilée, vous comprenez, et que, par conséquent, je ne le rendrais pas impur. Vous savez la suite. Quelle délivrance ! Il m’a redonné la vie, quoi ! J’ai depuis une vie normale avec mon mari, ma famille, avec tous ceux et celles que je côtoie. Il a défait les liens qui me gardaient prisonnière, me redonnant la liberté de vivre. De vivre comme tout le monde, enfin !

— Je t’écoute raconter cela, reprend Marie de Magdala, toute songeuse, et je suis étonnée de voir comment toute vie est précieuse pour Jésus. Et encore plus frappant, la vie d’une femme a autant d’importance que celle d’un homme. Hommes et femmes sont égaux devant lui.

— Oui, en effet, les hommes et les femmes sont égaux pour Jésus, s’exclame Marie. Ce qu’il a fait pour moi en est un exemple criant. La chance qu’il m’a donnée est complètement renversante dans le monde où nous vivons.

— Je t’en prie Marie, ne recommence pas avec cette histoire5 s’impatiente Marthe, sa sœur. Ton attitude m’a tellement irritée, ce jour-là. On invite Jésus à la maison, et voilà que Madame me laisse tous les préparatifs sur les bras, sous prétexte de s’instruire !…

— Voyons, Marthe ! Tu ne vas pas encore faire la mauvaise tête. Si ma propre sœur ne comprend pas, soupire Marie, comment faire accepter au monde ce droit que j’ai reçu de Jésus ?

— J’avoue Marie, que moi non plus, la dite « femme adultère », je ne saisis pas très bien de quel droit tu parles.

— Le droit de s’asseoir aux pieds de Jésus et de ne rien faire, ironise Marthe.

— Bien Marie, il semble que nous ayons vraiment besoin que tu t’expliques, reprend avec sérieux « la femme adultère ».

— Vous savez très bien que le droit de s’asseoir aux pieds d’un maître pour recevoir l’instruction6 est réservé aux hommes. Ce droit leur confère, par le fait même, les privilèges d’interpréter, d’enseigner, de diriger, etc. La société ne reconnaissant aucun de ces privilèges aux femmes, nos chefs jugent prudent de nous garder dans l’ignorance. Mais Jésus, lui, m’a enseigné exactement comme il l’a fait à ses disciples. Il m’a fait comprendre que si Dieu m’a donné une intelligence j’avais le droit de l’éclairer. Réalisez-vous ce que ça implique ? Considérant justement les implications,  je qualifierais son geste de prise de position radicale à l’encontre d’une tradition très ancrée dans notre culture.

— Moi, je continue à croire que tu t’enfles la tête, ma chère sœur.

— Attention Marthe ! Marie est en train de me faire réaliser des choses en ce qui me concerne personnellement ; des choses que je n’avais encore jamais vues avec autant d’acuité, dit Marie de Magdala d’un air très songeur. C’est effectivement grave et plein d’implications ce que tu dis, Marie.

— C’est tout simplement éblouissant ! renchérit Marie. J’avais souvent entendu Jésus s’entretenir avec mon frère Lazare. J’étais fascinée par l’enseignement qu’il lui livrait. Je mourais d’envie de me joindre à eux. Je découvrais avec émerveillement que je comprenais tout ce que Jésus lui apprenait. C’est fou, mais je découvrais en même temps que, moi, une femme, je devais pouvoir assouvir mon incommensurable soif d’apprendre. Puis, j’avais d’ailleurs entendu parler de la fameuse parabole des talents que Jésus avait racontée un jour. Alors, tout se bousculait dans ma tête : Avais-je le droit d’étouffer mon intelligence ? Mais comment la développer ? Pour la faire fructifier où ? Auprès de qui ? Puis, à bout d’énergie, je finissais par me dire que la parabole des talents7, c’était sûrement pour les hommes. Je savais, certes, qu’il y avait des femmes qui suivaient Jésus8, mais je croyais que c’était uniquement pour servir les hommes. — Pardonne-moi, Marie (de Magdala)—. J’avais beau me raisonner ; ma lutte intérieure me reprenait de plus belle. Or, j’avais bien remarqué que Jésus traitait les femmes avec autant de respect qu’il traitait les hommes. Ça, j’avoue que ça m’intriguait. C’est ce qui m’a donné l’audace…

— Et Marie a sauté sur la première occasion. Nous avions invité Jésus à venir manger chez nous et dès qu’il est arrivé, elle l’a accaparé.

— Pauvre Marthe ! Je n’arriverai certainement pas à te convaincre. Mais enfin, dès qu’il est arrivé, oui effectivement, je l’ai interpellé. Je me suis mise à lui poser des questions. Ça déferlait. Et quel accueil Jésus m’a réservé ! Il me souriait d’un air ravi. Sans trop m’en rendre compte, je m’étais tout bonnement retrouvée assise à ses pieds. Eh oui ! Dans la position de l’élève devant son maître ! Et lui, n’en a même pas fait la remarque. Tout avait l’air si naturel pour lui. Plus tard, quand je me suis ressaisie, en repassant la scène, j’ai réalisé que pour Jésus, c’était normal qu’une femme s’instruise. Or, sachez-le bien, mesdames, s’exclame Marie dans une feinte d’orgueil enjouée, le savoir confère l’influence et le pouvoir !

— Oh, Marie ! dit la dame de Magdala, en riant aux éclats, avant que les hommes n’acceptent une telle réalité, il s’en écoulera des siècles ! Des millénaires même !

— Trèves de plaisanterie, je n’ai pas encore fini de mesurer l’ampleur du don que Jésus a fait aux femmes à travers son geste à mon égard. La liberté de s’instruire, réalisez-vous ? C’est sûr qu’il me faudra lutter pour me prévaloir de ce droit. On pourra toujours me faire obstruction, mais on ne pourra jamais m’enlever du cœur la conviction que Dieu veut que ce droit soit reconnu aux femmes, puisqu’il a donné raison en tout à Jésus en le ressuscitant.

— Tu sais, Marie, ta façon d’exprimer avec autant de lucidité les conséquences pour les femmes du geste de Jésus à ton égard me fait encore mieux saisir ma propre expérience, reprend Marie de Magdala9. L’enseignement privé que Jésus a bien voulu te donner, je l’ai reçu au fil des jours en le suivant. Car tu sais, ce qui m’est arrivé est tout aussi inouï. Si je commençais par le commencement ! Tout d’abord, j’ai toujours senti que j’avais en-dedans de moi…— je ne sais pas trop comment dire sans avoir l’air prétentieuse— que j’avais du « leadership ». Oui, c’est ça, je me sentais capable de rassembler, d’organiser, de diriger… Eh bien ! Jésus s’en est vite rendu compte. Aussi, il n’a jamais cessé de me confier des responsabilités. Nous discutions beaucoup ensemble. Il savait très bien qu’il ne pouvait pas m’envoyer en mission comme il le faisait avec les hommes ; ça aurait été me jeter dans la gueule du loup. Il disait que notre société ne le permettrait jamais et que ce serait trop dangereux pour moi ; puis que de toute façon, on ne recevrait pas l’enseignement d’une femme, ajoutait-il. Mais il me laissait prendre une foule d’initiatives dans son entourage. Il souhaitait surtout que j’aide les femmes à développer leur estime personnelle et que je les encourage à se tenir debout. Au début, ses compagnons — et même les femmes !— me regardaient de travers. À la fin, ses plus proches collaborateurs avaient appris à respecter mon opinion et à me faire confiance. Ah ! il y avait encore des réticences à l’occasion. Le naturel a toujours tendance à refaire surface, mais Jésus répétait sans cesse : « Pourquoi le souffle de Dieu, qui fait vivre et qui inspire, serait-il de moindre valeur dans les femmes que dans les hommes ? » Que vouliez-vous que les hommes répliquent à une telle sagesse ? Comme toi, Marie, je me bute aux entraves sociales quand j’ai le goût d’exercer la liberté que Jésus m’a donnée. Mais je sais qu’elle est là, invulnérable en-dedans de moi, et j’ose espérer qu’elle soit une semence. Si Dieu a su vaincre la mort en faveur de Jésus, il saura bien également faire triompher la liberté qu’Il a donnée aux femmes par ce même Jésus.

— Écoutez les amies, si vous êtes étonnées de ce que Jésus a osé faire pour vous, en terre purement juive, en défiant les interdits, imaginez donc ce qu’il a fait pour moi « La Samaritaine !10 » Dans le monde juif, ça dépasse l’entendement. Quand j’y pense, je suis même surprise qu’il n’ait pas été exécuté sur le champ11 ! Depuis quand un Juif a-t-il le droit de s’adresser à une femme, comme ça, en public ? À une Samaritaine, par-dessus le marché ! Même ses disciples, quand ils sont revenus de leurs courses, en étaient tout simplement scandalisés ! Pourtant, ils en ont vu d’autres à ses côtés !

— Ah oui, cette fois-là, sa liberté dépassait toutes les bornes. Même moi, qui, en le suivant, ai vu tant d’entorses de sa part, j’ai encore du mal à m’habituer à celle-là, dit Marie de Magdala.

— Qu’il me parle en public, à moi, femme samaritaine, c’était déjà inadmissible, mais qu’il l’ait fait en dépit de mon lourd passé libertin, c’est renversant !

— Là, je t’arrête, dit la femme « adultère ». Jésus ne s’est jamais empêché de côtoyer les pécheurs (excuse-moi !), même si la religion le lui interdisait. Il avait pour son dire que ce n’est pas en les méprisant et en les gardant loin qu’on peut leur faire comprendre que Dieu les aime. Il n’a d’ailleurs jamais cru que le contact avec qui que ce soit – homme, femme, étranger, lépreux, pécheur- pouvait rendre impur.

— Mais plus encore, c’est par une femme, une samaritaine indigne, que Jésus a fait entrer la foi en Samarie12, ajoute la Samaritaine.

— Sans compter que Jésus était en train de dire au monde qu’aux yeux de Dieu, les Samaritains valent autant que les Juifs. Ça ce n’est pas près d’être gobé par les autorités juives ! Les impacts politiques et religieux sont tout simplement trop grands. On ne peut pas voir l’immensité d’une montagne en se tenant à son pied ; il faut prendre du recul.

— N’empêche qu’au plus profond de mon cœur, moi, la célèbre Samaritaine, je suis une femme libre. Jésus m’a rendu l’estime de moi-même. Il m’a montré que mon témoignage était digne. Un seul problème : avec toute la fougue qui m’habite, j’ai peine à accepter que les choses bougent si lentement.

— Moi, risque timidement la « Femme adultère »13, en t’écoutant, chère sœur de Samarie, toi qui sembles si à l’aise de parler de ton cas, même si tu as eu cinq maris, ça me donne de l’audace de parler à mon tour. J’ai traîné ma honte longtemps après que Jésus m’eût sauvé la vie. Que dis-je ? je la traîne encore. Vous savez, on m’avait surprise en flagrant délit avec cet homme… J’étais sûre que j’allais mourir, qu’ils allaient me lapider, comme le prescrit la loi.14

— Et l’homme, lui ? s’indigne la Samaritaine.

Haussant les épaules et hochant la tête, la pauvre « Femme adultère » semblait incapable de donner plus de précision.

— Ah, mais Jésus a bien dû penser que tu n’avais pas commis l’adultère toute seule, ricane la Samaritaine.

— Mais enfin, moi qui me sentais si souillée, si sale, si indigne… Moi qui, toute tremblante, n’osais même pas redresser la tête quand Jésus m’a interpellée.  J’entends encore la douceur de sa voix- : « Femme, où sont-ils donc ceux-là qui t’ont amenée à moi ? Ils ne t’ont pas condamnée ? » J’ai levé la tête et j’ai lu tellement de bonté, de miséricorde dans son regard. J’ai alors compris que j’étais sauvée.

Elle essuya une larme, tandis que les autres, émues, baissaient  la tête en silence.

— Mon histoire est peut-être plus personnelle, mais je voulais quand même en parler parce que, en dedans de moi, je me sens grandie face à Dieu ; parce que Jésus a montré, que, oui, pour Dieu, homme et femme sont égaux. Pourquoi, lui, il aurait échappé à la mort et moi pas ? L’attitude de Jésus a suscité en moi un tel bien-être intérieur, une telle libération. Mais jamais je ne recommencerai ! Oh non ! s’écrie-t-elle avec conviction.

 Marthe, s’approche par derrière, posant les mains sur ses épaules, elle dit affectueusement :

— Ton histoire est loin d’être banale. Elle est un baume pour les femmes bafouées. Elle clame l’égalité dans l’exercice de la justice. Elle est garante de l’amour de Dieu pour les femmes. Elle est promesse qu’un jour, on nous respectera et nous reconnaîtra pleinement, nous aussi, les femmes.

Les autres, la regardant avec tendresse, se taisaient toujours. Marthe reprit :

— À moi aussi, Jésus a donné quelque chose, et ce quelque chose est très précieux.  Ah, bien sûr, ce n’est pas comme à ma sœur, la possibilité de m’instruire ; il savait que, de toute façon, ça ne m’intéressait pas. Mais ce qu’il m’a donné, je le chéris presque égoïstement : une amitié personnelle. Il a été mon ami, lui, un homme juif, à moi, une femme !

— Dans ce cas, à moi aussi, dit sa sœur.

— Laisse-moi donc ce qui m’appartient, veux-tu Marie ! Oui, il a été mon ami. Au début, je craignais les jugements ; mais pour Jésus, c’était tellement naturel.

— Ce que tu dis n’est pas banal, Marthe, reprend Marie de Magdala. Tu sais, dans notre groupe, Jésus voulait vraiment que les hommes et les femmes aient ce type de relation, sans jugement. Il était aussi à l’aise avec les femmes qu’avec les hommes. Ah, ce n’est sûrement pas le même type d’amitié qu’il a eu pour toi, se rattrape Marie de Magdala, soucieuse de ne pas déplaire à Marthe. Mais au delà de toutes les réticences que son attitude engendrait, c’était une semence de libération sociale que Jésus jetait en faveur des femmes. J’oserais dire que la relation d’amitié qu’il a eue avec toi … et avec ta sœur aussi, peut-être ?… est une sorte de consécration de rapports nouveaux entre les hommes et les femmes. Il osait vous rencontrer même si Lazare n’était pas là, tout simplement parce qu’il attachait beaucoup de valeur à votre compagnie. Jésus franchissait là un seuil important. C’est encore une liberté nouvelle qu’il octroyait aux femmes

— Mes chères sœurs, Jésus a semé un vent de liberté dans le cœur des femmes, et cela, d’une multitude de manières. L’histoire de chacune d’entre nous en est un témoignage vivant. Il y aurait encore bien d’autres exemples à citer. Si seulement le message de Jésus pouvait être entendu, reçu, mis en pratique, le monde entier serait transformé ! Car après tout, -je ne le répèterai jamais assez- Dieu lui a donné raison, puisqu’il l’a ressuscité. Mais vivons dans l’espérance et dans la foi. Dieu est le Maître de l’univers. Il peut vaincre toutes les résistances. La liberté que Jésus a donnée aux femmes, un jour, s’épanouira pleinement pour le plus grand bien de l’humanité !

1. Sans malice aucune, on garde ici, pour certaines femmes, les pseudonymes par lesquels la tradition chrétienne les a identifiées, cela en raison du pouvoir évocateur du type d’intervention de Jésus à leur égard.
2. L’épisode concernant l’hémorroïsse se retrouve dans les synoptiques : Mc 5,25-34 ; Mt 9,20-22 ; Lc 8,43-48.
3. Lv 17,11.14 ; Dt 12,23 ; aussi Gn 9,4 ; Ex 24,8
4. Lv 15,25-30.
5. Voir l’épisode de Lc 10,38-42 relatant la visite de Jésus chez Marthe et Marie.
6. .Les élèves s’assoyaient effectivement par terre aux pieds de leur maître pour se faire instruire. Ainsi, selon Ac 22,3, Paul reçoit sa formation à la loi aux pieds de Gamaliel.
7. Voir Mt 25,14-30 ; Lc 19,12-27.
8. Lc 8,1.
9. Il ne faut pas confondre Marie de Magdala et la pécheresse non identifiée de Lc 7,36-50. La traditionnelle confusion vient sans doute du fait qu’elle soit nommée, en Lc 8,2, immédiatement après l’épisode de la pécheresse, alors qu’on dit de Marie de Magdala qu’il était sorti sept démons. En raison de ce dernier détail, la possession de Marie a été associée à la situation de péché de l’autre femme. Pourtant, les démons des évangiles ne suscitent pas le péché mais sont cause ou explication de la maladie physique ou mentale. Or, dire que Marie de Magdala a été délivrée de sept démons peut signifier qu’elle ait été guérie d’une maladie incurable, considérant la valeur du chiffre sept, symbole de la plénitude.
10. Jn 4,1-42
11. Il importe de rappeler ici la profonde division qui existait entre Juifs et Samaritains. Les Samaritains étaient considérés comme un peuple bâtard du fait qu’il était composé d’un mélange d’Israélites et de colons étrangers. En effet, lors de l’invasion assyrienne en Samarie, en 722 av. J., les conquérants avaient, d’un côté, déporté en terre étrangère une partie de la population samaritaine, mais ils avaient, de l’autre, amené en Samarie des étrangers (dits « païens », du fait qu’ils adoraient plusieurs divinités). Le métissage raciale avait aussi entraîné une sorte de syncrétisme religieux, carrément décrié par les Juifs de race pure. Bref, les deux groupes, Juifs et Samaritains, se détestaient mutuellement. On saisit alors l’ampleur de la provocation, dans l’épisode du bon Samaritain (Lc 10,29-36), quand Jésus propose justement le Samaritain comme modèle, alors que deux Juifs de la plus haute orthodoxie, un lévite et un prêtre, n’ont pas su adopter le comportement charitable qui plaît à Dieu. (Voir aussi en Lc 17,11-19, le récit de la guérison de dix lépreux dont seul le Samaritain revient remercier Jésus).
12. Jn 4,39-42
13. Jn 8,1-11
14. Lv 20,10 ; Dt 22,22-24
*  Je dédie cet article à André Myre en reconnaissance pour son travail libérateur auprès des groupes marginalisés. L’article était, au départ, destiné à un collectif en son honneur, lequel n’a malheureusement pas été achevé.