LE PAPE, C’EST LE PAPE !

« LE PAPE, C’EST LE PAPE ! »

par Ginette Boyer

 « Quoiqu’il dise, quoiqu’il fasse, après tout, le pape, c’est le pape ! « 

C’est justement ça le problème… Même en mettant à zéro le volume de ma télévision, ce qui se dégage de ces images, de cette visite, me tord les tripes.

Je résiste mal à ce rassemblement de soutanes en courbettes. S’agit-il vraiment des mêmes évêques, de ceux qui tiennent tête au chômage et qui proclament l’égalité des femmes en emploi ? Comment font-ils pour être aussi à l’aise dans deux mondes à la fois ?

Malgré mes principes, j’aurais bien aimé donner la fessée à la gang de petits gars pâmés devant Superman que formait le clergé à l’Oratoire. Personne d’autre, me semble-t-il, n’a autant adule Jean-Paul I ! que ces prêtres qui touchaient enfin le rêve de leur vie… Pénible…

Enfin, je comprends mal la séduction qu’exercé Jean-Paul II sur les foules. Je n’ai jamais pensé que la foi chrétienne supposait des pertes de mémoire en des moments comme ceux-là. Sinon, il y a belle lurette que j’aurais cherché un autre lieu que l’Eglise pour nourrir et partager mon indignation devant l’injustice et mon espérance vitale dans un monde meilleur.

Moralité : dans toute cette histoire, je suis plus déçue de l’Église du Québec que de Jean-Paul II lui-même. Lui, n’a fait que passer (je doute fort de la résonance de ses discours sur la majorité des gens d’ici). Les autres, tant ceux qui sont au pouvoir que ceux et celles qui forment le coeur de « l’Église d’ici, sont là pour rester. Et je crains fort cette mentalité du « Après tout, c’est le pape ! » Ça me ramène toujours à ma marotte quand retrouverons-nous, sans culpabilité, l’audace et la liberté des premières communautés chrétiennes qui ont pas hésité, elles, à faire un judicieux ménage dans leur tradition ?

Un espoir pourtant : peu de gens savent que la Conférence religieuse canadienne (qui regroupe les supérieur(e)s majeur(e)s des communautés religieuses canadiennes) avait officiellement demandé à ne pas rencontrer le pape lors de sa visite. Mais il est d’usage que Jean-Paul Ii s’adresse à ce corps religieux lorsqu’il séjourne dans un pays. « Nous faisons partie du peuple de Dieu, alors qu’il s’adresse à nous au sein du peuple de Dieu’, ont-ils dit en substance.

Ce geste, encore plus que la présence somme toute marginale des femmes pour distribuer la communion, m’aide à faire baisser mon taux d’adrénaline…

Je sais bien, des nuances s’imposeraient. Il y a des prêtres de la Rive-Sud de Montréal qui ont déclaré publiquement ne pas vouloir participer à la rencontre de l’Oratoire. Et Odette Léger qui à Moncton. a eu l’occasion de s’adresser au pape (il aura beaucoup parlé, mais qui  aura-t-il écouté ?). Mais ces événements m’apparaissent périphériques. La question centrale demeure : « Le pape, c’est le pape. Pis après ? »