LES RAPPORTS ÉPISCOPAT/FEMMES/PAPE PISTES DE RÉFLEXION

LES RAPPORTS ÉPISCOPAT/FEMMES/PAPE

PISTE DE RÉFLEXION

par Marie-Andrée Roy

 La récente visite de Jean-Paul II nous suggère de multiples pistes de réflexion. Nous en retenons deux. Une première a trait aux rapports de l’épiscopat avec les femmes. Une deuxième concerne les rapports des femmes avec le pape.

Les rapports épiscopat/femmes

L’épiscopat n’est pas sans être sensibilisé à la question des femmes dans la société en général et dans l’Église en particulier. Sa déclaration, Les femmes et 1’emploi. Égales à l’occasion du 1er mai, et « l’espérance » de Mgr Robert Lebel de réussir à montrer au pape, lors de sa visite., « une image de nos Églises où les forces vives sont pour le moins autant féminines que masculines » (La Presse, mai 1984), constituent des exemples significatifs de cette « sensibilité ».

Pourtant, les contradictions affluent. Les forces vives féminines, pas besoin de le dire, se sont retrouvées en septembre dernier, une fois de plus sur la banquette arrière quand ce n’est pas beaucoup plus loin. Pas « d’incidents » en perspective. Les ‘Pères de l’Église québécoise », mises à part quelques timides transgressions à la norme vaticane au chapitre des lectures et de la distribution de la communion, transgressions rendues nécessaires pour la conservation d’un minimum de crédibilité auprès des femmes catholiques d’ici, ont pris l’air de fils rangés quand est arrivée la grande visite.

Ils ont relégué aux armoires leurs vêtements post Vatican II et exhumé de la naphtaline soutanes et dentelles confectionnées par les mains agile ; des filles de Soeur Léonie. Est-ce cela qu’on appelle la mise en valeurs des forces vives féminines ? Remarque anecdotique ? Beaucoup plus que cela . Ce geste restitue symboliquement la logique de fonctionnement de l’autorité ecclésiale. Quand vient le temps des choix décisifs, une hiérarchisation des valeurs s’impose. Les femmes n’ont pas totalement été exclues. Mais, malgré la dite reconnaissance des évêques des « ravages du sexisme et (de l’)appropriat.ion masculine des institutions ecclésiale’ (IVe Synode des évêques), ces derniers, face à Jean-Paul II, ont choisi la démonstration d’une Église triomphante, plutôt que la présentation, au risque de la réprobation du Père de Rome, d’une Eglise où femmes et hommes participent également.

Est-ce à dire que la réprobation des femmes ne tonne pas encore assez fort aux oreilles de l’épiscopat ? Bien sur, ce dernier a réussi à éviter en cours de visite, toute gaffe papale qui aurait soulevé les tollés de protestations. Ce n’est pas un mince exploit. Mais, à la question de savoir si, sur le marché des biens symboliques, il est plus rentable de tirer sa valorisation de l’évêque de Rome ou de la mise en pratique de beaux principes d’égalité et de justice avec les femmes, nous connaissons la réponse des évêques.

Les rapports femmes/pape

Nous ne reviendrons pas sur les nombreuses manifestations critiques des femmes autour de la venue de Jean-Paul II, articles, pétitions, lettres ouvertes, etc…Elles ont fait, d’une certaine manière, cavalières seules, l’esprit critique des autres ayant été déposé, au cours de cette période, au frais, sur la glace.

Nous nous contenterons d’évoquer également comment depuis deux décennies les femmes ont pris leur envol pour assumer leurs choix moraux {fécondité, contraception, avortement, etc…) de manière autonome et responsable, à l’égard des prescriptions romaines.

Mais la venue de Jean-Paul II, sa présence sensible pour ne pas dire sensuelle ne risque-t-elle pas de renverser la vapeur ? L’indéniable charisme de cet homme va-t-il faire dérailler les femmes ?

Formulons une hypothèse. Il est beau, il est fort, à la fois tendre et viril, convaincu, différent des autres, d’une grande force physique et intellectuelle, sans exigence sexuelle précise. Bref le prince charmant rêvé par toutes les petites filles ou, plus précisément, par la petite fille qui sommeille encore au fond de chaque femme. « Superpapa » ne va-t-il pas chercher les femmes au niveau de cette « fantasmatique infantile » où le magique, le tout-puissant devrait être le réel ?

Le deuil de cette fantaisie permet aux femmes de rencontrer les hommes comme des personnes à part entière en ne les dévalorisant ni ne les survalorisant pas. Il permet aussi aux femmes de refuser les rapports de domination et la loi patriarcale, celle de tous les « papas », y compris de Superpapa. Un deuil émergeant de pratiques de conscientisation et de libération à la fois individuelles et collectives.

En décrétant unilatéralement ce qu’est le « bien moral », en ne reconnaissant pas aux femmes la capacité de choisir des valeurs positives et constructives, valeurs sur lesquelles elles alignent leur agir, le pape adopte une stratégie qui vise implicitement à faire régresser les femmes au niveau de petites filles béates devant le prince charmant, obéissantes à la loi du Père. Femmes à votre devoir.

L’enjeu de l’avenir est un peu là. Les femmes ne succombant pas à la tentation sauront-elles, la tête haute, poursuivre leur voie ? Il faut pour cela qu’elles sachent identifier, nommer, proclamer, concrétiser leur désir de femmes libres. Faire fi des pseudo-sécurités, renoncer à la couverture toute-puissante.

Et alors, si jamais Jean-Paul II veut les rencontrer il devra le faire comme un frère, et uniquement comme un frère.