GLANEUR DE GLORIOLE

GLANEUR DE GLORIOLE

par Rita D. Hazel

 L’écrivain André Frossard, auteur du célèbre volume ‘N’ayez pas peur », a souhaité rencontrer un groupe de femmes lors de son dernier passage à Montréal, immédiatement après la visite du pape.

Devant la trentaine d’invitées réunies au Centre Saint-Pierre, il a ainsi commencé sa causerie : « Je n’ai rien contre les femmes. La preuve, j’en ai une qui m’accompagne partout. Elle est là, au fond de la salle, à me surveiller au cas où je dirais un mot de travers. J’ai grandi entouré de femmes…(etc) ». Il ne nous a jamais présenté son épouse, dont il a répété qu’elle le surveillait, à diverses occasions…

Suivirent quelques phrases anecdotiques ou descriptives sur chacune de ses rencontres avec un Souverain Pontife. Par exemple, vers 1935, ses bagages ne comprenant pas la tenue vestimentaire alors de rigueur, il dut emprunter un habit noir et des escarpins vernis qui, trop étroits, l’ont tant fait souffrir le long des corridors du Vatican qu’il fut extrêmement heureux de se précipiter à genoux devant le pape, comme l’exigeait le protocole…

Le conférencier expliqua ensuite l’origine du livre cité plus haut, composé des réponses de Jean-Paul II aux 70 questions qu’il lui avait préparées. (Après le roi Beaudoin, il se trouva le deuxième invité à prendre son petit-déjeuner avec le Saint-Père.)

L’échange avec les auditrices porta d’abord sur les qualités du pape actuel (« Jean-Paul II agit par sa présence. Les gens qui vont le voir laissent leurs objections de côté parce qu’ils ne les trouvent plus importantes ») et se poursuivit essentiellement ainsi :

Q. Pourquoi avez-vous demandé de rencontrer un groupe de femmes ?

 R. Parce que je vois souvent beaucoup d’hommes, al ors J’aime changer un peu.

Q. Parmi vos 70 questions, y en avait-il une ou. deux qui concernaient les femmes ?

 R. Toutes les questions concernent aussi bien les femmes que les hommes (longues explications de cette lapalissade).

Pressé de préciser la pensée du pape sur la prise de position des chrétiennes féministes, M. Frossard répond en réduisant la question féminine à quatre points principaux :

1. L’avortement : jamais le pape ne pourra l’admettre, « c’est un meurtre. Je pense souvent : s’il avait fallu qu’une certaine Vierge se soit dit qu’elle ne savait d’où lui venait son enfant, qu’il n’était certainement pas de Joseph, qu’elle n’avait pas les moyens de le faire vivre, et qu’elle ait décidé de le supprimer… On ne sait jamais qui on supprime,.,. »

2. La contraception : il préférerait que le pape ne parle pas de ces deux sujets en même temps « parce que cela fournit un prétexte à l’avortement : on dit puisque la contraception n’est pas permise, on se trouve contraint à l’avortement… » Il compte encore sur des découvertes biologique ; et médicales.

3. Le divorce : l’Église s’emploie à multiplier les possibilités d’annulation de mariage. C’est beaucoup plus facile qu’autrefois.

4. Le sacerdoce des femmes : en plus de tous les arguments connus, M. Frossard a trouvé une autre raison qui empêche les femmes d’accéder à la prêtrise : « A la messe, le célébrant transforme le vin en sang, or aucune femme n’a participé à la crucifixion de Jésus ; les femmes ne sont pas faite : : ; pour répandre le sang, ni même pour commémorer un sacrifice sanglant ; elles sont faites pour donner la vie. Voilà pourquoi elles ne peuvent pas être prêtres. Mais j’ignore pourquoi, elles n’aiment pas ça quand je leur donne cette raison-là ».

Q. « Et le pouvoir alors ? »

 R. « le pouvoir ? Madame ! Quelle vilaine chose ! Il ne faut pas rechercher le pouvoir. Les hommes s’imaginent qu’ils ont le pouvoir, certains le désirent, ils ont tort, cela cause leur perte. Ce qui compte, c’est le service, uniquement le service. Moi, je ne suis pas malheureux de ne pas être prêtre, pourquoi le seriez-vous ? »

« Vous dites que l’Église n’accorde pas de place aux femmes ? Mais elle leur fait une grande place : depuis des siècles, elle prie la Vierge Marie qu’elle met au-dessus de tous ! Et elle a canonisé plus de saintes que de saints ! Que voulez-vous de plus ? »

A cette minute précise, on vint prévenir M. Frossard que son taxi l’attendait à la porte, pour l’amener à un autre rendez-vous. Il nous avait accordé une heure et dix minutes. Le surlendemain, il devait partir pour la ville de Québec où il rencontrerait encore un groupe de femmes.

Qu’est donc venu faire André Frossard parmi nous ?

La promotion de son livre ? Mais aucun volume n’était offert, ni en démonstration ni en vente…

Recueillir des éléments pour une prochaine publication ? Il ne nous a pas questionnées et ne semblait guère intéressé à connaître nos pensées ou nos sentiments…

Stimuler notre foi ? Rien, dans sa causerie, ne fournissait matière à méditation, si courte fût-elle…

Alors ? Comme ces glaneuses qui ramassaient les épis laissés par les moissonneurs, est-il venu cueillir des relents de la gloire papale encore en suspension dans les rues du Québec ?