LE TROISIEME COLLOQUE DES GROUPES DE RÉFLEXIONS DE L’AUTRE PAROLE : UNE ETAPE IMPORTANTE DANS L’EVOLUTION DE NOTRE COLLECTIF

LE TROISIEME COLLOQUE DES GROUPES DE RÉFLEXIONS DE L’AUTRE PAROLE : UNE ETAPE IMPORTANTE DANS L’EVOLUTION DE NOTRE COLLECTIF

A la fin d’un colloque comme celui-ci, on commence à entrevoir la solidarité qui nous rassemble et les tâches qui nous attendent. Mais ces « visions » ne m’inspirent guère un compte rendu linéaire. Aussi, ai-je préféré regrouper des questions et des prospectives qui se sont dessinées au fil des échanges.

Qu’est-ce qu’un groupe de réflexion de L’Autre Parole ?

Les groupes de Rimouski Québec et Montréal ont tour à tour décrit leur mode de fonctionnement, les caractères spécifiques de leur démarche et les principales préoccupations de leurs membres. La diversité était à l’honneur : des étudiantes en théologie et des travailleuses ne s’interrogent pas nécessairement de la même façon. De même, les expériences diffèrent selon que des femmes se rencontrent depuis quelques mois ou quelques années.

De l’analyse de cette pluralité de cheminements (d’individues et de groupes) se dégage toutefois une démarche-type des groupes de L’Autre Parole.

Assurer de la cohésion un groupe demande du temps. Le temps de faire connaissance, d’établir un climat de confiance, et de développer un certain nombre de complicités. Il serait bien téméraire de vouloir sauter cette étape ; les interventions dans le milieu viendront à leur heure.

Pour certains groupes, la démarche d’identification des oppressions des femmes dans leur corps1 au sein de l’Eglise et de la société est apparue comme un moyen efficace de créer une solidarité entre les membres du groupe (« Je ne suis pas la seule à avoir peur dans la rue le soir ? ») et de développer une conscience féministe quotidienne (quand c’est le cas, ne pas dire « mon » lavage, mais bien « le » lavage, etc ..).Les interventions, au cours de cette première année de partage, se situent donc, globalement, au sein du groupe et de son environnement immédiat, soit sur l’une ou l’autre dimension du vécu des participantes, de leur famille ou de leur milieu de travail.

Au fil des rencontres, une question surgit d’elle-même : « Qu’est-ce qui, dans le christianisme, nous interpelle toujours ? » ou « Comment se fait-il que je tienne toujours à me dire « chrétienne », malgré toutes les injustices qui ont été et qui sont toujours faites aux femmes dans l’Eglise ? »

La réponse à cette question, encore intime, demande aussi

-nous l’avons bien vu cette fin de semaine – un temps de mûrissement. Bien sûr qu’assez rapidement, on peut en arriver à saisir que nous faisons partie des opprimés à qui Jésus a annoncé la Bonne Nouvelle de leur libération. Mais cela ne suffit sans doute pas.

Pluralité. Radicalisme. Justice . Liberté. Conflits. Transcendance. Frustrations. Trahison. Scandale. Silences. Silences sur la vie des femmes qui nous ont transmis l’Evangile et la Tradition. Révélation. Révélation de Dieu à travers le vécu des femmes. Notre foi est un écheveau de laine mêlé … avec lequel nous tricotons lentement une nouvelle façon de comprendre le Dieu des chrétiennes.

Mais, concrètement, comment s’y prendre pour articuler notre foi ? Les pistes sont moins claires que lors de l’identification de nos oppressions où nous bénéficions de la stimulation de l’ensemble du mouvement des femmes. Je me risquerai toutefois à   identifier deux tendances, sans doute complémentaires : enraciner notre réflexion théologique (il ne faut pas avoir peur des mots) dans notre pratique et apprendre à célébrer ensemble.

Le groupe de Rimouski a obtenu une subvention gouvernementale pour démasquer la violence faite aux femmes de leur région. Elles travailleront en concertation avec les autres rassemblements de femmes de Rimouski. Un groupe de Montréal a rencontré Mgr Robert Lebel, délégué au synode sur la famille, avant qu’il ne s’envole pour Rome. Ces interventions -ou d’autres- sont une source importante de réflexion théologique pour qui choisit de reprendre ce vécu à la lumière de la tradition chrétienne. D’autant plus que ces projets sont fondamentalement des façons d’actualiser notre credo.

Surviennent aussi une série de questions -que nous avons à peine eu le temps d’effleurer durant ce colloque- qui relance notre questionnement :

–                      quelle est notre stratégie globale ?  notre objectif central ?

–                      qui sont les bénéficiaires de nos interventions ?

–                      quelles sont nos solidarités ?

–                      quelles sont nos ressources ?

Prier ensemble a été un événement spontané pour un autre groupe de Montréal. La célébration que. nous avons vécue au colloque montre bien, cependant, que toutes ne vivent pas pareillement ce temps de mémoire et d’action de grâces. Dans ce domaine peut-être plus qu’ailleurs, nous sommes tributaires de la catéchèse que nous avons reçue. De même qu’il a été difficile de passer du latin au français. de l’absolution personnelle à l’absolution collective, de la communion avec des hosties à la communion au pain et au vin, il est particulièrement bouleversant de prendre conscience de la responsabilité des communautés en même temps que de leur sujétion au pouvoir clérical. Mais n’avons-nous pas également besoin de recréer notre univers symbolique ?

Voilà où nous en sommes. L’année qui vient nous permettra sans doute d’apporter des précisions à ces quelques jalons.

Quelles sont nos orientations fondamentales ?2

Féminisme. Christianisme. Appartenance collectives

Tels sont les trois axes qui supportent L’autre Parole depuis sa fondation. Ils sont revenus à la surface au cours de cette fin de semaine. Ce n’est pas le lieu, ici, de les expliciter longuement. Qu’il suffise de dire, pour le moment, qu’en ce qui regarde les deux premiers, il s’agit de dépasser les stéréotypes et les opinions toutes faites.

Mais pourquoi considérer l’appartenance collective comme une constituante ? Privilégier le partage en petits groupes au membership individuel, c’est adopter une méthode de travail qui colore déjà ce que nous faisons, le groupe étant un lieu de support, de vérification, de confrontation et d’élaboration d’une parole pertinente et significative. C’est aussi la « méthode » qu’ont adoptée les féministes et chrétiens …

Quel sont nos projets ?

D’abord, permettre à des femmes d’articuler féminisme et christianisme. Pour plusieurs chrétiennes, il n’est pas évident qu’on puisse s’y risquer.

Mais à quelles femmes ? L’autre Parole est un mouvement issu du milieu universitaire. Déjà, cependant, des femmes qui n’ont pas été « déformées »    par cette institution se sont jointes au groupe. Hais des questions demeurent. Pourrions-nous rejoindre des femmes d’autres classes sociales ? Et même, entrer en contact avec des groupes de femmes du tiers-monde ?

Quelques projets sont en cours : pour continuer de faire reculer les frontières qui maintiennent les femmes en dehors des lieux d’élaboration des orientations et de décision des pratiques de l’Eglise, être aux bons endroits, aux bons moments ….

Il s’est avéré important de créer une solidarité encore plus grande, d’élargir la base du. collectif, de fonder d’autres groupes. Ce qui pose à moyen terme la question de la structuration de l’autre Parole. Aussi avons-nous confié au comité de coordination actuel d’élaborer une proposition de structure qui corresponde aux besoins que nous avons pris soin d’identifier.

Pour être fidèle aux femmes qui sont venues à Québec, il me faudrait apporter plus de nuances et … ajouter quelques pages à ce trop long texte. Je me contenterai donc, en terminant, de rappeler qu’il est vraiment dynamisant de voir des femmes prendre le risque de leurs intuitions et de leur lieu théologique propre pour relire -et compléter- la tradition chrétienne.

l-Montreal        Ginette Boyer.

1. cf.     « Le corps de la femme et l’Eglise », L’autre Parole nos S-6 ; « S’Accepter comme femme, se réapproprier son corps » no 11 ; « Relation à mon corps et féminisme », no 12.

2. cf.    « La voix de notre collectif », L’autre Parole no 4.