AVANT  DE SE DIRE      « BONNES  VACANCES !  »

AVANT  DE SE DIRE      « BONNES  VACANCES !  »

Si on se fie à la compréhension la plus courante des Écritures, le caractère harassant du travail apparait comme une sorte de conséquence de la faute originelle. De là à déduire que les femmes devaient hypothéquer jusqu’à leurs vacances en signe d’expiation, il n’y avait qu’un pas que des siècles de christianisme n’ont pas hésité à cautionner et à défendre. Question de garder en mémoire qu’il s’agissait bien de LA FAUTE A EVE quoi!

Qui dit vacances, dit droit à des repos périodiques à l’intérieur d’un processus de travail. Quand à l’usine ou ailleurs, l’administration, le patron accordent des vacances à leurs employés, la production ralentit ou même s’interrompt totalement pour un temps. donné. On s’évade du quotidien, de la routine; on va refaire le plein physiquement et psychologiquement; on se permet d’oublier un moment les tracas quotidiens, Mais alors, à qui appartient ce genre de vacances?

Aucun homme sans doute ne s’emballerait à l’idée de consacrer ses vacances à terminer le grand ménage, combler les retards de rapiéçage des vêtements, mijoter les plats quotidiens ou les réserves de confitures. La publicité convie plutôt à rêver pêche, golf et voile ou  plus modestement, lecture, sports télévisés et tondeuse motorisée. On s’insurgerait volontiers contre un patron qui refuserait d’accorder des vacances à ses employés sous prétexte qu’ils ne font que la cuisine, le ménage ou l’éducation des enfants. Que de millions de femmes exercent ces trois métiers à la fois, 24 heures par jour et 7 jours par semaine sans avoir droit au moindre répit, ne suscite guère de remous.

Doit-on conclure pour autant que les femmes manquent d’imagination pour organiser leurs vacances? Ou pire encore, qu’elles ont une si mauvaise gestion de leur temps qu’elles n’arrivent pas à s’accorder de loisirs? Ou que des tâches familiales et d’entretien ménager sont en quelque sorte de perpétuelles vacances? On connaît bien les discours du genre :  » ‘y’ a rien là, elles n’ont que des boutons à presser! » Alors, à quoi ça rime des vacances pour les femmes?

Pour une grande majorité encore, la plupart des femmes au foyer à plein temps, des vacances ça n’existe tout simplement pas . Aussi rêvent-elles d’un « repos bien mérité » à l’âge de la retraite! Pour un nombre grandissant, souvent des femmes au travail ou aux études, s’accorder des vacances consiste à transporter dans un autre environnement leurs préoccupations quotidiennes. Ce qui veut dire faire semblant de lire calmement tout en gardant un œil attentif aux enfants, en imaginant le menu le plus agréable pour tous au prochain repas en cherchant de quelle façon elle pourra reprendre le « temps – perdu – en vacances » afin que rien ne cloche dans la reprise du train-train quotidien de la famille au retour Et il se trouve encore des maris étonnés qu’un tel projet n ’emballe pas au plus haut point une mère qui a pourtant un si grand besoin de vacances! Enfin, pour une minorité de femmes, la plupart du temps célibataires, et sans enfants, les vacances sont théoriquement possibles.

En somme, ou bien les femmes se contentent de rêver de vacances, et des vacances éternelles s’il le faut, ou bien elles doivent s’aligner sur le rythme, le goût et les disponibilités, de ceux avec qui elles partagent leur vie et surtout de celui qui « gagne » le pain quotidien. Voilà donc où se situe l’essentiel du problème: le droit aux vacances appartient à ceux dont le travail a une valeur reconnue.

Aussi longtemps que les tâches familiales ne seront pas perçues et admises comme une contribution au développement et à l’économie de la société, on pourra continuer de vanter paisiblement le courage et surtout la « gratuité » du travail féminin. On se croira justifié aussi de déplorer l’effritement de ces mêmes magnifiques vertus avec l’accession des femmes au travail rémunéré. Et pourquoi songerait-on à réaménager les rôles traditionnels? Avec un minimum d’astuce, on pourra même inciter les femmes à applaudir à leur propre asservissement. Le récent mouvement des « Yvette » nous en a donné la triste illustration. Fières, et pour les meilleures raisons du monde, de leur contribution à  la construction d’une nation, ces femmes ont endossé, dans un même mouvement, un fardeau qu’aucun homme n’a d’intérêt spontané à vouloir partager avec elles. Elles se sont si bien acquittées de ces tâches depuis toujours! Pourquoi voudraient-elles soudain se reposer?

Consciente de l’émoi que pourrait causer, en une seule journée, un « mouvement général des femmes en vacances », je me contenterai de souhaiter à toutes une agréable saison estivale!

Sherbrooke Michèle Lavoie