Les deux raisons qui justifient la subordination de la femme à l’homme selon le Saint-Siège

Les deux raisons qui justifient la subordination de la femme à l’homme selon le Saint-Siège

Denise Couture, Bonne Nouv’ailes

Deux raisons justifient la subordination de la femme à l’homme selon les papes Jean-Paul II et Benoît XVI. La première relève de la transcendance, la deuxième, de l’observation empirique. Les deux raisons se rejoignent pour énoncer la même chose, à savoir que la nature de la femme consiste à être une aide pour l’homme.1

La première justification à la subordination de la femme à l’homme, celle qui est transcendantale, s’énonce ainsi : la nature de la femme (qui est l’autre de l’homme et son aide) correspond à l’ordre objectif établi par Dieu et révélé comme histoire du salut. Elle est « voulue par Dieu ».2

Lorsque Jean-Paul II présente sa démarche d’élaboration d’une « théologie de la femme »,  il explique que l’objet de sa recherche est « le paradigme biblique de la ‘femme’3 ». Il cherche à comprendre, écrit-il, « le mystère de la ‘femme’ qui, depuis les premiers chapitres du Livre de la Genèse jusqu’à l’Apocalypse, accompagne la révélation du dessein salvifique de Dieu à l’égard de l’humanité »4. Ce « paradigme » ou encore ce « signe » de la femme, pour le dire avec les mots du pape, correspond à la nature du féminin et de la femme voulue de toute éternité par Dieu et elle est « immuable »5. Elle ne peut changer dans le temps ou selon les cultures. Il s’agit du « message immuable de la Parole révélée par Dieu ».6

Que peut-on répondre à la justification transcendantale de la subordination de la femme à l’homme ? Elle apparaît nettement comme un coup de force autoritaire. Le recours à Dieu a pour effet de sacraliser la subordination des rapports entre les sexes. Est-ce Dieu lui-même qui veut que la femme soit une aide pour l’homme ou n’est-ce pas plutôt les théologiens qui font parler Dieu qui le veulent ? Poser la question, c’est y répondre. Tout cela pourrait donner lieu à de longs développements sur l’autorité en théologie. Qu’il suffise pour l’instant de dire que la première justification ne nous convainc pas.

La deuxième justification de la subordination de la femme à l’homme dans le discours du Saint-Siège, celle qui est empirique, s’énonce comme suit : la nature de la femme (comme autre de l’homme et comme son aide) est « liée à sa capacité physique de donner la vie »7. Selon le Saint-Siège, certaines caractéristiques biologiques de la nature humaine s’imposent, sur le plan de l’anthropologie, « de manière absolue »8. Selon Joseph Ratzinger, « la complémentarité des sexes » est « une vérité évidente » et l’on « ne peut effacer de l’esprit humain [la] certitude » de l’existence de « deux personnes de sexe différent ».9

Sur le plan empirique, la maternité physique de la femme justifie sa nature d’être pour l’autre et celle-ci s’exprime comme maternité physique ou spirituelle. Les auteurs des textes du Saint-Siège n’en disent pas plus sur ce sujet, qui relèverait d’une évidence. Ils n’indiquent pas à quelle théorie biologique ils réfèrent. Cela semble superflu à leurs yeux.

Que répondre à la justification empirique ? Comme l’a montré Judith Butler10, les corps que nous sommes devenus, femmes et hommes, sont un effet du phallocentrisme de sorte que partir de ces corps biologiques pour en faire le fondement de ce système d’appropriation de la femme en tant qu’autre de l’homme, c’est prendre l’effet pour la cause. Cela pourrait donner lieu à de longs développements féministes. Qu’il suffise de noter pour l’instant que de l’observation empirique des corps des femmes on ne peut déduire une théorie de la subordination de la femme à l’homme. Cela ne fait pas vrai. Cela ne nous convainc pas.

La double justification empirico-transcendantale, utilisée par le Saint-Siège, pour fonder la nature de la femme comme une aide pour l’homme ne tient pas. Dans sa nudité et dans sa vulnérabilité, elle apparaît pour ce qu’elle est : une position politique parmi d’autres possibles qui n’a d’autre fondement que le fait de sa propre énonciation. Il importe de la démasquer, car elle justifie une politique néfaste des rapports entre les humains qui subordonne la moitié de l’humanité à l’autre.

 1. Le Saint-Siège ne parle pas de subordination de la femme à l’homme. Il emploie le langage de l’égalité des sexes dans la différence des fonctions, la femme détenant un rôle d’aide pour l’homme. L’analyse féministe montre la hiérarchisation opérée par ce discours. Voir Denise Couture, « La subordination de la femme à l’homme selon le Saint-Siège », Rever, vol. 5, no 3, 2005, p. 14-39. En ligne : http://www.pucsp.br/rever/rv3_2005/t_couture.htm.
2. Jean-Paul II, Mulieris Dignitatem, La vocation et la dignité de la femme, 1988, no 6.
3. Ibid., no 19, souligné dans le texte original.
4. Jean-Paul II, Redemptoris Mater. Lettre encyclique sur la Bienheureuse Vierge Marie dans la vie de l’Église en marche, 1987, no 47, souligné dans le texte original.
5. Jean-Paul II, Mulieris Dignitatem, La vocation et la dignité de la femme, 1988, no 6.
6. Ibid., no 10.
7. RATZINGER, Joseph, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, Lettre aux Évêques de l’Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde, 2004, no 13.
8. Ibid., no 3.
9. RATZINGER, Joseph, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, Considérations à propos des projets de reconnaissance juridique des unions entre personnes homosexuelles, 2003, no 2.
10. BUTLER, Judith. Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion, trad. de Cynthia Kraus, Paris, La Découverte, 2005 (1990).