LES FEMMES ET LE PRIX NOBEL DE LA PAIX

LES FEMMES ET LE PRIX NOBEL DE LA PAIX

Monique Dumais, Houlda

Parmi les femmes qui se sont hardiment opposées à la guerre, il convient de présenter quatre d’entre elles qui ont été honorées du prix Nobel de la Paix.

Prix Nobel de la paix 1979 : Mère Teresa de Calcutta

Agnès Gonxha Bojaxhiu, connue sous le nom de Mère Teresa, est née le 26 août 1910 et a grandi à Skopje actuellement capitale de la République de Macédoine, en Yougoslavie. Sa famille appartenait à la communauté albanaise de la ville. En 1928, elle quitte son village natal et se rend en Irlande pour entrer à l’Institut de la Vierge Marie, désigné sous le nom des Sœurs  de Lorette. Ces sœurs travaillaient comme missionnaires en Inde. Là, Agnès reçoit le nom de sœur  Mary Teresa, en l’honneur de sainte Thérèse de Lisieux. En décembre, elle part pour l’Inde et arrive à Calcutta le 6 janvier 1929. Elle fait des études pour devenir enseignante. En 1935, elle décrit ainsi son travail : « En plus de l’école, je dois m’occuper de nombreux malades et aider dix sœurs  à leurs études, sans parler des examens universitaires. Comme si cela n’était pas suffisant, on m’a encore chargée de l’école Sainte-Thérèse, également sise à Calcutta. »

En 1946, alors qu’elle se rendait  en train à Darjeeling, pour y faire sa retraite annuelle, Teresa entend un autre appel, qu’elle reçoit comme « une vocation intérieure à sa vocation ». L’appel lui demandait de quitter le couvent pour aider les pauvres en vivant avec eux. Après plusieurs péripéties, soeur Teresa reçoit de Rome, le 12 avril 1948, la permission de quitter sa congrégation. En 1949, elle accueille la première sœur  de la nouvelle congrégation de Sœurs  de la Charité. D’autres femmes se joignent à elles pour se mettre au service des plus pauvres parmi les pauvres, les malades, les lépreux qu’elles sortent de la rue pour leur donner un lieu décent afin qu’ils puissent mourir comme des êtres humains. Le 7 octobre 1950, la nouvelle congrégation des Missionnaires de la Charité était officiellement établie dans l’Archidiocèse de Calcutta. Dès le début des années 60, Mère Teresa commence à envoyer des sœurs  dans d’autres régions de l’Inde. En février 1965, avec l’approbation du Pape Paul VI, elle  ouvre une maison au Vénézuela. D’autres fondations suivent à Rome et en Tanzanie et finalement, sur tous les continents. À partir de 1980, des maisons s’ouvrent dans l’ancienne Union Soviétique, en Albanie, à Cuba et dans presque tous les pays communistes.

En apprenant qu’elle est choisie pour le prix Nobel de la paix, mère Teresa déclare : « Je n’en suis personnellement pas digne. Je l’accepterai au nom de tous les pauvres, car je pense qu’en me remettant ce prix le comité n’a fait que reconnaître l’existence des pauvres dans le monde. Mais qu’est-ce que cela ? Une goutte dans l’océan de la souffrance !… » (Lush Gjergji, Une vie. Mère Teresa, Paris/Montréal, Cerf/Éditions Paulines, 1985, p. 136)

Mère Teresa est décédée à Calcutta, le 5 septembre 1997.  L’Église universelle a reconnu la dimension exemplaire de sa vie et  le pape Jean-Paul II l’a béatifiée le 19 octobre 2003.

Voir le site : http://www.vatican.va/news_services/liturgy/saints/ns_lit_doc_20031019_index_madre-teresa_fr.html

Prix Nobel de la paix 1991 : Aung San Suu Kyi

Fille du leader de la libération Aung San (assassiné en 1947), Suu Kyi est née à Rangoon en 1945, juste avant que la Birmanie ne se libère de la tutelle colonisatrice de la Grande-Bretagne. Sa mère est diplomate et Suu Kyi est élevée en Inde et en Grande-Bretagne. Elle fait des études de philosophie, d’économie et de sciences politiques à Oxford. Elle poursuit une carrière académique jusqu’à ce qu’elle rentre en Birmanie, en 1988, pour soigner sa mère malade. En juillet 1988, le général Ne Win, à la tête d’une junte militaire depuis 1962, est obligé de démissionner. Les troubles qui suivent cet événement sont brutalement réprimés par l’armée. Influencée par la philosophie et les idées du Mahatma Gandhi et de Martin Luther King, Suu Kyi et ses amis politiques fondent, en 1988, la Ligue nationale pour la démocratie (LND). Son engagement, non violent, en faveur de la mise en place d’un régime démocratique lui vaut un grand succès auprès de la population. Ce succès va amener, en 1989, la junte militaire au pouvoir à assigner Suu Kyi à domicile afin de diminuer son influence. Mais cette mesure ne va pas empêcher la LND de remporter presque 80 % des sièges lors des élections de 1990. Les militaires au pouvoir vont refuser le résultat démocratique sorti des urnes et vont au contraire augmenter la répression et les persécutions vis-à-vis de l’opposition et des minorités ethniques. Malgré cela, Suu Kyi, appelée « la Dame », continue de résister.

Recueilli sur le site inernet http://www.nobel-paix.ch/bio/aung.htm

Prix Nobel de la Paix 1992 : Rigoberta Menchu Tum

Née en 1959 sur les hauts plateaux du Guatemala, dans le village de Chimel, Rigoberta Menchu est une maya quiché qui n’a pas reçu d’éducation formelle et qui n’a appris l’espagnol qu’à l’âge de vingt ans. Mais elle ne tarde pas à se faire la porte-parole des Indiens opprimés de son pays : 22 nations indigènes représentant 65 % de la population, victimes d’une politique militaire de génocide. Dès 1981, elle doit s’exiler au Mexique après que ses parents et un de ses frères eurent été tués pendant la répression menée par le gouvernement et les groupes paramilitaires.

Deux ans plus tard, elle connaîtra un succès international avec la publication de son premier livre, Yo Rigoberta Menchu, publié chez Gallimard, en 1983 et traduit en 11 langues. Ce livre raconte son enfance difficile dans la pauvreté d’un village rural, puis comme servante dans la capitale guatémaltèque. Elle y dépeint toute l’horreur des tortures et les meurtres des membres de sa famille. Un récit malheureusement toujours d’actualité, qui sert de métaphore pour exprimer ce que doivent subir une grande majorité d’indigènes en Amérique centrale, et plus particulièrement au Guatemala. Dans les années 80, elle milita activement dans un groupe de défense des droits humains au Mexique, et s’employa à exercer des pressions sur son gouvernement en donnant de nombreuses conférences aux États-Unis et en Europe. Mais elle demeura relativement marginalisée, au même titre que le conflit du Guatemala, qui n’attirait pas l’attention des pays occidentaux,  malgré l’horreur évidente de ce tragique conflit dont les Mayas furent les principales victimes.

En 1990, elle a reçu le Prix UNESCO pour l’Education de la Paix. La Fondation Menchu Tum qui travaille à la promotion de la culture de la paix chez les peuples indigènes a contribué à promouvoir la Décade Internationale des Peuples indigènes. À trente-trois ans, Rigoberta Menchu devient la plus jeune lauréate du prix Nobel de la paix.

Voir http://www.abc-latina.com/personnalites/rigoberta_menchu.htm

Prix Nobel de la paix 2003 :Shirin Ebadi

Le 10 décembre 2003, Shirin Ebadi, musulmane hostile au foulard et avocate des droits de l’homme, recevait à Stockholm le prix Nobel de la Paix. « Première musulmane à être distinguée dans l’histoire plus que centenaire de la prestigieuse récompense, la distinction lui a été décernée hier pour ses efforts en faveur de la démocratie et des droits de l’homme. » (Le Devoir, 11-12 octobre 2003) Elle a notamment lutté pour les droits des femmes et des enfants dans un pays musulman et islamiste. Avocate et enseignante à l’université de Téhéran, elle a été la première femme à devenir juge en Iran, en 1974. Peu après la révolution islamique de 1979, elle s’était vue contrainte de quitter son poste  – les ayatollahs ayant jugé les femmes trop émotives et irrationnelles pour diriger un tribunal. Elle a alors rejoint le cabinet d’un grand avocat de Téhéran, Karim Lahidji, aujourd’hui réfugié à Paris, où il préside la section irannienne de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). Elle a pris une part importante à la réforme du droit de la famille, s’est prononcé sur le divorce et les successions et a dirigé le combat pour la reconnaissance du statut des femmes, dont la vie, en vertu de la loi islamique, ne vaut que la moitié de celle d’un homme.

Comme avocate, elle a défendu les journalistes et les étudiants emprisonnés.  Son engagement lui a valu plusieurs séjours dans les geôles du régime et même d’être placée en isolement total à la terrible prison d’Evine en 1999.

Un analyste iranien, Ahmad Salamatian, a souligné en ces termes la portée du choix de Shirin Ebadi : « Le Comité Nobel a reconnu que le passage à la démocratie dans le monde musulman passait par la femme ». « C’est un excellent choix : pour l’Iran, les femmes, le monde musulman et même le prix Nobel, qui montre ainsi son universalité. »

Voir l’article de Jean-Pierre Perrin dans Libération, transmis dans Le Devoir du 11-12 octobre 2003

Prix Nobel de la paix 2005 ?
La paix : une force de solidarité pour les femmes du monde

Quand on considère le travail des femmes dans le monde, on constate facilement que les femmes recherchent ce qui favorise la paix dans leur propre milieu et entre les nations partout dans le monde. Elles sentent, ressentent la souffrance des humains blessés, leur propre souffrance devant le manque d’eau, de nourriture, d’abri. Elles veulent changer ce monde où tant de joies sont ensevelies, tant d’espoirs détruits. La vie tressaille et se perd aussitôt.

C’est pourquoi il est suggéré que le prix Nobel de la paix de 2005 soit attribué à 1000 femmes. Voici la proposition : « Des millions de femmes s’engagent quotidiennement pour promouvoir la paix. Elles prennent soin des survivants, favorisent la reconstruction et créent une nouvelle culture de la paix. En leur nom, nous comptons permettre à 1000 femmes de recevoir le prix Nobel de la paix de 2005. Cet honneur politique doit montrer que leur travail est précieux et exemplaire. »

Comme leur travail en faveur de la paix va de soi et qu’il est le plus souvent peu spectaculaire, il n’est pas reconnu, encore moins honoré.

Le prix Nobel de la paix a été accordé pour la première fois en 1901. Depuis ce sont surtout des hommes qui l’ont reçu. Dans les négociations visant à instaurer la paix, ce sont bien davantage des « princes de la guerre » que des « reines de la paix » qui définissent de nouvelles structures politiques, la reconstruction et les conditions nécessaires à la sécurité. Pourtant  des femmes montrent quotidiennement comment, avec leurs expériences et leurs compétences, elles peuvent développer des programmes en faveur de la paix et les rendre durables.

Les récipiendaires seraient des femmes venant du monde entier et de toutes les couches sociales ­ paysannes, enseignantes, artistes ou politiciennes ­ qui s’engagent pour un avenir sans violence. Chacune, avec son histoire propre et son origine, pourrait  offrir des possibilités extraordinaires  d’ouvertures. Ce geste rendrait  enfin visibles l’histoire et le travail des  femmes. Ces 1000 portraits de femmes représenteraient autant de  stratégies visant à surmonter les conflits de façon constructive et donneraient d’importantes impulsions à la recherche en matière de conflits et à la politique de promotion de la paix. Ce serait créer de nouveaux réseaux de promotion de la paix et consolider ceux qui existent déjà.. À cet effet, le projet contiendra une composante de recherche.

Site : http://www.1000peacewomen.org/sprachen/franz/