LES SIGNES RELIGIEUX DANS LES INSTITUTIONS PUBLIQUES

LES SIGNES RELIGIEUX DANS LES INSTITUTIONS PUBLIQUES 1

Yveline Gharian

Interdire le port de signes religieux dans les institutions publiques met les femmes qui les portent devant les choix suivants : quitter leur emploi, ou renoncer à afficher le symbole.

Dans les deux cas, il y a un grand risque de ressentiment, de marginalisation et d’exclusion. Et le plus grand risque, pour les immigrants, c’est l’exclusion économique et sociale.

Interdire le port de signes religieux entraîne une augmentation de la discrimination à l’égard de femmes déjà largement discriminées. Cela donne lieu à une non-réalisation de leur autonomie financière (alors que le mouvement des femmes s’est tellement battu pour l’autonomie financière des femmes).

De plus, le taux de chômage est très élevé chez les femmes immigrantes. Dans la communauté maghrébine, le taux de chômage est de 33 %.

Et quand on sait que les femmes qui portent le foulard représentent 0,5 % de la population, on peut se demander combien de ces femmes seront employées dans la fonction publique ?

Il faut penser aussi au danger d’un repli identitaire et d’une ghettoïsation, et se rappeler que le projet collectif de société est basé sur l’intégration et l’interculturalisme. Cela signifie que chaque femme doit avoir sa place dans la société. Elle doit pouvoir étudier, travailler, pour être libre, pour s’intégrer, pour côtoyer d’autres personnes.

Dans la déclaration universelle des droits, on trouve que toutes les personnes ont droit à la liberté d’expression, au travail, à l’éducation et aux fonctions publiques de son pays.

Je veux citer trois personnes en particulier dont les écrits m’ont éclairée : Christine Delphy, sociologue féministe bien connue, qui est venue visiter le Québec l’an dernier, et qui a parlé de l’affaire du foulard en France comme une porte ouverte à l’exclusion ; Micheline Milot, sociologue québécoise, qui vient d’écrire un livre sur la laïcité ;  Jean Baubérot, grand spécialiste internationalement reconnu de la laïcité. Il vient de publier un livre : Une laïcité interculturelle. Le Québec, avenir de la France ?

J’ai été sidérée de constater combien monsieur Baubérot comprenait ce qui se passait au Québec. Il comparait ce qu’il appelle la « laïcité chêne » de la France (une laïcité qui impressionne avec ses lois et tout le tra-la-la), avec la « laïcité roseau » du Québec, qui est peut-être moins impressionnante, qui fait moins parler d’elle, mais qui, au bout du compte, sera résistante et que les tempêtes n’abattront pas.

Il mentionne d’ailleurs que la loi qui a été votée en France et qui interdit le port des signes religieux a favorisé la fragmentation de la collectivité, ce qui a eu des effets contre-productifs.

Bien sûr, vous aurez compris que je préfère la « laïcité roseau », que je suis pour une laïcité interculturelle, pour poursuivre le dialogue, seule voie pour construire un Québec moderne.

Je vous remercie.

Note : Énoncé lu le 9 mai 2009, à l’Assemblée générale spéciale de la Fédération des femmes du Québec lors du débat en vue de l’adoption d’une position sur le port de signes religieux dans la fonction et les services publiques.