L’ESPÉRANCE

L’ESPÉRANCE

Bonnes Nouv’ailes

Tout au long de l’année, Bonnes Nouv’ailes a basé sa réflexion principalement sur les textes de Joan Chittister, « Le processus de l’espérance », tiré de son livre, De l’épreuve à l’espérance1, et d’Elizabeth Johnson, Friends of God and Prophets. A Feminist Theological Reading of the Communion of Saints. Le point culminant de nos discussions fut le tremblement de terre d’Haïti, non seulement à cause des pertes en vies humaines et des dommages matériels, mais aussi parce que nous n’avions plus de nouvelles de Solanges, membre de notre groupe, qui était à Port-au-Prince à ce moment-là. Nous avons créé une célébration d’action de grâce pour le retour de Solanges parmi nous. Ainsi les deux temps qui ont marqué la vie de notre groupe cette année, le temps de désespérance auquel nous sommes confrontées dans notre quotidien et le temps d’espérance retrouvée qui nous ouvre l’horizon, rythment notre présentation sur l’espérance lors du colloque de 2010. Pour introduire ces deux temps, nous avons choisi deux passages bibliques tirés du livre de l’Apocalypse, livre de révélation de l’espérance en temps de grande désespérance.

Apocalypse 12, 1-4

Un grand signe apparut dans le ciel :

Une femme, vêtue du soleil, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles.

Elle était enceinte et criait dans le travail et les douleurs de l’enfantement.

Alors un autre signe apparut dans le ciel :

C’était un grand dragon rouge feu.

Il avait sept têtes et dix cornes et, sur ses têtes, sept diadèmes.

Sa queue, qui balayait le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre.

Le dragon se posta devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance.

Apocalypse 12, 13-16

Quand le dragon se vit précipité sur la terre, il se lança à la poursuite de la femme qui avait mis au monde l’enfant mâle.

Mais les deux ailes du grand aigle furent données à la femme

Pour qu’elle s’envole au désert, au lieu qui lui est réservé pour y être nourrie, loin du serpent, un temps, des temps et la moitié d’un temps.

Alors le serpent vomit comme un fleuve d’eau derrière la femme pour la faire emporter par les flots.

Mais la terre vint au secours de la femme :

La terre s’ouvrit et engloutit le fleuve vomi par le dragon.

L’espérance, c’est la vie !

Être vivante nous questionne et nous pousse à réfléchir à la mort, ainsi qu’à Dieue. Notre confiance en Dieue nous amène à croire qu’Elle ne nous laissera pas tomber, dans la vie comme dans la mort.

C’est d’ailleurs la victoire de notre frère Jésus sur la mort qui affermit notre espérance. Cette résurrection libératrice, détruisant l’opposition entre la mort et la vie, est un processus de transformation, de fécondité et de création.

Le souffle de vie nourrit le feu de notre espérance.

L’espérance, c’est la vie !

Le temps généreux

L’espérance abolit les barrières du temps. Avec l’espérance, le passé, le présent et le futur se confondent. Si l’espérance naît de l’expérience passée, elle nous enracine dans le présent et nous ouvre le futur qui ne peut être dessiné que dans le présent. L’espérance bouscule les cycles réguliers de la vie pour permettre des  kaïros de surgir, temps des prophétesses.

En nous nous nourrissant, l’espérance nous permet de dépasser la gestion du temps, des objectifs aux résultats. On dit que s’il faut cent ans pour arriver à changer quelque chose, la deuxième année est aussi capitale que la 99e année, même si celle qui agit la 2e année ne verra pas le résultat de son action. Les jeunes féministes hésitent très souvent à s’engager pour des causes perdues, argumentant qu’elles ne pourront jamais voir le résultat de leur action.

Sans espérance, nous croyons que le temps est limité. Avec l’espérance, le temps devient généreux, généreux de relations, à sa prochaine, à soi, à Dieue. Avec l’espérance, le temps devient fécond.

L’éternité dans le temps

L’espérance est également une relation spirituelle à Dieue. Elle figure au nombre des vertus théologales selon le terme de la tradition chrétienne, tout comme ses sœurs, la foi et l’amour. Cela veut dire qu’elle a Dieue pour objet ; sa spécificité concerne le rapport à l’avenir.

Dans le langage de la tradition, avoir l’espérance, c’est croire à la vie éternelle. Aujourd’hui, on s’entend que l’éternité n’est pas le contraire du temps, mais qu’elle est une dimension intérieure du temps. Des moments d’éternité, cela se produit dans nos vies quotidiennes quand l’espérance remplit notre cœur et quand l’action belle laisse circuler de manière fluide la source et le souffle de la vie dans l’instant.

Parce qu’elle concerne l’avenir et le temps, l’espérance a un caractère politique. Comme féministe et chrétienne, elle pousse à lutter contre les rapports de domination entre les hommes et les femmes, entre les humains, et entre les humains et la Terre. Elle engendre des relations qui affirment la vie. Elle fait surgir l’éternité entre nous. L’espérance est une étincelle dans les yeux. C’est un agir qui manifeste que la vie est plus forte que la mort.

Parce qu’elle a Dieue pour objet, elle se manifeste ainsi comme une expérience spirituelle profonde qui nous fait goûter des moments d’éternité dans le temps.

Lucidité

L’espérance ne bâtit pas des châteaux en Espagne.

Ce n’est pas, comme le dit Elizabeth Johnson, un analgésique contre la douleur, une consolation trop facile ou un sauf-conduit quant aux luttes à mener contre l’injustice.

Le fatalisme craint l’espérance, puisque celle-ci lui imposerait de relever ses manches, chercher, lutter, agir. Ce qui ferait cesser le fatalisme.

L’ignorance n’a pas besoin d’espérance, puisque celle-ci lui commanderait d’ouvrir ses yeux, ses oreilles, sa tête et son cœur. Ce qui ferait reculer l’ignorance.

La lucidité a besoin de l’espérance.

Pour lui offrir une bouffée d’air lorsqu’elle se noie dans la réalité.
Pour lutter contre le fatalisme.

L’éducation a besoin de l’espérance. Pour voir plus loin que ce que l’on sait aujourd’hui. Pour garder l’esprit ouvert. Pour lutter contre l’ignorance.

L’espérance est le moteur de toutes nos quêtes pour comprendre le monde, notre motivation pour le changer. Parce qu’elle donne un but.

 Elle s’est formée dans le temps maillon, là où les femmes qui nous ont précédées ont remporté leurs victoires, ont lutté pour rendre meilleure notre condition de femmes. Là où elles ont prouvé que cela était possible.

Elle est forgée de nos propres expériences, de chaque petite victoire qui nous donne la conviction que cette fois-ci encore, nous aurons les ressources nécessaires pour résister, pour lutter encore.

L’espérance est notre force,

Elle ouvre nos yeux et notre cœur, alors qu’il serait tellement tentant

De les fermer…

Lâcher prise

Pour nous qui avons l’art de tout planifier, pour nous qui aimons tout organiser, que peut signifier

LÂCHER PRISE ?

C’est un programme de vie !

C’est toute une vie !

LÂCHER PRISE, c’est accepter de ne plus TOUT décider,

Comprendre qu’on ne peut pas tout contrôler,

Choisir de ne plus TOUT faire (seule).

Ce n’est pas démissionner, au contraire, c’est comprendre que l’autre aussi peut être utile et lui laisser l’opportunité de s’accomplir.

LÂCHER PRISE, c’est se libérer de bien des contraintes :

Que va-t-on penser de moi ?

Que va-t-on dire de moi ?

LÂCHER PRISE est une forme d’ouverture, d’abandon de soi ;

On fait de la place en soi et en même temps on permet à l’autre de s’y installer, on accueille, on reçoit, on partage.

Sur le plan spirituel, c’est laisser faire à Dieue.