Mémoires du colloque 1979

Mémoires du colloque 1979

Les 17 et 18 août derniers, la Grande Maison de Ste-Luce-sur-mer cachait, sous des airs de tranquillité, le bouillonnement du Colloque de L’autre Parole. Les murs, empreints d’une dignité toute religieuse, n’en croyaient pas leurs oreilles.

L’invitation du comité de coordination s’adressait aux participantes des équipes déjà formées ou en voie de. formation. S’y sont rencontrées des femmes de Rimouski, Québec, Sherbrooke et Montréal. S’y est écrite ·une histoire qui mérite d’être racontée.

Le type de participantes commandait un certain type de rencontre. Il ne s’agissait pas tant de consacrer un temps précieux aux traditionnels compte rendus d’initiatives locales que d’amorcer ensemble une réflexion qui se voulait dynamisante.

C’est dans cet esprit que nous nous sommes reconnues dans nos différences. Car l’éventail des occupations (rémunérées ou non) et des états civils étaient variés, et la vingtaine côtoyait allègrement la cinquantaine.

C’est par la mise à jour de nos oppressions et de nos luttes quotidiennes de libération, dans la société comme dans l’Eglise, et par l’identification des éléments de la tradition chrétienne qui soutiennent notre espérance que devaient percer les ressemblances.

Des inquiétudes. quasi classiques (1) nous ont aidées à préciser la notion même de féminisme. Ce n’est vraiment pas une lutte à. finir avec tous les mâles que nous croisons sur notre chemin. Personnifier à outrance ces dits opposants risquerait de nous faire perdre de vue la source de tous nos maux : l’organisation traditionnellement patriarcale de notre société où la division du travail est d’abord fondée sur le sexe. Mais la question de nos rapports quotidiens avec les hommes (et de toutes les contradictions que nous y vivons) reste posée.

Qu’une certaine interprétation de l’événement-Jésus et de la tradition chrétienne ait opprimé et opprime encore les femmes est flagrant. Notre absence des instances décisionnelles de 1’Eglise devrait convaincre le premier venu. Mais, dans ces conditions, où poussons-nous l’audace de nous dire en toute cohérence, féministes et chrétiennes ? Il y a, tout d’abord, cette conviction profonde de toute l’Eglise, que la tradition chrétienne est toujours à « parfaire » (2). Il appartient donc aux chrétiennes et aux chrétiens d’aujourd’hui de reprendre à leur compte cette tradition reçue en héritage.

Mais il n’y a pas que le passé à « traduire » pour le présent. La foi chrétienne n’est pas une chaîne de radotage. Notre Dieu(e) continue de se dire au creux de nos libérations quotidiennes, au fil de notre histoire de femmes. La révélation, tout comme la tradition, demande à être « parfaite ». Et nous désirons participer à cette gigantesque entreprise de relecture et de ré-écriture de la Bible, de l’histoire et de toutes les composantes de la théologie.

Certaines pistes de recherche s’annoncent particulièrement intéressantes. Au terme de ce colloque, une proposition a été mise sur la table. Il s ‘agirait de réfléchir sur « notre corps ».

Nous sommes ce corps de femme dont on interdit

l’exploration et l’appropriation

à la fillette et à l’adolescente.

Corps de femme que l’on fait taire

sur ce qui se passe dans les draps du

lit conjugal.

Corps de femme que le violeur insulte et méprise.

Corps de. femme qui perd toute beauté

s’il n’entre pas dans les normes du marché-jeunesse.

Et dire que le christianisme est la religion de 1’Incarnation•••

Nous sommes ce .corps de femme. Mais comme il nous est difficile, voire pénible, d’en parler. Seulement d’en parler ••• pour sortir de cet isolement qui coupe à la racine tout espoir de solidarité et de libération.

Ce pourrait être le projet des équipes de L’autre Parole pour 1’année qui vient.

Ce pourrait être le projet de toutes les féministes chrétiennes qui ont le go1lt de se réunir, là où elles sont.

N’HESITEZ PAS A FORMER DES EQUIPES, PUIS A  COMMUNIQUER AVEC  LE  COMITE DE COORDINATION. QUI SE FERA UN PLAISIR DE VOUS DONNER UN COUP DE POUCE.

Ajoutons que cette proposition est née des silences, des gênes et des hésitations des femmes qui étaient . présentes à ce colloque. Il nous .. a fallu deux journées de tâtonnements pour en arriver à oser soulever cette question. Mais nous croyons savoir que nous ne sommes pas les seules dans cette situation. Joignez-vous donc à l’aventure !

Ginette Boyer Judith Dufour

(1) Ex. : « En identifiant ainsi nos luttes, disqualifions nous automatiquement nos amis, nos maris et nos amants ?

(2) « Mais pour que l’on pénètre toujours plus avant dans la connaissance de la Révélation, le même Esprit-Saint ne cesse par ses dons de rendre a foi plus parfaite’. Vatican II, Dei Verbum, I, 5, 19.