MONIA MAZIG, UNE BATTANTE ! Les larmes emprisonnées de Monia Mazig.

MONIA MAZIG, UNE BATTANTE ! Les larmes emprisonnées de Monia Mazig. Montréal, Boréal, 2008, 321 p.

Monique Dumais, Houlda

Monia Mazig est l’épouse de Maher Arar. Qui n’a pas entendu parler de lui ? Il a été largement présent dans les médias après sa disparition en septembre 2002, alors qu’il rentrait au Canada après un séjour en Tunisie.

En transit à New York, il est arrêté par la police américaine, emprisonné, ensuite déporté en Jordanie et en Syrie, où il sera torturé pendant un an et libéré sans avoir été jugé.

Quant à Monia Mazig, née en Tunisie, établie au Canada depuis 1991, docteure en finances de l’Université McGill, mère de deux jeunes enfants, elle a vu sa vie être complètement bouleversée après l’arrestation de son mari. Elle décide de tout entreprendre pour la libération de celui-ci, les démarches sont nombreuses auprès des personnes politiques, des journalistes. Elle réussit à créer un important réseau notamment avec Alexa McDonough, leader à l’époque du parti néo-démocrate, Flora McDonald, ancienne ministre des affaires étrangères et Amnistie internationale.

Même si Monia Mazig se dit timide, qu’elle tient à sa vie privée, elle a décidé d’écrire un livre pour que ses deux enfants, Barâa et Houd, puissent mieux comprendre ce qui s’est passé et qu’ils sachent « que c’est leur mère qui a écrit le récit, et non pas quelqu’un d’autre. » (Avant-propos, p. 12) Ce qui nous tient en haleine dans cet ouvrage, c’est la détermination de cette jeune femme qui cherche à comprendre ce qui est arrivé à son mari et qui travaille hardiment à sa libération. Devant tous les louvoiements de l’administration canadienne, elle n’arrête jamais ses démarches et affirme : « C’était sans compter ma nature de battante. Il m’arrive souvent de consentir aux événements avec une certaine résignation au début, mais je n’accepte pas facilement la défaite. » (p. 122)

Sa conception de la démocratie est mise à l’épreuve, surtout celle du Canada où elle était venue s’établir il y a 12 ans. Elle raconte que : « Quand j’ai su, pendant les audiences de l’enquête publique, comment certaines personnes du gouvernement avaient manœuvré pour nuire à mes démarches et empêcher le retour de mon mari… » (p. 318) le manque de transparence des autorités canadiennes est devenu évident.

Ce que je retiens de la lecture de ce livre, c’est la force de la détermination de Monia Mazig, du dépassement des jugements que l’on a pu porter sur elle, sur sa capacité de créer un réseau de soutien, car seule elle n’aurait pas pu parvenir à faire bouger l’inertie des systèmes en place. La tenue d’une enquête publique a été une des grandes réussites de toutes ses démarches. La connaissance de la personnalité de Monia Mazig est touchante : elle, cette jeune femme avec deux enfants en bas âge, fortement instruite, obligée de mettre de côté sa carrière pour la défense de son mari, croyante musulmane qui a choisi de porter le voile en dépit de tous les jugements de ses amis (p. 229), et à notre grand étonnement aussi.

La lecture du livre est aisée, car l’écriture est simple, avec des descriptions claires et des présentations des situations qui suscitent facilement l’émotion. Juste avant le retour de Maher Arar, elle écrit : « j’allais revoir Maher après plus d’un an et j’appréhendais ce moment. Quel homme allais-je retrouver ? Comment serait son visage ? Son comportement ? Comment les enfants allaient-ils reconstruire leur lien avec un père disparu pendant si longtemps ? » (p. 262). Un livre qu’il vaut la peine de lire pour saisir l’ampleur des craintes de terrorisme injustifiées.