La Bible lue de l’autre côté
Josée Richard
La Revue Scriptura est dirigée par de jeunes biblistes qui ont publié des numéros sur des thèmes tels que : la souffrance dans la Bible, la Résurrection et la critique sociale dans la Bible. Le numéro 10, de septembre 1992 portait sur une lecture féministe de la Bible : Par la main d’une femme. La Bible lue de l’autre côté. Ce numéro nous invite à une relecture de la Bible, voire aussi à sa réécriture. Pourquoi ne pas réinterpréter les textes bibliques, à la lumière de notre sensibilité contemporaine ?
Dans un premier temps, scriptura nous invite à suivre Marie-Claude Beaulieu qui présente différents modèles de lecture féministe. Elle fait de la lumière sur ces différentes approches féministes de l’Écriture, même celles qui ne sont pas nécessairement toujours saines. Elle y approfondit le modèle
« libérationniste » qu’elle nomme aussi le féminisme de libération. Elle y parle de la Bible (produit masculin), des textes bibliques qui ne reflètent pas l’histoire réelle des femmes, de l’orientation patriarcale qui s’est poursuivie et se poursuit dans l’histoire de la Parole de Dieu elle-même ayant besoin d’être libérée de sa tendance patriarcale.
Puis, Jeannine Ouellet montre des femmes qui ont apporté leur contribution à l’histoire d’Israël. Elle raconte l’histoire des femmes oubliées de l’Ancien Testament (femmes publiques, matriarches et prophetesses). Certaines de ces femmes auraient même été jusqu’à sauver le peuple d’Israël. Il est important de prendre conscience du nombre de femmes qui ont marqué les origines et la vie d’Israël. On pourrait dire la même chose des origines chrétiennes. Même si je suis de la génération née avec Vatican II, elles étaient souvent oubliées dans les catéchèses parce que le souvenir qu’il m’en reste, c’est que les héros bibliques étaient masculins.
Ensuite Lucie Clermont et Patrice Perreault présentent, en parallèle, une lecture « androcentrique » et une lecture « féministe » de textes que l’on a lus et entendus bien des fois : la femme adultère, la Cananéenne, Marthe et Marie. Deux interprétations bien différentes : les yeux du pouvoir d’un côté et les yeux (bien ouverts) des gens du peuple de l’autre.
Même si l’église catholique refuse encore aux femmes l’accès au ministère sacerdotal, on peut montrer, à partir des lettres de Paul, qu’à l’époque des premières communautés chrétiennes, des femmes étaient responsables de communautés. Dans son article, Gilles Gosselin écrit :
Paul emploie le verbe « se fatiguer » ou « travailler » ou « se donner de la peine » non seulement pour décrire ses propres labeurs apostoliques et son enseignement (1 Co 15,10 ; Ga4,11 ; P/72,16 ; Col 1,29), mais aussi ceux des femmes. En Rm 16,6;12, il recommande Marie, Tryphène, Tryphose et Persis, qui « se fatiguent » dans le Seigneur. Il s’adresse donc à des personnes qui ont contribué de façon importante au développement des communautés chrétiennes. Ce terme était réservé aux travaux proprement apostoliques. Olivette Genest souligne avec humour que « de toute évidence, il ne s’agit pas ici de la fatigue, même louable, de balayer la sacristie et de tenir les comptes de la paroisse, mais du service de la Parole et de la prière » (c’est moi qui souligne, cité à la p.60).
Ensuite Laurence Mottier relit le passage de Paul – « Femmes, soyez soumises à vos maris, comme au Seigneur ! » (Ep 5,22) – qui a tellement servi à appuyer la domination masculine. Elle le reprend en se demandant le sens de cet appel à la soumission. « Si cet ordre, dans les relations hommes-femmes, était si naturel, inné et même Voulu par Dieu’, qu’a-t-on besoin de le répéter sans cesse, de le légitimer à grands coups d’arguments théologico-religieux ? » (p.79).
Une lecture féministe apporte un nouvel espoir. Pourquoi ne pas réécrire certains textes ? Dans ce numéro de la Revue Scriptura , on trouvera une réécriture des béatitudes par L’autre Parole. Elles nous touchent beaucoup ces béatitudes et leur donner un caractère féministe invite à les réfléchir autrement.
Heureuses celles qui, prenant conscience de leurs oppressions, se libèrent dans une parole de pardon. Malheureuses celles pour qui le pardon est démission. Heureuses celles qui travaillent à pétrir le pain de l’autonomie, de l’égalité, de la solidarité. Ensemble, elles nourriront la terre. Malheureuses celles qui sont facilement rassasiées des miettes qui tombent de la table sacrée. Elles paralysent la croissance de l’église (p.97).
Comme vous pourrez le constater vous-mêmes, Scriptura regorge de bons articles. Se conscientiser prouve, une fois de plus, l’état anémique de l’Église. Et lire la Bible sans les yeux du pouvoir, sans ces yeux qui, depuis des siècles de tradition chrétienne, ne cessent de brimer notre liberté de femmes et la liberté du peuple de Dieu, voilà la Bible lue de l’autre côté.
* II est possible de s’abonner à la revue en téléphonant au (514) 341- 4817 ou en envoyant un chèque de 20,00 $ à l’association Scriptura, 2765, ch. de la côte Sainte-Catherine, Montréal (Québec) H3T 1B5.