POURQUOI CÉLÉBRER ?
Rita Hazel- Marie-Eve
Célébrer, c’est fêter. Une célébration suppose donc l’existence d’une joie réelle qui peut se manifester de façon éclatante ou demeurer toute vibrante et intériorisée.
Les croyants célèbrent l’amour de Dieu pour eux, le salut reçu en Jésus-Christ ; ensemble, ils chantent leur reconnaissance, leur réponse à l’appel et leur amour mutuel. Qu’il s’agisse de noces ou de funérailles, la joie fondamentale est toujours présente, fruit de la foi authentique.
D’autre part, la célébration implique une rencontre où des personnes participent à un même événement, où elles vivent un partage, une communion.
Or, il arrive que de plus en plus de chrétiens sont incapables de percevoir cette joie et cette communion dans les célébrations traditionnelles. Les femmes, en particulier, se sentent mal à l’aise dans ces réunions où le langage, la gestuelle et les rôles les excluent presque totalement. Plusieurs espacent leur participation et finissent même par s’abstenir complètement. Ainsi isolées, certaines se sentent appauvries et cherchent a créer de nouveaux liens spirituels …
Les chrétiennes féministes, qu’elles continuent ou non leur pratique dominicale, ont le goût de célébrer entre elles leur solidarité, leur sororité, leurs luttes, leur recherche de la justice, les petits pas accomplis, les progrès dans la libération des femmes, tout en faisant mémoire de Jésus-Christ. Elles s’inventent des rites et des prières qu’elles renouvellent sans cesse, elles relisent la Bible et l’Évangile qu’elles prolongent de leurs propres textes, en manifestant une grande créativité. (Les Béatitudes de L’autre Parole (Bulletin No 22) sont bien connues et utilisées dans plusieurs pays et, dans un numéro précédent, Réjeanne Martin a longuement analysé cette démarche de la relecture.)1
Ces célébrations répondent à leur besoin de se retrouver entre elles pour se nourrir mutuellement de leur expérience de croyantes et communier à une même prière. Elles constituent un lieu pour poser des gestes ensemble, un endroit où des différences peuvent, se vivre, une source très importante de conscientisation.
Enfin, les participantes trouvent ainsi l’occasion d’approfondir leur perception d’elles-mêmes dans leur démarche de foi. Car, comme nous l’explique Louise Melancon2, « ce qui est en jeu, c’est, avant tout l’identité religieuse des femmes : celle-ci risque d’être compromise par nombre d’images d’elles-mêmes qui sont véhiculées dans les célébrations liturgiques. A partir du choix des textes bibliques jusqu’à la fraction du pain consacré, la symbolique liturgique est marquée par le sexisme. (…)
« Même s’il y a de plus en plus de femmes qui entrent dans le choeur, pour faire des lectures, distribuer la communion ou servir la messe, il n’en reste pas moins que l’administration du sacré dans son ensemble (la consécration eucharistique, la Confirmation, l’Onction des malades, etc. – mis à part le Baptême qui a toujours pu être administré par des laïcs, bien qu’exceptionnellement, et dans ces conditions, on parle de « délégation » des pouvoirs …) est réservée au sexe masculin. Seuls ceux qui sont « ordonnés » peuvent représenter l’action de Dieu en refaisant les gestes du Christ. Et pourtant tous ces gestes, rompre le pain, imposer les mains, caresser les enfants, soigner les malades, laver ce qui est souillé . . . rejoignent les réalités quotidiennes de la majorité des femmes de tous les temps. Par le quel tour de passe-passe ces gestes perdent-ils de leur signification quand il s’agit de les faire « en mémoire » de Jésus ? Comment l’autorité d’un homme est-elle nécessaire pour donner un sens religieux à des gestes et des activités que Jésus lui-même a élevés au statut de « signes du Royaume » ? Pourquoi le féminin devrait-il passer par le sexe masculin pour prendre sa signification religieuse ?
« Aussi bien au niveau du langage qu’au niveau des gestes, les femmes sont donc aux prises avec un ensemble d’images qui les maintiennent dans l’infériorité, la marginalisation, et même vont jusqu’à bloquer leur assurance et leur plein développement.
« En même temps que l’identité religieuse des femmes, c’est l’expérience religieuse elle-même qui est en jeu. »
1 Réjeanne Martin, « Naissance d’une spiritualité féministe chrétienne ». L’autre Parole, No 26 mars 1985, p. 14.
2 Louise Melançon, « La symbolique liturgique », Prêtre et Pasteur. Vol. 88, No 4, avril 1985, p.212.