QUELLES LEÇONS TIRER DE LA GESTION DES FEMMES INCARCÉRÉES POUR LES LUTTES DES FÉMINISTES CHRÉTIENNES DANS L’ÉGLISE ?

Quelles leçons tirer de la gestion des femmes incarcérées pour la lutte des féministes chrétiennes dans l’Église ?

Monique Hamelin, Vasthi

Les trois pouvoirs (législatif, exécutif, et judiciaire) sont indépendants dans nos systèmes parlementaires et présidentiels. Les uns et les autres peuvent s’interpeller et mettre en place des balises pour corriger des situations problématiques. Du côté du pouvoir spirituel, il n’y a pas cette séparation des pouvoirs. L’Église-institution élabore la loi, elle gouverne, administre et est juge du bien et du mal.

À partir d’un point de vue critique, plus particulièrement celui de la sociologie du contrôle social, l’application de la justice par les bras opérationnels que sont la police et la sécurité publique ont en commun d’être des systèmes autoritaires, totalitaires et dogmatiques. À maints égards, cela s’applique aussi à l’armée et l’Église-institution.

Dans la société civile, ce sont les revendications de pionnières, puis les changements inscrits dans les lois et les chartes des droits qui ont permis aux femmes de faire des avancées en matière de droits et d’égalité et d’accéder aux professions et métiers entre autres d’avocates, policières et gardiennes de prison. Par ailleurs, l’entrée de femmes dans ces professions et métiers ne garantissait pas que les femmes au travail ou celles dont on se chargeait allaient être traitées équitablement.

En 1998, Marie-Andrée Bertrand et ses collaboratrices1 publiaient une étude comparative de 24 sites dont 16 prisons fermées et 8 en milieux ouverts pour femmes, dans 8 pays différents (Canada, États-Unis, Angleterre, Écosse, Allemagne, Danemark, Finlande et Norvège). Pour ces auteures, « Les conditions de détention des femmes sont une représentation éloquente de la place que l’on fait aux femmes et de la considération qu’on leur porte non seulement dans le système pénal, mais dans l’ensemble du groupe social ; négliger le sens et la portée de cette représentation nuit à l’effort de théorisation sur la condition des femmes en général. »2 En 1990, au Canada, après des années de négligence, un tournant majeur semble se dessiner. Pourtant notent les auteures,  « […] les résistances du Service correctionnel du Canada à mettre en œuvre ses propres décisions se sont manifestées à toutes les étapes du processus. Tous les ‘mouvements’  étaient l’occasion de tensions ; chaque pas en avant exigeait que les groupes de pression se mobilisent. »3

Je souligne à cette étape, que même dans un pays très répressif au regard de la détention comme peuvent l’être les États-Unis, des États se dotent « […] d’établissements à la mesure de leur politique pénale et se taillent une réputation enviable d’originalité et d’humanité dans ce domaine. C’est le cas notamment du Minnesota. »4 Par ailleurs, et c’est là un élément majeur à retenir : « Les déviations [eu égard aux forces qui prévalent dans les systèmes autoritaires] n’ont été possibles que grâce au talent, à l’expérience et à l’engagement d’une ou de quelques personnes clés qui savent s’entourer. Lorsque ces personnes quittent les lieux ou que l’équipe change, la tendance lourde ne tarde pas à se manifester comme c’est déjà le cas, nous dit-on, à Shakopee. »5

Comme indiqué au départ, la séparation des pouvoirs n’est pas au rendez-vous du côté de l’Église catholique. Si les femmes ont plein accès aux facultés et départements de théologie, aucune ne peut être admise à la prêtrise ou au diaconat, car l’institution use de ses prérogatives pour déterminer la place des femmes de sorte que ces dernières ne peuvent être médiatrices du sacré au même titre que les hommes. Considérant également que dès qu’un prêtre, un évêque ou un cardinal progressiste quitte son poste, tout changement risque, comme c’est le cas dans le système carcéral, de nous ramener rapidement en arrière, les féministes chrétiennes doivent réfléchir aux stratégies d’action à prendre pour l’avenir. À L’autre Parole, nous avons choisi de travailler hors de l’Église-institution tout en étant solidaires des femmes qui œuvrent dans ce système. Pour l’avenir, la question se pose des meilleures stratégies à établir tant pour les femmes de la collective que par rapport à ses alliées dans et hors de l’Église.

1. BERTRAND, Marie-Andrée et al. Prisons pour femmes, Montréal, Éditions du Méridien, 1998, 449 p.
2. Ibid, p. 4.
3. Ibid, p. 9.
4. Ibid, p. 36.
5. Ibid, p. 407.