RÉFLEXIONS SUR LE THÈME DU PARDON

Un premier questionnement sur ce qu’est, selon nous, le pardon nous a amenées à le reconnaître à travers certaines situations personnelles.

Le pardon redonne la dignité de la personne et octroie un sentiment de liberté à la personne qui pardonne. Pardonner permet à la vie en soi de recirculer, de sortir d’un état de victimisation, de se remettre debout, en marche, telle une sorte de résurrection.

Pardonner apporte une guérison intérieure.

Le pardon se fait à la suite d’un processus personnel, quand on a décidé d’emprunter le chemin du pardon, quand le fruit est mûr.

En pardonnant, on renonce à la vengeance, la rancœur, l’hostilité pour faire place à l’indulgence.

Pardonner c’est choisir de faire la vérité et recréer une relation en redonnant à l’autre une liberté : « Va en paix ! » Pour qu’il y ait pardon, il faut recréer la relation.

Pardonner parfois l’impardonnable…

Pardonner ne signifie pas oublier…

Pardonner demeure un acte de liberté.

Quand le pardon ne se fait pas, il y a maintien de la culpabilité, du ressentiment et de la haine. Il y a maintien d’une rupture et d’une non-relation. Le non-pardon peut engendrer la destruction de l’être, d’une vie intérieure.

En refusant le pardon, je reste dans la logique de l’agresseur, je maintiens la souffrance et la victimisation, je condamne au lieu d’aimer, je dis : « Quelqu’un doit payer pour cela ! » Les occasions de non-pardon sont multiples dans nos vies ; les humains sont souvent blessés : « Pourquoi moi ? Y’en a d’autres qui le mériteraient davantage… » Cela peut être un refus d’évolution, de créer du neuf, une peur du vide qu’apporte le vent de la liberté.

Y a-t-il des conditions favorables au pardon ? Pour vouloir guérir sa blessure, vouloir faire la justice, la vérité tant pour son propre bien-être que pour retrouver la paix intérieure.

Pardonner exige une ouverture du cœur, ouvrir son cœur à l’autre et prendre le risque de ne pas avoir de réponse.

Que la victime et l’agresseur acceptent de se rencontrer, de se transformer de l’intérieur. Parfois, la rencontre n’a pas lieu et le pardon se fait intérieurement.

Être en harmonie avec soi, avoir estime et confiance en soi, en la Vie aussi… peuvent prédisposer au pardon.

Mais aussi accepter de ne pas pouvoir tout régler tout de suite, le changement d’attitude peut être une façon de pardonner.

Il ne s’agit pas de nier ce qui a été fait : reconnaître le tort, le mal, la brisure, l’offense est important. Certaines offenses exigent de porter plainte, de faire respecter ses droits. Certaines horreurs demandent un effort surhumain, presque divin, pour offrir son pardon à un bourreau, à des assassins…

Parfois, la résilience est une condition au pardon, une prédisposition, un don de relativiser, de prendre une distance, de comprendre, de resituer l’événement. Tirer parti de l’expérience pour mieux vivre… passer à autre chose.

Enfin, être convaincu qu’aucune personne n’est indigne du pardon.

Pourtant, il y a tant d’obstacles au pardon… La peur d’être humiliée, ridiculisée, rejetée, refusée… notre egoavoir vécu des expériences fortes d’humiliation, des blessures d’enfance…

Un discours intérieur alimenté par une peine immense : « Ma vie est détruite, on a détruit ma vie, enlevé des êtres chers, volé mon espoir, anéanti mes efforts, brisé mon cœur… Je ne pardonne pas, c’est impardonnable, au-dessus de mes forces que de lui pardonner, de pardonner cela ou ceci. »

C’est alors que tout en nous dit non au pardon, en situation d’extrême offense ou blessure.

Ce refus du pardon ou incapacité à pardonner peut être aussi lié à des valeurs, des croyances. Vision du monde statique, fataliste ou d’un monde de souffrances éternelles. On mérite d’être punis ! L’humain ne vaut pas la peine, l’humain est mauvais, ou pécheur. Ne pas trouver de sens dans la libération, ne pas croire à l’acte de liberté qu’est le fait de pardonner, à une vie renouvelée ni à une justice réparatrice.

Et il y a ce qui est vécu comme impardonnable…

Y a-t-il un féminin au pardon ? Les femmes ont-elles davantage de disposition à pardonner ? La capacité, la vertu du pardon ont-elles à voir avec le sens de la culpabilité ? Nous sentons-nous davantage coupables, responsables que les hommes ?

Leur générale capacité d’acceptation, de soumission, prédispose-t-il les femmes à pardonner plus facilement ?

Lourd héritage théologique que celui qui maintient que c’est la femme qui a initié le mal, l’offense, le manquement d’amour, la rupture puisque c’est elle la tentatrice…

Pourtant, les femmes ne se pardonnent pas facilement, elles ont souvent un sentiment aigu de responsabilité, de faire de leur mieux, de sauver des situations… Faiseuses de paix, de réconciliation, tisserandes de liens… La bonté, la compassion sont-elles l’apanage des femmes, leur domaine réservé ?

Les femmes ont-elles un moins gros ego que les hommes ? Leur rôle légendaire n’est-il pas de donner la vie, de redonner la vie et, celui des hommes, de protéger, d’affronter l’ennemi, de l’éliminer ? Par ailleurs, le pardon des femmes peut être superficiel, un comportement acquis, un devoir à faire plutôt qu’un acte de liberté à choisir. Il en est de même de beaucoup d’êtres humains. La paix à tout prix, les compromis…

Plus l’on se pardonne à soi, plus l’on peut pardonner ; pourtant les femmes auraient-elles davantage de difficulté à se pardonner ? N’est-il pas plus difficile de se pardonner que de pardonner aux autres ? Les femmes auraient plus de mal à se pardonner, à décevoir, à ne pas être aimées, à ne pas aimer assez…

Lorsqu’elles ont failli à leur tâche d’amour, est-ce pardonnable ?