« Au coude à coude :ouverture à d’autres solidarités » Solidarité, sororité, mutualité

Solidarité, sororité, mutualité

Ces trois mots ou concepts que j’ai utilisés comme refrain de notre chant-thème, en 1996, m’apparaissent aujourd’hui nommer une problématique qui peut être intéressante pour le thème du colloque de cette année. On m’a demandé de vous en faire un exposé, ce matin, pour démarrer notre réflexion.

J’ai commencé simplement en vérifiant dans le dictionnaire le sens commun attribué à ces mots ; à partir de quoi j’ai mis en place la courte réflexion que je présente. D’abord, le mot solidarité renvoie à une notion juridique qui s’appuie sur le fait biologique de notre appartenance à un groupe auquel nous sommes redevables : ce lien est la base d’une obligation à l’égard de chaque membre du groupe.

La solidarité est ainsi un fait, puis, du point de vue philosophique, devient un concept éthique. Nous recevons d’un groupe auquel nous appartenons à titre d’être humain vivant, à titre de membre d’une famille, d’une société, d’un pays… Nous avons alors l’obligation de donner à notre tour au groupe, à ses membres. Évidemment, dans l’histoire humaine, cette obligation n’a pas été exercée de manière juste : il y a toujours eu des exclus de la solidarité supposée « naturelle ». C’est la raison pour laquelle la solidarité est comprise comme une valeur éthique et qu’elle correspond à un choix que nous faisons, particulièrement en faveur d’individus ou de groupes qui sont exclus, marginalisés, délaissés par rapport à d’autres.

La sororité nous renvoie à la solidarité entre femmes comme femmes-soeurs. Elle correspond au même lien biologique que la solidarité mais à partir de la spécificité de sexe. La sororité conteste le sens universel de fraternité qui ne fait pas référence à la dualité humaine. Et surtout la sororité fait éclater l’universel qui se fondait sur une exclusion réelle des femmes. C’est une notion qui met en lumière l’injustice et l’inégalité cachées dans le concept de solidarité : celle-ci pouvait être vécue sur le mode hiérarchique alors que la sororité implique l’horizontalité des rapports entre tous les membres du groupe-femmes. La sororité de fait est fondée sur notre ressemblance due au sexe ; mais les femmes sont, par ailleurs, différentes sous bien des rapports. La sororité doit alors se vivre dans la diversité et, à ce titre, elle fait appel à une option ou un parti pris, donc à sa dimension éthique.

Quand on parle de mutualité aujourd’hui on fait référence à des liens de réciprocité entre les personnes. Ce concept central en éthique prend appui sur l’égalité entre les humains. La mutualité met l’accent sur le fait qu’il s’agit d’un rapport double et simultané. On se trouve devant une réalité horizontale et complexe, si on y ajoute les différences. Une réciprocité peut s’appuyer sur une ressemblance, mais ne met pas nécessairement en lumière la complexité des liens qui font place à la diversité. Le concept de mutualité peut-il le faire ? Il est sûr qu’il est beaucoup utilisé actuellement dans les discours éthiques des femmes.

Nous avons donc à vivre notre sororité sans perdre de vue la solidarité avec les autres, donc avec les hommes de toutes classes, races, et autres diversités, mais aussi sans oublier que nos différences entre femmes, et particulièrement sur le plan mondial, peuvent être nombreuses. D’où l’importance de développer une éthique de la mutualité pour vivre nos liens de solidarité et de sororité.

Louise Melançon, Vasthi