UN FORUM EXPLOSIF

UN FORUM EXPLOSIF

Léona Deschamps, Houlda

Les l6 et 17 mai 2007, avait lieu à Rimouski, le forum régional Hypersexualisation, sexualisation précoce et agressions sexuelles : impacts et pistes d’action.  J’étais une des quelques 200 participantEs de ce forum organisé par le Centre d’Aide et de Lutte contre les agressions à caractères sexuels (CALACS).  Ce forum visait à créer une mobilisation régionale dans le Bas-Saint-Laurent afin de contrer les méfaits des phénomènes identifiés avec stupeur.

Dès l’ouverture, Pierrette Bouchard présente les résultats de sa recherche concernant le lien entre l’hypersexualisation, la sexualisation précoce et les agressions sexuelles.  Documentation à l’appui, la conférencière confirme rapidement les perceptions intuitives des délégations issues des divers secteurs du Bas-Saint-Laurent : scolaire, municipal, communautaire, familial, de la santé, des médias, des commerces et des organismes jeunesse.  L’impératif de susciter une réflexion commune sur ces phénomènes et de développer collectivement des pistes d’actions s’avère une urgence !

Dans  l’après-midi les participantEs sont invitées à se disperser dans les divers ateliers afin d’approfondir des éléments particuliers d’information sur l’hypersexualisation, la sexualisation précoce et les agressions sexuelles.  Après une mini–conférence, l’échange des réactions préparera  à l’élaboration de pistes d’action plus ajustées aux méfaits du phénomène dans les divers secteurs visés de la région.

Dans un des ateliers, Francine Descarries, professeure titulaire à l’UQAM, présente « Sexe et stéréotypes sexuels comme facteurs de vente ».  À son avis, la publicité vend du sexisme à l’état brut.  Elle nourrit les stéréotypes sexistes dans un monde saturé de sexualité et formate le corps des femmes en les enfermant dans des clichés de beauté irréaliste.  Le «  filon du sexe » est quotidiennement exploité pour mieux vendre un produit ou pour augmenter les cotes d’écoute sans égard au message transmis dans le public malgré un soit disant code d’éthique.

« Une société hypersexualisée : un terrain propice aux agressions sexuelles ? » Telle est la question interpellante que propose l’atelier animé par Michèle Roy et Linda Bérubé. Toutes deux impliquées au CALACS de Rimouski elles  croient qu’une société hypersexualisée devient un terrain propice aux agressions sexuelles.  Elles dénoncent le fait que les messages et images à connotation sexuelle inondent nos journées.  On les retrouve sur les écrans de télévision et de cinéma,  d’une couverture à l’autre des revues féminines et jusque dans des activités de « conditionnement physique » laissant entendre un consentement à l’activité sexuelle implicite…  Dans un tel contexte comment définir et dénoncer l’agression sexuelle ?

L’atelier intitulé : « L’impact de l’hypersexualisation sur la santé des femmes et des filles » est présenté par Lilia Goldfark, coordonnatrice du projet sur la sexualisation précoce des jeunes filles au Y des femmes de Montréal. Dans son exposé, elle présente la question de l’image corporelle comme un problème social profond  et complexe.  Pour correspondre aux cultes de la jeunesse et de la minceur promus à travers l’hypersexualisation, de nombreuses femmes, de plus en plus jeunes, mettent en péril leur santé et même leur vie.  Puis, elle ajoute, avec exemples à l’appui, que l’expansion de la culture pornographique dans le quotidien influence les pratiques sexuelles des jeunes et des moins jeunes en provoquant des impacts inquiétants sur leur santé physique et psychologique.

Mélanie Claude, étudiante à la maîtrise au département de sociologie et anthropologie de l’Université d’Ottawa, présente l’atelier « La consommation de pornographie par les jeunes et l’hypersexualisation ».   Elle révèle aux participantEs que les études menées en France et au Québec confirment que l’âge de la première consommation de pornographie se situe entre 8 et 13 ans.  À son avis, la pornographie foisonnant dans les divers médias, joue un rôle important dans la modélisation des comportements sociaux et des conduites sexuelles.  C’est ainsi qu’on identifie aujourd’hui des liens explicites entre la consommation de pornographie par les jeunes et l’hypersexualisation sociale.

En soirée, monsieur Richard Poulin, professeur de sociologie et auteur de plusieurs ouvrages sur l’industrie du sexe, démontre l’infiltration de la pornographie dans la vie quotidienne des jeunes.  Statistiques à l’appui, sa conférence  « La pornographie, les jeunes et l’hypersexualisation » convainc l’auditoire grand public de l’importance de dénoncer les attitudes sexistes et les comportements sexuels du matraquage audio-visuel vécu au quotidien.  Il décrit la recrue du sadisme non seulement dans les films mais aussi dans la réalité qui va jusqu’à une violence destructive des organes reproducteurs des femmes.  Il dénonce ensuite le sexisme et la misogynie qui imprègnent la représentation des femmes dans les sociétés privant la jeunesse d’accéder à des modèles où la dignité humaine est valorisée.

Après une journée d’informations pertinentes les personnes s’engagent dans le deuxième jour du forum « Hypersexualisation, sexualisation et agressions sexuelles : impacts et pistes d’action. »  Toutes se dispersent dans les divers ateliers sectoriels pour débattre des propositions formulées par le CALACS et mettre en commun les moyens susceptibles de les réaliser pour assurer la sécurité des enfants.  Pour impliquer les partenaires du secteur scolaire, dont Léona une bénévole, il était proposé de : « Favoriser la création dans les écoles des différentes municipalités régionales du comté du Bas-Saint-Laurent, des comités locaux d’action contre l’hypersexualisation, la sexualisation précoce et les agressions sexuelles. Ces comités seraient composés d’étudiantEs, de parents, de professeurEs et d’intervenantEs scolaires. »

Les intervenantEs de différents milieux préoccupés de la santé, s’attardèrent à la proposition suivante :  « Qu’une campagne de sensibilisation sur l’hypersexualisation, la sexualisation précoce et les agressions sexuelles et leurs impacts sur la santé soit organisée pour le grand public et les organismes concernés du Bas-Saint-Laurent. ».

Dans le but de diminuer les références à connotation sexuelle de l’espace visuel quotidien, les participantEs au forum préoccupéEs par l’implication du secteur municipal furent confrontéEs à la proposition explicite suivante : « Que chaque municipalité de la région du Bas-Saint-Laurent se dote d’un règlement concernant l’étalage d’imprimés ou d’objets à connotation sexuelle.  Que ces municipalités se dotent aussi d’un règlement de zonage restrictif concernant l’établissement de commerces dont une partie ou la totalité des revenus provient d’activités à caractère sexuel.  Que ces municipalités voient à l’application de leurs règlements. ».

Il est proposé aux personnes préoccupées de l’extravagante diffusion de publicités sexistes dans la région de Bas-Saint-Laurent de s’attarder à la proposition suivante : « Que les commerces et médias présents dans la région du Bas-Saint-Laurent se dotent de codes d’éthique concernant l’utilisation de la sexualité et du corps des femmes dans leurs publicités. ». Le contenu d’un tel code et le procédé pour le faire adopter dominèrent les discussions et les recommandations concernant cette proposition.

Un forum inoubliable puisque les suivis concernant les pistes d’actions sont stimulées par un mémo trimestriel intitulé : « Lutter contre l’hypersexualisation… Une action à la fois ! » et adressé depuis l’automne 2007 aux 200 personnes participantes et aux autres qui depuis en ont fait la demande à l’adresse suivante : calacsri@globetrotter.net.  Quelques-unes de mes actions apparaissent dans ces mémos qui révèlent non seulement les actions initiées dans le Bas-Saint-Laurent mais aussi celles effectuées dans d’autres régions ainsi qu’un « Saviez-vous que… » et une  « Chronique » à l’aune du phénomène à contrer.  De plus, ce printemps 2008, les participantEs au forum « Hypersexualisation, sexualisation précoce et agressions sexuelles : impacts et pistes d’action », ont reçu le coffret annoncé et contenant les actes du forum régional tenu les 16 et 17 mai 2007.  Ce coffret propose l’intégralité des actes du forum, sous forme d’un CD et de deux DVDs.  Un document permet de poursuivre la sensibilisation aux phénomènes contraires au développement de la véritable sexualité magnifiquement définie par Claudine Legardinier dans sa publication La prostitution (Coll. Les Essentiels, no 54) : « La sexualité est avant tout un ensemble de forces permettant de se lier, de communiquer, de reconnaître et d’accepter l’autre dans sa différence.  Elle suppose une énergie, un dynamisme porteurs de rencontre, une ouverture, une totalité d’être : la sexualité participe de l’humain dans son entier, avec sa dimension biologique, sociale, éthique, affective et spirituelle. » (p. 45).

Et c’est ce que les féministes ont recherché dans leurs diverses luttes depuis 50 ans.  Une histoire de quête de liberté à raconter aux jeunes.  Une histoire pour un monde plus solidaire, mieux partagé entre les hommes et les femmes incluant un espace public respectueux.  Pour contrer les manifestations de l’hypersexualisation de la société, il convient de dénoncer l’érotisation de l’enfance à travers l’habillement sexy des fillettes, la séduction sexualisée omniprésente dans les publicités, les dangers du clavardage sexuel, la cyberpornographie, la banalisation du sexe oral, et peut être… la tendance « pitoune » développée à travers des cours de « streptease », de « pole dancing » ou de fellation vécus par des filles et des femmes éduquées. (Gazette des femmes, mars 2007), une vague d’engagements s’élève.

Une vague d’engagements

Chantal Locat (Responsable du Comité de la condition des femmes de la Centrale des syndicats du Québec et Coordonnatrice du Comité de démarrage de la Coalition nationale contre les publicités sexistes) cible dans la publication Québécoises toujours debouttes (Le Féminisme en bref, FFQ 2007, numéro spécial) sous le titre « Pour un espace public respectueux et égalitaire » diverses collectives féministes qui s’engagent à dénoncer l’hypersexualisation qu’elle reconnaît comme « un système d’oppression qui perpétue les inégalités et les violences envers les filles et les femmes ».  La Fédération des femmes du Québec se préoccupe de l’hypersexualisation et vote en 2006 une recommandation prônant sa collaboration avec les groupes oeuvrant dans ce dossier.  Depuis plusieurs années, la Meute-MédiAction dénonce les publicités sexistes et s’implique dans les écoles.  Le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes fait de l’image corporelle une de ses priorités avec sa revue  Audacieuse, le défi d’être soi.  Avec le service aux collectivités de l’UQAM, Lilia Goldfark du Y des femmes de Montréal procède à la construction d’outils de sensibilisation et de formation sur l’hypersexualisation.  La Coalisation Corps-accord travaille entre autres sur l’obsession de la minceur.  Au Conseil du statut de la femme, la sexualisation de l’espace public s’avère un dossier important avec la politique gouvernementale « Pour que l’égalité de droit devienne une égalité de fait ». (p. 61)  Membre de l’Association des religieuses pour la promotion des femmes (ARPF) et de l’Association des retraitéEs de l’enseignement du Québec (AREQ), je retrouve dans les plans d’action des références au phénomène de l’hypersexualisation à travers les luttes à mener contre la violence faite aux femmes de divers âges.

Et, avec ce texte « L’hypersexualisation… un dossier chaud », la collective de féministes chrétiennes L’autre Parole veut contribuer au soulèvement de la vague malgré les requins omniprésents : le capitalisme et le patriarcat.