UNE EGLISE IN-VIOLEE ?

UNE EGLISE IN-VIOLEE ?

Le Regroupement des femmes québécoises a tenu son premier Tribunal populaire, le 5 juin au CEGEP du Vieux­Montréal. Le sujet choisi était le viol. Des femmes victimes de cette odieuse atteinte à leur dignité sont venues témoigner en grand nombre. Cinq femmes préoccupées de différentes façons par ce problème ont siégé sur ce tribunal. En tant que théologienne féministe, j’avais été invitée à y participer. J’ai accepté avec joie même s’il fallait consentir à quelques voyages dans la métropole. Mais l’enjeu était d’importance : celui de travailler avec d’autres femmes qui pourraient me faire profiter de leur compétence et celui d’investir des paroles de féministes chrétiennes.

Le travail de préparation pour ce Tribunal populaire sur le viol m’a fait découvrir quelques dilemmes dans l’Eglise et je vous en fais part :

L’Eglise parle contre la violence en général, mais elle ne s’est pas prononcée contre la violence faite aux femmes.

Le discours officiel de l’Eglise se montre très fort contre les actes de terrorisme, par exemple (Paul VI, 21 octobre 1970, 11 janvier 1975), contre la violence qui est faite aux jeunes (Paul VI, 19 janvier 1978), mais de la violence exercée sur les femmes, il n’en est pas question. (Voir La Documentation Catholique). La violence des terroristes ressort du domaine public, on en parle, tandis que le viol semble réservé au domaine privé – on n’en parle pas !

Les Papes ont eu une parole très catégorique contre les moyens mécaniques et chimiques de contraception et le recours à l’avortement -prenant ainsi une position très limitative vis-à-vis le comportement des femmes – mais, quand il s’agit de défendre les femmes violentées face à des hommes agresseurs, les Papes se taisent. Espérons que ce n’est pas un silence complice.

L’Eglise se décrit comme « mère et maîtresse » (Mater et Magistra » de Jean XXIII, de l’humanité, comme la défenderesse de tous les droits des êtres humains, notamment de leur dignité, pourtant elle ne s’implique pas explicitement dans la protection de la liberté et du respect des femmes violées. Elle se contente d’exalter certains modèles de femmes, tout particulièrement celui de Marie, vierge et mère, parfaite en tout, un modèle inaccessible ••• Il y a aussi, bien sûr, l’exemple de sainte Maria Goretti qui a dû mourir pour défendre sa pureté !

Les féministes chrétiennes prennent conscience de ces dilemmes, réaffirment le message libérateur de l’Evangile qui est d’apporter la vie et la libération à tout l’être humain, à tous les êtres humains, notamment aux femmes qui doivent être sauvées dans leur corps, leurs émotions. « Ceci est mon corps livré pour le salut du monde ». Le corps de Jésus représente aussi le corps des femmes !

Rimouski  Monique Dumais