UNE ÉTUDE CULTURELLE DE LA FOI, DE L’ESPÉRANCE ET DE L’AMOUR

UNE ÉTUDE CULTURELLE
DE LA FOI, DE L’ESPÉRANCE ET DE L’AMOUR

Retour réflexif sur la méthode du colloque

Denise Couture, Bonnes Nouv’ailes

Comment aborder la foi, l’espérance et l’amour ? Comment revisiter ces plis traditionnels de l’être chrétien qu’une certaine théologie du vingtième siècle a considérés comme un résumé de l’identité chrétienne ? Demeure-t-il seulement pertinent de les étudier si l’on adopte une approche féministe ?

En effet, celle-ci fait surgir des orientations nouvelles en éthique comme l’estime de soi, l’indignation devant les injustices relationnelles, la capacité de refuser et de transformer ces injustices, la création de nouveaux rapports d’altérité, l’éloge de la multiplicité, et autres. Ne vaudrait-il pas mieux se tourner vers ces nouveaux plis féministes, vers ce langage plus actuel, plutôt que d’étudier celui des vertus théologales ?

Car, en effet, dans ce temps de déculturation de la foi chrétienne qui marque la société québécoise contemporaine, on abandonne ce langage. Les plus jeunes n’ont pas seulement cessé d’inscrire leur existence dans les histoires et dans les rituels du christianisme, ils en ont perdu les mots et la grammaire. Comme professeure de théologie et de sciences des religions à l’université, je ne peux plus tenir pour acquises les connaissances de la jeune génération étudiante en ce qui concerne la religion chrétienne ou la religion tout court. En ce qui concerne ces sujets, il est nécessaire de tout définir, de tout expliquer dans le détail, même ce qui paraît le plus évident. La génération actuelle de niveau universitaire ne peut pas nommer les vertus chrétiennes si on le leur demande. Elle ne connait l’existence ni des vertus théologales (foi, espérance et charité ou amour) ni de celles cardinales (prudence, justice, force et tempérance).

Ce colloque 2010 de L’autre Parole nous a fait parler un langage traditionnel. Plusieurs femmes de la collective appartiennent à une génération qui a réalisé ses études primaires avant les changements éducatifs provoqués par Vatican II dans le domaine de la catéchèse et cela veut dire qu’elles ont appris le Petit catéchisme catholique classique à l’école. Nous avons constaté que certaines se souvenaient par cœur et même sans hésitation, encore aujourd’hui après nombre de décennies, des définitions de la foi, de la charité et de l’espérance inscrites dans ce fameux Petit catéchisme. L’incident nous a fait bien rire. Plusieurs autres ne se souvenaient pas des mots exacts des définitions, mais avaient un intérêt d’y retourner afin de comparer la compréhension de ce temps-là avec celle d’aujourd’hui, pour juger l’écart creusé entre elles. D’autres femmes de L’autre Parole ont été éduquées à la nouvelle catéchèse Viens vers le Père ou aux autres modernes qui ont suivi. Elles ont grandi encore dans une culture qui leur a tout de même rendu familière une grammaire chrétienne.

Le colloque a pris forme dans ce contexte particulier. Nous ne nous sommes pas donné comme objectif prioritaire d’étudier la signification de la foi, de l’espérance et de l’amour à l’intérieur de la tradition chrétienne. Nous avons plutôt voulu penser individuellement et communautairement comment nous vivions concrètement ces orientations de l’agir aujourd’hui. Il s’agissait de parler de la vie actuelle avec les termes de ces vertus. Que sont-elles en train de devenir dans l’évolution de nos vies féministes ? Comment se transforment-elles ? Comment passent-elles à travers nos existences et nos corps ? Nos vies de femmes et de féministes ayant changé, comment ces vertus s’expriment-elles désormais dans nos quotidiens ? De la foi, de l’espérance et de l’amour, nous avons ainsi réalisé une étude culturelle qui passe à travers soi. Cela ne surprend pas dans la mesure où la fonction de la théologie en tant qu’étude culturelle s’intensifie dans ce temps de déchristianisation.

Il est utile de souligner la fluidité des prises de parole au cours de ce colloque, l’assurance dans les créations et l’aisance des échanges entre nous. Chacune des membres de la collective a bénéficié d’un espace particulier pour une expression personnelle. Les discours ont émergé à partir de ces constructions proposées par chaque femme que l’on a ensuite articulées entre elles sous la forme d’une mosaïque. Dans l’univers individualiste que nous habitons, il faisait bon, pendant ce colloque, de reformuler une propre proposition après avoir écouté celles des compagnes. Il faisait bon de penser à partir de soi communautairement, ce qui est précieux, car cela nous arrive somme toute rarement. Nous avons ressenti un plaisir et une joie à mettre en œuvre une opération qui célèbre à la fois la diversité des positions et la convergence des perceptions. Il faut souligner que les membres de la collective, pour la plupart d’entre nous, se connaissent assez bien après plusieurs années partagées à l’intérieur de l’ekklèsia féministe. C’est ainsi qu’à travers la dynamique de celle-ci, qui fait circuler le souffle entre les personnes, nous sommes sorties du colloque enrichies et inspirées d’un ensemble d’orientations que la foi, l’espérance et l’amour continuent de nous donner à penser et à vivre aujourd’hui.