UNE PAUSE SPIRITUELLE AVEC DES FEMMES

UNE PAUSE SPIRITUELLE AVEC DES FEMMES

pour le temps d’été ou pour d’autres saisons

Monique Dumais – Rimouski

Tu as peut-être le goût de t’accorder une halte, de prendre un temps de méditation, d’écoute, de dialogue intérieur avec d’autres femmes. J’ai pensé que tu aimerais avoir une sélection de textes qui pourraient te permettre d’avoir une rencontre avec des femmes d’aujourd’hui et d’hier, d’ici et d’ailleurs …

Premier moment

Commençons avec Le Cantique des Cantiques, cette quête amoureuse de la Bien-aimée et du Bien-aimé que tu trouves dans la Bible.

Julia Kristeva en fait une présentation captivante au chapitre : « Une sainte folie : elle et lui » dans Histoires d’amour, Paris, Denoël, 1983, pp.83-98.

Elle conclut : « Enfin, le Cantique est un dépassement subtil de l’érotique et du philosophisme initiatique grec ou mésopotamien par l’affirmation de la femme : de l’épouse amoureuse. Elle, l’épouse, prend pour la première fois au monde la parole devant son roi, époux ou Dieu ; pour s’y soumettre, soit. Mais en amoureuse aimée. C’est elle qui parle et qui s’égale, dans son amour légal, nommé, non coupable, à la souveraineté de l’autre. La Sulamite amoureuse est la première femme souveraine devant son aimé. Hymne à l’amour du couple ; le judaïsme s’affirme ainsi comme une première libération des femmes. Au titre de sujets : amoureux et parlant. La Sulamite, par son langage lyrique, dansant, théâtral, par son aventure conjuguant une soumission à la légalité et la violence de la passion, est le prototype de l’individu moderne. » (p.97)

Deuxième moment

Françoise Dolto, cette femme croyante et psychanalyste, nous a laissé des analyses de textes évangéliques. Sa lecture de la résurrection de la fille de Jaïre et de la guérison de l’hémorragique (Marc, 5, 21-43) est particulièrement intéressante ; elle montre comment ces deux femmes ont été libérées par Jésus. Exclues de la société des hommes, l’une survalorisée à cause de son père, l’autre méprisée en raison de ses pertes de sang, elles sont rendues à leur désir de femmes ; elles sont devenues autonomes. « Oui la source de leur désir s’épuise à cause d’une relation émotionnelle dé-structurante. Elles sont toutes deux retenues à leur corps d’enfance par un lien d’amour non rompu. Le Christ rompt ce lien et les rend autonomes. Elles éclosent, libérées, la fillette d’être survalorisée, la femme d’être méprisée. Enfin capables, depuis douze ans, l’une de marcher seule, l’autre de vivre femme. » Françoise DOLTO et Gérard SÉVÉRIN, L’évangile au risque de la psychanalyse, Montréal, Éditions France-Amérique, 1979, p.123.

Troisième moment

Faisons connaissance avec Marie de l’Incarnation, ursuline française, qui est arrivée sur le continent québécois en 1639, il y a trois cent cinquante ans !

Née à Tours, le 28 octobre 1599, Marie Guyart de l’Incarnation connaît tous les états de vie : épouse de Claude Martin, mère d’un fils qui deviendra bénédictin, veuve, femme d’affaires, religieuse ursuline, fondatrice et missionnaire en Nouvelle-France pendant trente-trois ans. Elle meurt le 30 avril 1672. Jean-Paul II la proclame Bienheureuse le 22 juin 1980. Ses écrits mystiques sont bien connus et appréciés. Voici un extrait de La relation autobiographique de 1654. publiée à Solesmes, en 1976, avec une préface de Dom Guy-Marie Oury.

(…) La divine Majesté donna à mon âme une impression de ses divines perfections. (…) Lorsque mon âme contemplait en son impression Dieu comme vie, ses soupirs ne pouvaient dire que : « ô Vie, ô Amour ! » Elle porte un amour substantiel qui, aimant cette divine source de vie, voudrait que la sienne fût entièrement perdue. Elle conçoit et entend les hautes vérités qui sont couchées dans le premier chapitre de l’Évangile de saint Jean, parlant du Verbe en tant que lumière et en tant ,que de l’abondance ; et le bonheur infini des âmes qui sont nées de Dieu et non point de la chair et du sang (p.60).

Quatrième moment

Plus près de nous, Andrée Pilon Quiviger a voulu démystifier la maternité et la situer dans son contexte plus quotidien. Voici un extrait de L’éden éclaté. Montréal, Leméac, 1981.

Nous alimentons des connivences secrètes avec le mythe de la MÈRE si obstinément entretenu par la collectivité mâle, femelle et enfantine. Le commencement du fil ténu, mais combien solide, qui tisse la culpabilité des mères, se trouve bel et bien arrêté dans le tissu de leur expérience la plus profonde et, pourtant, la moins consciente. À mesure que le spectre de la mort se désembrouille à l’horizon de l’âge, tourmente l’événement de sa propre naissance (p.27).

Les mères, pendant qu’elles portent un enfant dans l’abîme utérin, endossent l’illusion. Elles retraversent le Paradis d’antan. Elles jouent la revanche du jardin quitté, de l’ombilic sevré. Elles s’abandonnent un instant de trop à la vie sauvage qui moule l’enfant en dehors de leur conscience, indépendamment de toute démarche ou contrôle volontaire. Elles se prêtent aux magies de la force cosmique et se fient, un instant de trop, à la grâce des transcendances. Elles piétinent l’Éden à rebours. La pré-histoire se réédite et l’illusion se révèle intouchée. Je serai la meilleure des mères. Me voilà parachevée. Je serai la réponse, la terre féconde, le soleil et l’eau (p.29).

Voilà

au moins quatre moments. Je n’ai plus le temps de faire davantage. L’idée est lancée, continue le trajet encore plus loin.