AU CANADA L’AVORTEMENT N’EST PLUS UN CRIME

AU CANADA L’AVORTEMENT N’EST PLUS UN CRIME

Christine Lemaire Bonnes Nouv’Ailes

Le 28 janvier dernier, la Cour suprême du Canada a statué que les dispositions du Code criminel qui limitent l’accès à l’avortement sont contraires à la charte des droits, donc inconstitutionnelles.

« Forcer une femme, sous la menace d’une sanction criminelle, à mener un foetus à terme à moins qu’elle satisfasse à des critères sans rapport avec ses propres priorités et aspirations, est une ingérence grave à l’égard de son corps et donc une violation de la sécurité de la personne*, écrit le juge en chef Brian Dickson au nom des cinq juges majoritaires.

« Non seulement en privant les femmes du pouvoir de décision, on les menace physiquement, en outre, l’incertitude qui plane quant à savoir si l’avortement sera accordé inflige une tension émotionnelle. L’article 251 du Code criminel porte clairement atteinte à l’intégrité corporelle, tant physique qu’émotionnelle d’une femme », soutient le juge Dickson. Il en conclut que les dispositions de cet article qui obligent une femme à obtenir la permission d’un comité thérapeutique avant d’avoir accès à un avortement sont contraires aux garanties de l’article 7 de la Charte des droits et donc inconstitutionnelles.1

Plusieurs organismes féministes ont célébré l’événement avec la Fédération du Québec pour le planning des naissances à laquelle L’autre Parole fit parvenir le télégramme suivant :

« Grande victoire pour les femmes ; on reconnaît enfin notre fierté de conscience.

Regrettons de ne pouvoir être présentes pour célébrer toutes ensemble ».

Le Collectif L’autre Parole.

Afin de remettre ce télégramme dans son contexte, il serait bon de rappeler les grandes lignes de la position du Collectif au sujet de l’avortement (voir le bulletin L’autre Parole, no 33, mars ’87) :

Les femmes de L’autre Parole reconnaissent d’abord que toute vie vient de Dieue, qu’elle nous a été donnée par amour et qu’elle doit être transmise

avec amour.

Fondamentalement/ les personnes sont des sujets libres/ à qui l’on reconnaît le droit de faire des choix. Nous considérons les femmes comme des personnes moralement responsables. Par conséquent nous respectons profondément le choix des femmes aux prises avec une grossesse non désirée.

Comme chrétiennes et comme féministes nous devons inscrire notre position pour le libre choix dans une perspective plus globale :

…en dénonçant une société qui tarde à se faire accueillante au potentiel de fécondité des femmes, qui refuse de payer collectivement le prix de sa reproduction biologique ;

…en refusant de limiter la reconnaissance de la fécondité des femmes aux seuls moments de la conception et de l’accouchement, mais en considérant qu’il s’agit là d’un processus global de mise au monde de l’enfant ;

…en réclamant des hommes une prise de responsabilité active dans ce processus ;

…en réclamant que les recherches se poursuivent sur les méthodes contraceptives ;

…en réclamant l’éducation sexuelle dans les écoles afin d’aider les jeunes à discuter et à clarifier leurs rapports à la sexualité ;

…en réclamant des lieux où les femmes pourront si elles le désirent, réfléchir avec d’autres personnes sur les différents aspects de la décision à prendre, tout en ayant la certitude qu’ultimement personne ne se substituera à elles pour prendre cette décision ;

…enfin, en refusant de considérer l’avortement comme un moyen de contraception et, par conséquent, en rappelant que l’avortement est et reste pour nous un geste grave que l’on ne peut banaliser.

1 Le Devoir, Michel Auger, « L’avortement n’est plus un crime », à la une de l’édition du vendredi 29-01-88, Montréal.