BILLET : Benoît XVI et la théologie de la libération

BILLET : Benoît XVI et la théologie de la libération

Louise Melançon, Sherbrooke

En mai dernier, le pape Benoît XVI faisait son premier voyage en Amérique latine, en allant au Brésil pour ouvrir les travaux de la Ve Conférence des épiscopats latino-américains. Les médias ont rapporté que l’autorité catholique romaine condamnait encore une fois la théologie de la libération : Jon Sobrino, théologien du Salvador, conseiller de Mgr Romero, assassiné en 1980 et compagnon des jésuites assassinés en 1989, a d’ailleurs été mis au silence récemment, pour son dernier livre sur la christologie. Pourtant, des théologiens reconnus et rigoureux ne comprennent pas le discours romain sur la théologie de la libération, allant jusqu’à le juger caricatural…

J’ai surtout été très touchée par la lettre ouverte du Père Claude Lacaille, P.M.É., publiée dans le Devoir (16/05/07). Missionnaire depuis 45 ans, il a connu le travail auprès des pauvres et des exclus de ce monde et vu au Chili particulièrement la chasse aux marxistes, au cours des années 70 et 80. Il se permet de s’adresser à Benoît XVI, comme à un frère dans la foi, pour défendre tous ces engagements auprès des pauvres, le sien et celui des autres. Sa parole interpellante est émouvante : “Qu’est-ce qui t’indispose tellement dans cette pratique ? Est-ce si loin de ce que Jésus aurait fait dans les mêmes circonstances ?…. Cher Benoît, je te supplie de changer ton regard”.

De fait, comment réagir autrement devant l’attitude de Rome manifestant une si profonde incompréhension ! Si Benoît XVI affirme évangélique l’option préférentielle pour les pauvres, sa lecture politique de la même réalité lui fait craindre une réduction inacceptable de la dimension spirituelle de l’Évangile. Pourtant, n’est-ce pas le défi de la foi chrétienne que de tenir ensemble toutes les dimensions de la vie des hommes et des femmes pour proposer le salut ? En lisant le discours du pape à Sao Paulo (11 mai 2007), il m’est apparu une fois de plus que le grand obstacle à la compréhension vient d’une vision unitaire et dogmatique de la vérité, d’une lecture des évangiles qui se prétend la seule véritable et refusant par conséquent d’autres interprétations ancrées dans les réalités du monde actuel. Qui menace davantage la communion ecclésiale ? ? ? ?