DU PAIN SUR LA PLANCHE POUR LES ASSOCIATIONS DE FAMILLES MONOPARENTALES

DU PAIN SUR LA PLANCHE POUR LES ASSOCIATIONS DE FAMILLES MONOPARENTALES

Lyne Kurtzman – Service aux collectivités Université du Québec à Montréal

II y a plus d’un an, par l’intermédiaire du protocole U.Q.A.M./Relais-femmes, la Fédération des associations de familles monoparentales du Québec (F.A.F.M.Q.) s’associait à Claire Malo, chercheure en psychologie, pour réaliser une étude sur les besoins des familles nouvellement monoparentales. La F.A.F.M.Q. voulait mieux comprendre les raisons du plafonnement de son membership et sa difficulté à rejoindre les mères monoparentales de date récente. Ce fait était d’autant plus préoccupant pour la Fédération que les familles monoparentales sont aujourd’hui plus nombreuses et disposent de moins de services qu’auparavant. Les résultats de la recherche, livrés en vrac lors du congrès de ré-orientation de septembre dernier, servent présentement à tracer les grandes lignes d’un nouveau plan d’action à la F.A.F.M.Q.

Le problème de départ pour la F.A.F.M.Q., à savoir sa difficulté de rejoindre les mères nouvellement monoparentales, est vite devenu le problème de la recherche. Les stratégies de recrutement des sujets ont dû remédier à l’absence de listes exhaustives de la population monoparentale et composer avec le fait que ces femmes, par définition, sont isolées sur le plan social. Alors comment les atteindre ? Une première réponse : par les garderies. Car c’est finalement grâce à la collaboration de divers organismes en relation avec les mères monoparentales, notamment par les garderies, que le recrutement des sujets a enfin pu se faire. Au total 94 personnes monoparentales ont participé à l’étude, 89 femmes et 5 hommes.

Le portrait qui en ressort est en tous points désolant. En dépit de la pauvreté qui continue de les frapper encore plus durement que d’autres femmes, les mères monoparentales depuis peu de temps (moins de quatre ans) vivent dans la peur de ne jamais pouvoir réintégrer leur place dans la société et de ne pouvoir parvenir ne serait-ce qu’à un minimum de qualité de vie. Un peu plus de 60 % (62 %) de ces femmes ont un emploi à l’extérieur du foyer. Le salaire annuel moyen est de 17 800$, (80 % reçoivent de 6 000$ à 30 000$) et plusieurs font face à l’endettement.

En termes de résultats, au premier chef on retrouve des problèmes tels que les préoccupations face à l’avenir (89 % des répondantes) et la solitude (80 %). Nombreuses sont celles qui voudraient refaire leur vie sentimentale, mais elles ont peine à établir des relations affectives et sexuelles qui soient réellement satisfaisantes. Il est clair qu’après une séparation ou un divorce, ces femmes ne désirent nullement rebâtir une vie de couple sans quelque « garantie » d’harmonie réciproque.

Presque toutes les femmes interrogées déplorent vivement leur non-accès aux agréments de la vie. Il faut voir que la majorité (65 %) de ces femmes qui élèvent leurs enfants seules manquent d’argent pour payer le nécessaire à la maison (nourriture, logement, vêtements). Que dire alors de toutes ces choses moins essentielles, mais qui fondent la qualité de la vie ? Autour de 90 % d’entre elles signalent qu’elles manquent d’argent pour

Du pain sur la planche… 

les « petits luxes », les divertissements et les loisirs et que la culpabilité s’installe lorsqu’elles s’en procurent. Elles déplorent également le manque d’endroits pour sortir ou prendre des vacances avec les enfants dans une proportion de 80 %. Quant au gardiennage, encore aujourd’hui il soulève des problèmes multiples : absence de services de garde à la maison, coût élevé des garderies, horaires rigides, etc.

Parmi les problèmes fréquents reliés au travail, on note les retards, l’absentéisme et les conflits d’horaire. L’absentéisme est souvent dû à la maladie des enfants ou à la fatigue qui s’empare d’elles à cause de la surcharge de leurs rôles. Les retards et les conflits d’horaires résultent de la difficulté de gérer son temps, par exemple de coordonner les horaires de travail avec ceux des garderies. De plus, une bonne majorité des femmes qui travaillent à l’extérieur du foyer sont insatisfaites tant de leur salaire que de la nature du travail effectué.

Les secteurs des biens ménagers, des dispositions légales et de l’éducation des enfants soulignent aussi des aspects peu encourageants. Les enfants de plusieurs familles monoparentales connaissent des problèmes de comportement (agressivité, indiscipline…). La garde légale des enfants, la pension alimentaire et le partage des biens occasionnent encore régulièrement des conflits avec l’ex-conjoint.

Allons dire maintenant aux responsables des associations de familles monoparentales que nous entrons de plain-pied dans l’ère du post-féminisme …

Étude des besoins des familles monoparentales depuis moins de quatre ans, par Claire Malo. Protocole U.Q.A.M./Relais-femmes et Laboratoire de recherche en écologie humaine et sociale (L.A.R.E.H.S.). Université du Québec à Montréal, septembre 1990.