DE JÉSUS ET DES FEMMES. LECTURES SÉMIOTIQUES

DE JÉSUS ET DES FEMMES. LECTURES SÉMIOTIQUES

Ce livre est un événement dans le domaine de la littérature biblique et de l’herméneutique. L’objet de cet événement, c’est l’interprétation sémiotique du rapport de Jésus avec les femmes dans les évangiles.

Nous sommes encore peu habituées à l’analyse sémiotique des textes du Nouveau Testament. Il est vrai qu’elle ne déborde pas le marché de la littérature biblique. Et pourtant, en fournissant un nouveau point de vue sur l’objet, elle constitue un apport précieux pour la recherche exégétique et la théologie elle-même. La méthode de l’analyse sémiotique « nous désinstalle des habitudes de lecture propres à notre société » (191). Le deuxième élément de nouveauté de ce livre vient du choix thématique. C’est la première fois qu’un groupe de chercheurs et chercheuses d’universités québécoises conjuguent leurs efforts afin d’arriver à mieux comprendre ce qui est dit au sujet de Jésus et des femmes dans le Nouveau Testament. Dans ce sens, môme « si ce n’est pas le privilège premier de la sémiotique de révéler l’existence textuelle des femmes dans les évangiles, elle nous garde de ne pas les remarquer » (191).

Entreprendre la lecture de ce livre, pour celle qui n’est pas initiée à la méthode d’analyse sémiotique, peut représenter un certain défi. C’est pourquoi je tiens à apporter quelques précisions afin que vous puissiez orienter votre lecture selons vos divers intérêts. Premièrement, il importe de savoir que les chapitres de ce livre peuvent être considérés indépendants les uns des autres même si les unit un thème commun. Chacun des chapitres est écrit par un auteur différent qui présente l’analyse sémiotique d’un texte évangélique. En ordre, vous retrouverez l’analyse du texte de

– Mt 15 : 21-28 et de Me 7 : 24-31 (La femme étrangère) ;

– Le 7 : 36-50 (La femme pécheresse) ;

– Le 8 : 40-56 (La femme atteinte d’hémorragie) ;

– Le 13 : 10 (La femme infirme) ;

– Jn 8 : 2-11 (La femme adultère) ;

– Jn 12 : 1-11 (L’autre Marie) ;

– Jn 20 : 1-18 (Marie de Magdala).

Mais attention… le degré de difficulté de compréhension, à la lecture de ces analyses, n’est pas le même. Et les chapitres les plus difficiles ne sont pas nécessairement à la fin. Malgré ces avertissements, aucun obstacle ne devrait décourager la passion pour un texte ou l’autre.

Je suggère aux lectrices de L’autre Parole de lire en premier le chapitre 10 : « La sémiotique et les femmes du Nouveau Testament ». Ce chapitre, qui d’ailleurs aurait pu très bien servir d’introduction générale, nous informe de la méthode et de l’intérêt qu’elle présente du point de vue de l’herméneutique féministe. Il offre en même temps un excellent tableau synthèse des études que contient le volume et du rapport « Jésus-femmes » dans la compréhension du Nouveau Testament.

Les deux premières études (Mt 15 : 21-28 ; Me 7 : 24-31) sont d’égale force et abordables pour celle qui ne serait pas initiée à la méthode ; elles offrent plutôt l’occasion de s’approprier celle-ci. La finesse de la première étude nous dévoile le sens symbolique de la position physique et « actantielle » de la Cananéenne. La deuxième étude permet de découvrir comment, à notre insu, les textes que nous lisons sont intelligemment structurés et comment l’espace géographique présent partout dans le Nouveau Testament est souvent porteur d’un sens qui n’est pas de l’ordre de l’information mais, bien plus, porteur d’une direction appliquée au sens

La lecture du chapitre 7 « Loi ancienne et écriture nouvelle » est une analyse très intelligente du récit de la femme adultère (Jn 8 : 2-11). Sans doute découvrirez-vous là de nombreux éclaircissements sur ce texte et une clé pour la compréhension du geste de Jésus écrivant sur le sol.

Le chapitre 5 « De la fille à la femme à la fille » nous fait entrer dans le texte de Le 8 : 40-56 un peu à la manière des grands romans policiers en nous poussant à la recherche d’indices qui seraient pertinents pour la saisie du sens.

Enfin, pour celles qui seraient à la recherche d’un cheminement plus théorique en vue d’une analyse textuelle, le chapitre 4 (étude de Le 7 : 36-50) vaut pour sa grande rigueur. Cependant à cause de sa complexité, je conseillerais de le lire en dernier.

En conclusion, je dirais que bien souvent l’été est le moment où la majorité d’entre nous changeons nos habitudes de l’année, nos gestes routiniers. En cette saison, on a parfois l’impression que le temps s’arrête, on trouve l’occasion de regarder autrement, d’accéder ainsi à une autre vision du monde. Ce livre, à la manière d’une brise estivale, nous permet de rafraîchir nos habitudes de lecture biblique et notre compréhension de l’univers néo-testamentaire.

(Directeur : Clément LÉGARÉ, Collection Recherches – Nouvelle Série, 14, Bellarmin, Montréal ; Cerf, Paris ; 1987, 217p.)

Sylvie Prévost – Études bibliques, Un. de Montréal