DU VECU A L’EVANGILE : UNE DEMARCHE CRITIQUE EI CHEATHICE

DU VECU A L’EVANGILE : UNE DEMARCHE CRITIQUE EI CHEATHICE

Par Louise Mélançon

Le thème du Colloque de septembre dernier, Quelle est notre Bonne Nouvelle ?, était exploré en ateliers au moyen de trois questions ou étapes : 1- Quelle est notre conception de la Bonne Nouvelle ? 2- A qui l’adressons-nous ? 3- Comment la Bonne Nouvelle se réalise-t-elle concrètement, dans notre vie ?

Pour approfondir ce thème, nous avons proposé une démarche qui mettait en oeuvre deux éléments importants : la prise de conscience de notre vécu de femmes, féministes et croyantes, la référence à l’Evangile du point de vue de femmes, féministes et croyantes. Dans les lignes qui vont suivre nous décrirons et expliciterons cette démarche, après quoi nous ferons voir des présupposés sur lesquels s’appuie une telle démarche.

A chacune des étapes de la réflexion, deux éléments donc intervenaient : il s’agissait d1abord de prendre conscience de notre vécu de la Bonne Nouvelle et de mettre ce vécu en référence avec des textes évangéliques (Evangile voulant dire, en grec, Bonne Nouvelle). Dans  un premier temps, il fallait faire surgir de notre vécu de femmes féministes une réalité signifiante, pour nous, aujourd’hui. Au delà de l’expression consacrée « Bonne Nouvelle », qui pouvait paraître figée et quelque peu « vieillotte », nous avions à nous demander ce qu’était pour nous une bonne nouvelle, quelles étaient nos expériences de bonnes nouvelles.

Pour certaines, l’évolution des droits des femmes manifestée par l’adoption de la Loi 89 (réforme du code civil) est une bonne nouvelle en ce qu’elle reconnaît l’égalité juridique des femmes et des hommes ; pour d’autres, la prise de conscience, le cheminement, la libération qu’elles sont en train de faire dans le groupe L’autre Parole leur apparait une bonne nouvelle qu’elles veulent annoncer ; pour plusieurs enfin, les luttes pour un monde meilleur dans lesquelles elles sont engagées, même douloureuses, leur semblent aussi joyeuses nouvelles que la mise au monde d’un enfant. Et ces bonnes nouvelles s’adressent tantôt à l’ensemble des femmes, tantôt à un compagnon, tantôt à un groupe social bien défini. Concrètement, l’annonce de la Bonne Nouvelle se réalise, pour les unes, en travaillant avec d’autres groupes de femmes, pour les autres, en sensibilisant des membres de l’Eglise-institution, pour la plupart en vivant la solidarité avec leur groupe de réflexion.

Dans un deuxième temps, cette démarche nous amenait â faire référence â des textes évangéliques qui mettaient en présence des femmes ou des images féminines. Cette opération visait â la fois â rejoindre un vécu, des pratiques de femmes qui pouvaient donner un sens évangélique à notre vécu et à nos pratiques d’aujourd’hui, à la fois â faire sortir de l’ombre ces femmes qui, à la lumière de nos prises de conscience d’aujourd’hui, nous paraissent avoir participé à la Bonne Nouvelle. La femme hémorroïsse (Mt 9,20-23 ; Le 8,43-47 ; Mc 5,25-34) n’est-elle pas un exemple d’audace, de courage pour nous ? Elle, qui a défié les tabous et les interdits de son temps concernant l’impureté du sang menstruel, pour accéder à la guérison et à la reconnaissance de Jésus ••• Dans la parabole de la drachme (pièce de monnaie) perdue (Lc 1518-10), une femme symbolise l’amour miséricordieux de Dieu à l’égal du pasteur qui court après sa centième brebis ou du père de l’enfant prodigue : c’est dire que les femmes peuvent être signes de la Bonne Nouvelle au même titre que les hommes. Puis, nous découvrons que la Samaritaine (Jn 4,1-30) va annoncer la Bonne Nouvelle dans son village à ses  amies à ses proches, et non pas â la Synagogue juive : nos luttes avec les femmes ne sont-elles pas prioritaires dans notre annonce de la Bonne Nouvelle ? De même la Cananéenne (Mt 15,21-28 ; Mc 7,24-30) sait se tenir droite et courageuse devant les apôtres et devant Jésus qui excluent les non-Juifs de leur mission : elle fait ainsi éclater les cadres trop étroits du racisme, du sexisme comme font de plus en plus les femmes dans  la société et l’Eglise. Cette lecture collective de l’Evangile nous oblige à évaluer actions, individuelles et surtout collectives de façon à  ce qu’elles soient des annonces véritables et efficaces de la Bonne Nouvelle.

Cette démarche à la  fois  critique et créatrice s’appuie sur un présupposé essentiel : la Bonne Nouvelle dont parle l’Evangile nous a été transmise à travers des schémas culturels qui ne sont plus nécessairement les nôtres, et elle a été véhiculée par une tradition qui s’insérait dans la culture et la société occidentale dont plusieurs composantes sont aujourd’hui touchées par des mutations importantes, dont le mouvement des femmes. Pour que la Bonne Nouvelle soit réel1ement et pleinement signifiante pour les humains d’aujourd’hui, et particulièrement pour les femmes, il nous faut donc faire cette démarche qui est, en même temps, une pratique féministe et une pratique croyante.