HOMMAGE À UNE GRANDE PIONNIÈRE :

HOMMAGE À UNE GRANDE PIONNIÈRE : MARY DALY (1928 – 2010)

Louise Melançon, L’autre Parole

C’est en naviguant sur Internet que j’ai appris la nouvelle du décès de Mary Daly,  le 3 janvier 2010. À la fin des années 1970, cette femme m’a ouverte à la théologie féministe. Je l’ai d’abord découverte avec son livre Beyond God the Father.1

Elle était alors influencée par ses études théologiques et philosophiques, à Fribourg, au cours des années 1960 : je me sentais proche d’elle. Elle critiquait l’image masculine de Dieu, et d’autres représentations de notre tradition chrétienne, mais elle indiquait des pistes de reconstruction à partir de concepts connus, comme ceux du théologien américain Tillich : je pense, en particulier, à la conception dynamique du Be-ing, au Christ comme l’Être nouveau…

Dans son livre suivant Gynecology2, elle s’engage dans une voie plus radicale, dans un Voyage, où les femmes peuvent « devenir » elles-mêmes, en sortant du monde patriarcal.  Elle commence à confronter le langage théologique ou philosophique, en utilisant la métaphore et les symboles pour développer ce qu’elle nommera « une ontologie du féminisme radical »3 : « La métaphore est un langage approprié à l’ontologie du féminisme radical dans la mesure où celui-ci est une philosophie de transformation, de mouvement en direction de l’intégrité originelle. » (p.15) La recherche de cette « intégrité originelle » la conduira dans la voie du « lesbianisme féministe radical ». Même si je ne la suivais pas dans cette voie, je considérais tout de même que son travail était indispensable. En renversant de bout en bout le langage patriarcal, en inventant des mots pour dire la réalité des femmes engagées dans leur devenir, elle créait un nouvel espace, un nouveau temps, un à-venir nouveau. Ses ouvrages suivants4 témoignent de la poursuite de ce travail fait avec intelligence, rigueur et courage. Elle a été une des plus grandes penseuses féministes, par son analyse du patriarcat, sa déconstruction de la symbolique masculine, et son invention d’un nouveau langage à partir de la réalité des femmes engagées dans la lutte féministe.

Ce qui est aussi remarquable, c’est que Mary Daly a enseigné pendant trente ans au Boston College, institution appartenant aux Jésuites ; même si elle a dû mener des batailles pour faire respecter ses droits, ou ses exigences (comme de n’accepter que des filles à ses cours), c’est honorable pour une institution catholique. Puisse le rayonnement de son œuvre contribuer à l’avancement des femmes pour les générations à venir !

1. DALY, Mary. Beyond God the Father. Toward  a Philosophy of Women’s Liberation, Boston, Beacon Press, 1973. J’ai lu, par la suite, son premier livre :The Church and the Second Sex, Harper & Row, 1968.
2. Gynecology. The Metaethics of Radical Feminism, Boston, Beacon Press, 1978.
3. Notes pour une ontologie du féminisme radical,( traduit par Michèle Causse), Montréal, Éditrice l’Intégrale, 1982.
4. Pure Lust : Elemental Feminist Philosophy, Boston, Beacon Press, 1984 ; Websters’ First New Intergalactic Wickedary of the English Langage, Beacon Press, 1987 ; Outercourse, San Francisco, Harper, 1992 ; Quintessence, Beacon Press, 1998 ; Amazon Grace, Palgrave, Macmillan, 2006.