JEUNES, SAINTES ET COURAGEUSES

JEUNES, SAINTES ET COURAGEUSES

La dignité reconnue aux femmes par l’Église passe par la sanctification et la béatification de femmes qui certes ont conforté l’Institution dans ses oeuvres et dans ses partis-pris pour certaines valeurs sociales et temporelles, mais qui ont été et pourraient encore être des modèles de force et de détermination personnelle.

Ronda De Sola Chervin, professeure de philosophie dans une université californienne, donne les notices biographiques de vingt-deux femmes jeunes et saintes susceptibles d’inspirer la jeunesse. Les trois récits qui suivent sont extraits de son ouvrage : Treasury of Women Saints, Servant Publications, Ann Arbour, Michigan, 1991, 375 pages.

Marguerite de Louvain (1207-1225)

ou l’incorruptible waitress d’une auberge de Louvain.

Serveuse dans une auberge de la ville de Louvain, Marguerite accordait le gîte à de nombreux clients, môme à ceux, dit-on, qui n’avaient pas les moyens de payer. On l’appelait la fière Marguerite car elle refusait de flirter avec les visiteurs. Arrive le jour où les propriétaires décident de vendre leur établissement et de verser les fruits de cette transaction à une maison religieuse où ils désiraient entrer. Ils étaient sur le point de quitter leur auberge lorsque des voleurs s’amènent et tentent de faire main basse sur l’argent. Les braves propriétaires résistent mais ils sont tués. Marguerite qui est témoin de la scène se voit offrir grâce et immunité en échange de son silence. Comme elle refuse de se taire, les criminels l’exécutent sur-le-champ et livrent son corps à la rivière.

Des anges en avertissent les villageois qui procèdent alors à l’enterrement. L’affaire fut suivie de nombreux miracles accordés aux personnes qui vénéraient, paraît-il, sa mémoire et demandaient son intercession. La béatification de Marguerite comme vierge et martyre eut lieu en 1905.

Sainte Rose de Viterbe (1235-1252)

Une fillette qui prêche la révolte et mène la résistance politique contre l’Empereur allemand excommunié, Frederick.

Née dans une famille italienne pauvre, Rose sut démontrer tôt une grande maturité spirituelle. À l’âge de sept ans, elle réclame une chambre bien à elle afin de mieux s’adonner à la prière. Plus tard, elle se joint au tiers-ordre des franciscains tout en continuant de vivre avec ses parents. Ainsi en aurait voulu la Vierge. À l’occasion d’une vision, Marie lui aurait en effet demandé de se consacrer au service de sa famille. Un jour, Frederick, l’empereur excommunié, envahit l’Italie et menace Viterbe. Rose s’encourage et demande au peuple de résister à l’envahisseur. Elle prêche la révolte contre l’empereur maudit. Ce geste de bravoure fut suivi de beaucoup d’autres.

Bientôt, Rose se fait prêcheure publique mais elle doit en payer le prix : elle et sa famille sont chassées hors du pays. Après la mort de l’empereur, Rose rentre dans son Italie natale et tente d’être admise dans un ordre religieux. Craignant peut-être des ennuis de la part de cette fille si « pareillement » capable de se rebeller, les autorités lui en refusent le droit. Rose décide finalement de mener une vie contemplative chez elle jusqu’au moment de sa mort survenue en 1252 alors qu’elle n’avait que dix-sept ans. Sa canonisation eut lieu en 1457.

Sainte Hedvige de Pologne (1371-1399)

Une reine, aux amours contrariées, dévouée à son pays, aux nécessiteux et au christianisme.

À quatorze ans, Hedvige devient reine de Pologne -il n’y a pas d’héritier mâle. On la dit sage, jolie et dévote. Promise au prince William d’Autriche depuis l’âge de neuf ans, elle développe à l’endroit de son futur époux un attachement profond. Un parti plus avantageux se présente bientôt qu’elle s’empresse de refuser. Puis un autre prince, païen celui-là, réclame sa main. Il promet de se convertir, lui et tout son royaume, acceptant même de dédommager William pour la perte encourue. Hedvige consent alors à cette alliance dans l’intérêt de la foi et de son pays. Le jour venu, elle se couvre d’un voile noir en signe de deuil et se rend à la cathédrale de Cracovie. Là, elle accepte son sort et offre sa peine d’amour au Christ mort en croix. Reine modèle, dévouée à son peuple et aux pauvres, Hedvige se signala par son travail d’éducation auprès des siens. Son mariage fut heureux, dit-on. Elle donna naissance à une fille qui périt avec elle lors d’un incendie.

Dieu récompenserait les mariages non romantiques ? L’Église en tout cas les fait tourner à son avantage et montre qu’ils peuvent servir les intérêts supérieurs de la civilisation.

Ces récits illustrent les destins peu communs de femmes qui, toutes jeunes, surent s’élever au-dessus de l’ordinaire par leur force de caractère, leur détermination et leur droiture. Ils montrent aussi que Rome veille au grain ! Le « Saint Siège » glorifie en effet les fidèles qui font triompher ses desseins. Cette politique est bel et bien vérifiable tout au long de la période du Moyen Age. Quant à ce qu’il en est maintenant…

Agathe Lafortune, Vasthi