LA PAIX QUI NOUS HABITE

LA PAIX QUI NOUS HABITE

Yvette Laprise,Phoebe

Que connaissons-nous de cette paix ? Pour répondre à cette question j’ai choisi un événement qui peut nous mettre sur sa piste.

Dans l’avant propos de son ouvrage « Jésus parlait araméen » Éric Edelmann, lui qui n’a reçu aucune éducation religieuse, raconte que pour répondre à l’invitation d’une amie, il avait accepté d’assister à la cérémonie des vœux perpétuels d’une jeune carmélite. Voici ce qu’il raconte :

« Quand j’aperçus le visage de la jeune femme lorsqu’elle s’avança près de l’autel : il était resplendissant d’une PAIX et d’une JOIE d’un autre monde. »  « Ce visage aux traits pacifiés, ce visage juvénile et éblouissant, habité déjà par un feu intérieur attestait la réalité d’une mystérieuse Présence dont la source était à elle seule un témoignage de l’AMOUR  véritable. Paix, joie, amour, voilà les trois mots clés de son témoignage.

Cette scène émouvante, telle que rapportée par Edelmann n’évoque-t-elle pas une autre scène non moins émouvante relatée dans l’évangile : la transfiguration de Jésus où les témoins s’expriment en se rappelant la vision de  « son visage resplendissant comme le soleil et ses vêtements éblouissants comme la lumière » autant d’expressions révélatrices de la paix profonde qui l’habitait, révélatrice du vrai visage de la paix.

Un autre monde existe et nous entraîne vers une réalité autre que celle de nos perceptions habituelles. Comment rejoindre cette mystérieuse présence ? Comment ressentir cette paix et nous laisser envahir par elle ? Dans notre monde beau et troublant, invitant et décevant à la fois,  où trouver des repaires pour jouir de cette paix là ? D’abord ne la cherchons pas à l’extérieur de nous puisqu’elle est en nous, au plus profond de nous. Elle réside  là où s’épanouit la vie qui prend racine en elle et attend que nous la rejoignions. Toute la création aspire à cette paix.

Cette paix, cette sensation d’une Présence qui englobe tout et donne l’impression de n’avoir pas de frontière, ne peut être non plus un produit de la raison mais bien une inspiration ancestrale qui sourd au plus profond de l’être humain et le dépasse. Cette paix n’est ni consensus, ni conciliation mais un pur don. C’est la paix spirituelle, la paix véritable qui est fécondité, bien-être, absence de peur.  Dès l’instant où notre attention se tourne vers elle, elle s’éveille et, au cœur de cette paix, réside une grande joie, et au cœur de cette joie, il y a l’amour, et au cœur de tout cela, il y a le sacré, l’Incommensurable auquel on ne peut attribuer aucun nom. Cette paix, libre de toute condition extérieure, se manifeste dans le présent et est indissociable de nous à tout jamais.

Elle se cultive, en reconnaissant ce qui nous habite quand nous vaquons à nos occupations ordinaires. Tout en appréciant l’air pur, les fleurs, les oiseaux, les étoiles…en saluant les gens que nous côtoyons, en laissant chanter notre cœur dans son propre langage, sachons garder un œil sur notre paix intérieure. Ainsi  pensées, émotions, peurs, désirs ne prendront plus le dessus sur nous. Il ne nous restera qu’à poursuivre jusqu’au bout cette paix qui nous habite, et  fascinés par sa présence discrète, joyeuse et amoureuse nous irons jusqu’au cœur de la beauté qui naît dans le calme, nous aide à aimer pour vrai et à nous émerveiller. Un état de paix profonde peut alors aller jusqu’à transcender la souffrance. Nous saurons alors apprécier ces instants privilégiés, où le ciel semble exploser jusqu’au seuil de nous-mêmes, pour nous ouvrir  les chemins qui nous conduisent à nous-mêmes, aux autres et à l’Autre.

Le plus grand triomphe de notre développement en tant qu’humain ne se mesure pas à notre capacité à raisonner et à penser. Notre destinée consiste à nous rebrancher sans cesse sur l’Être essentiel présent en nous et à exprimer notre réalité divine extraordinaire dans notre  monde concret, ordinaire et quotidien. Ce monde a soif de connaître, de déchiffrer le mystère de la nature, une soif d’exploration des cieux et de la mer alors qu’il ignore sa vraie nature. Aurait-il renoncé à jamais à explorer son propre mystère intérieur en oubliant que ce privilège n’est pas réservé aux seules contemplatives mais à tous les humains ?