LA THÉOLOGIE DE LA LIBÉRATION EN DEVENIR…

LA THÉOLOGIE DE LA LIBÉRATION EN DEVENIR…

Yvette Laprise, Phoebé

Le concile Vatican II célébrera l’an prochain son 40e anniversaire. Né sous le pontificat de Jean XXIII, considéré alors comme un pape de transition, l’idée  de ce concile avait d’abord surpris.

En rassemblant tous les pasteurs pour leur confier l’avenir, le pape leur avait dit : « Je viens du monde des humbles, j’ai une assez bonne santé et un peu de bon sens, je vous demande de penser que vous êtes au service d’une Église servante et pauvre dans ce monde moderne en quête de lumière. Voyez les signes des temps. » Et parmi ces signes il avait pointé les femmes, et l’ouverture au monde. Quatre grands documents sortiront de ce concile dont L’Église dans le monde de ce temps, et de cette recherche commune, de ce questionnement ouvert et solidaire surgira la théologie de la libération. En se faisant ainsi plus égalitaire, l’Église hiérarchique s’orientait vers une nouvelle Pentecôte.

Mais après la mort de Jean XXIII, qu’est-il advenu de la situation des femmes dans l’Église ? de la théologie de la libération ? des signes des temps ?

Pourquoi est-on retourné à l’orthodoxie au lieu de poursuivre l’ouverture au monde ? Pourquoi et au nom de qui a-t-on remplacé la collégialité promise par une centralisation mur à mur qui a refermé les portes de l’Église sur elle-même ? Ce ne peut être l’Esprit qui ne se laisse pas enfermer mais bien  le Pouvoir qui a pris peu à peu le contrôle de l’Église à sa place.

Mais les femmes n’ont pas dit leur dernier mot. À l’époque du concile, peu d’entre elles s’inscrivaient  en théologie.  Aujourd’hui  devenues plus nombreuses elles ont raison d’espérer des jours meilleurs. Elles n’ont pas oublié qu’elles avaient été reconnues comme un signe des temps et elles sont bien résolues à s’en prévaloir, à prendre leur place dans l’assemblée du peuple de Dieu. Depuis Vatican II, elles ont vécu la marche des femmes et se sont solidarisées avec leur consoeurs  du monde entier. Elles savent que   rien ne changera sans elles, que l’avenir de l’Église est entre leurs mains.   Si les prétendus détenteurs de la vérité oublient que c’est l’expérience humaine qui est la première source de  vérité, les femmes sont là pour le leur rappeler. Mais rien n’est encore gagné. Dominé par la raison, l’homme en général se bat pour avoir le contrôle. Ce n’est donc pas étonnant que le dieu traditionnel qui n’est qu’une production masculine soit un personnage patriarcal, une figure d’autorité qui surveille, qui inspire la peur.

Le fait que Jean-Paul II dans sa déclaration Ordinatio sacerdotalis dise NON à l’ordination des femmes et affirme que cette doctrine doit être considérée comme une doctrine définitive de sorte que la conscience de l’Église ne puisse progresser dans le futur parce que doctrine divinement révélée, est des plus  symptomatiques. Le système patriarcal avec ses structures autoritaires, centralisatrices, hiérarchisées et cléricales a non seulement constitué une barrière pour les femmes désireuses de vivre pleinement leur sacerdoce baptismal mais il est aussi devenu un déni du projet de Jésus qui n’appelle en rien un tel appareil de pouvoir producteur de discrimination, qui enferme dans des catégories de pensées limitatives qui interdisent  l’ouverture à l’Esprit. Or la vérité chrétienne n’est pas un système avec des propositions définies impérativement. La vérité c’est le Christ. Tout le système autocratique de Rome n’a rien à voir avec l’Évangile. Ce qui importe c’est de réaffirmer clairement et de mieux enseigner les règles nécessaires du vivre ensemble. Autrement dit, c’est revenir à l’esprit de Vatican II qui avait opté pour une théologie ouverte sur le monde.

C’est pourquoi les femmes théologiennes sont bien résolues à traverser  le miroir patriarcal pour prendre leur place légitime dans l’Église. Des pas sont déjà faits en ce sens. Si la façade de notre Église est encore impressionnante, il n’en est pas de même de sa réalité intérieure. Le Congrès eucharistique de 2008 s’inscrit bien dans la logique des grands déploiements avec foules. Pourtant chacun sait que la vie réelle des communautés chrétiennes, ici comme ailleurs, est en péril : blocages par rapport aux femmes, morale sexuelle rigide, pénurie des prêtres, impasses œcuméniques…

Ce qui ranime malgré tout notre espérance c’est que nous savons aussi qu’il existe deux forces qui s’opposent à la sclérose du système actuel : l’Évangile, qui pousse toujours en direction de la liberté, le cours de l’Histoire qui ne s’arrête jamais.

Comment cette dernière jugera-t-elle le temps d’errance de l’Église d’aujourd’hui ?