PERSPECTIVES D’AVENIR L’AUTRE PAROLE – D’OÙ VIENT-ELLE ? QUE FAIT-ELLE ? OÙ VA-T-ELLE ?

L’AUTRE PAROLE – D’OÙ VIENT-ELLE ? QUE FAIT-ELLE ? OÙ VA-T-ELLE ?

Monique Hamelin, Vasthi

On l’a dit vendredi soir, L’autre Parole est née en 1976. Elle approche de la trentaine, de la maturité, elle a produit des fruits.

Mais tout comme l’adulte qui produit ses meilleurs fruits après la trentaine, les grandes récoltes resteraient-elles à venir ?

Si dans un premier temps je rappellerai quelques éléments du contexte des années 1970 – les années autour de la création de la collective que nous appelions alors le collectif – c’est que ce qui a nourri le collectif hier, nourrit également la collective aujourd’hui.

Les années 1970

Au Québec, comme en Europe ou aux États-Unis, il y avait alors une effervescence politique, sociale et religieuse.

Le mouvement étudiant était fort.

Les revendications des droits mobilisaient les mouvements de gauche.

Le mouvement syndical connaissait une nouvelle expansion.

Les revendications des femmes étaient mises de l’avant :

– Un salaire égal pour un travail égal,

– Des congés de maternité payés, etc.

Les études féministes voyaient le jour dans les universités.

1975 – c’est l’Année internationale de la femme et là ce n’est pas Ratzinger qui le dit.

Le féminisme prend de l’expansion :

– les femmes laissent les associations étudiantes pour se retrouver entre-elles,

– les groupes de conscientisation émergent.

1976 – le P.Q. est élu – le parti était alors de tendance sociale-démocrate.

Tous les espoirs sont permis !

Tous les rêves sont permis !

Les théologies de la libération sont là !

Les femmes investissent les facultés de théologie.

C’était hier ! Et Christa vit que cela était bon.

C’était les années de rêves et d’illusion.

Nous avions la foi que nous allions changer le monde et on y croyait.

L’Église, notre Église allait évoluer…

La lutte pour la justice allait gagner.

Le patriarcat allait sombrer.

À L’autre Parole – dès le début – nous avons adopté notre crédo avec ses trois piliers :

– le féminisme

– le christianisme

– la solidarité avec le mouvement des femmes comme on disait alors.

Si on osait prendre la parole, c’était en marge de l’institution.

Quant aux grands symboles chrétiens – du corps et du sang du Christ – par choix et sans doute aussi un peu par crainte – nous osions à peine y toucher.

Et il y eut les années 80 et le début des années 90

Si ce sont des années de stagnation et de recul sur les fronts politique, social et religieux.

Ce sont aussi des années qui ont permis la consolidation de la pratique de L’autre Parole.

Alors que le pape voyage, pontifie et installe des évêques traditionalistes,

Alors que la droite s’installe partout,

Alors que l’individualisme, le cocooning sont à la mode

L’autre Parole continue de créer, de célébrer, de dire et de faire advenir une autre parole

C’était hier ! Et Christa vit que cela était bon.

C’étaient les années de la réécriture, de la réappropriation du discours religieux, de la construction d’une nouvelle théalogie et de l’affirmation de nos solidarités.

Et il y eut la décade 1995-2005

1995 – La Marche du Pain et des Roses !

Des centaines de marcheuses font route vers Québec pour déposer leurs revendications au Parlement.

L’événement fait la nouvelle ! Tous les soirs les marcheuses sont aux nouvelles !

20 000 femmes se rendent à Québec pour les appuyer.

C’est un moment fort qui a permis de repositionner le féminisme sur la place publique.

Les féministes chrétiennes sont là,  en solidarité avec le mouvement des femmes.

Les femmes de L’autre Parole y sont.

Et il y a eu Beijing.

Et il y a eu la Marche mondiale des femmes.

Les solidarités s’élargissent à la planète entière.

C’était hier ! Et Christa vit que cela était bon.

Et il y eut la célébration publique avec un groupe réunissant diverses spiritualités.

La collective est secouée !

Hier

– Les trois fondatrices étaient en liens avec les facultés de théologie et assuraient une présence forte dans le collectif.

Aujourd’hui

– Nous sommes de milieux diversifiés, plus multi-disciplinaires.

– Plusieurs n’ont pas fait d’études théologiques ou religieuses.

– Nous retrouvons une diversité de regards, de formation.

Hier

– C’était les réflexions

sur l’allaitement et Les fées ont soif !

Aujourd’hui

– Ce sont les réflexions

sur la ménopause et Le monologue du vagin.

Hier

Il y a eu consensus sur l’avortement, les nouvelles technologies de la reproduction.

Aujourd’hui

Il n’y a pas eu de parole solidaire sur le travail du sexe, la prostitution.

Hier

Nous étions dans le giron catholico-centriste.

Aujourd’hui

Notre cheminement reconnaît les autres traditions. On reconnaît qu’il faut se laisser interpeller.

NOUS SOMMES MOINS NAÏVES.

Nous reconnaissons la grandeur et les limites de notre Église.

Notre ESPÉRANCE est toujours vivante.

NOUS DISONS ET PRATIQUONS LE SACRÉ, NOUS FAISONS EKKLÈSIA !

Hier

Célébrer à l’église avait encore un sens !

Aujourd’hui

Dire et pratiquer le sacré appartient principalement à l’Ekklèsia des femmes.

Nous nous reconnaissons les mêmes droits, une même égalité.

C’est en toute collégialité que nous osons le sacré.

C’est avec des femmes de toutes les traditions que nous célébrons Dieue, Sophia, l’Espérance, la Sagesse, la Sorcière…

ET DEMAIN – de quoi serait-il fait ?

Comment combler les besoins de la féministe chrétienne

qui ose s’approprier le sacré mais trop rarement pour se satisfaire.

Comment combler les désirs de la féministe chrétienne

qui souhaite faire mémoire plus souvent

du corps et du sang du Christ et de Christa ?

Oserons-nous plus souvent des célébrations publiques ?

Prendrons-nous le temps de les organiser ?

Oserons-nous des rassemblements publics plus modestes que les grandes fêtes que nous nous sommes données ?

Nous rappellerons-nous que si L’autre Parole est la somme des énergies que nous y mettons elle est aussi plus grande que la somme de ces énergies.

Être sur la place publique nous permettrait-il de mieux inscrire politiquement notre discours de féministes chrétiennes ?

Prendrons-nous plus souvent la plume pour dire nos rêves d’un monde meilleur ?

Faut-il reprendre une critique féministe radicale du religieux ?

Comment développer davantage nos solidarités avec nos sœurs féministes des autres traditions religieuses ?

Est-ce là la piste pour combler nos besoins de moments de prières dans une même communauté d’esprit ?

Aujourd’hui –

Alors que les États se regroupent, pour former de grandes appartenances qui transcendent les cultures, les communautés locales veulent s’affirmer, affirmer leur différence.

Alors que les partis politiques traditionnels ont du mal à se renouveler, les féministes optent pour fonder un parti politique.

Alors que les féministes de traditions diverses cherchent une appartenance commune, elles veulent aussi se nourrir de leur tradition tout en libérant la parole du carcan patriarcal.

Et demain, de quoi sera-t-il fait ?

Je crois en notre sacerdoce et que de là une autre parole naîtra.

Ce sera la parole de la rencontre des femmes qui vivent de l’espérance

en une société meilleure, solidaire, et plus égalitaire.

C’est à nous l’Ekklèsia des femmes de faire advenir cette autre parole !

C’est aujourd’hui ! Et Christa vit que cela était bon.

Que le rêve doit être soutenu sans tomber dans les illusions.

Et alors nous cheminerons ensemble.