Pour l’amour de Dieu avec un mouvement de balançoire

Pour l’amour de Dieu avec un mouvement de balançoire

Monique Dumais

Le film de Micheline Lanctôt, Pour l’amour de Dieu  a surpris, même étonné.  Pourquoi, en 2011, dans notre société qui se veut séculière, faire un film sur l’amour de Dieu auquel deux êtres humains se consacrent par vœu ? Quelle est cette étrange chose que le vœu ?

C’est à travers les yeux d’une jeune fille, Léonie, 11 ans et demi, que toute l’histoire débute. Cette élève a eu son premier coup de foudre en voyant le père Malachy dans sa classe. Nous sommes dans les années 1950, dans un Québec très catholique.

Dans ce film, j’ai trouvé un symbole qui m’apparaît significatif pour le sujet du film, celui de la balançoire. Celle-ci est présente dans le film, au moins à trois reprises. Cet objet de plein air démontre à mon avis une ambivalence ou pour le moins un changement dans une position : il rompt l’équilibre en permettant à la personne qui s’en sert de prendre un envol de plus en plus haut selon l’élan qu’on lui donne, pour revenir à son point de départ quand elle arrête. Dans un premier temps, on voit sœur Cécile et le père Malachy se balancer doucement l’un à côté de l’autre, ce qui déconcerte Léonie qui les surprend. Un peu plus tard on voit les deux religieux se balancer avec grande ardeur l’un face à l’autre, révélant leur attrait mutuel, leur rapprochement amoureux devient évident. Les années passent, peut-être 40 ans, 45 ans ; sœur Cécile et le père Malachy ont poursuivi chacun de leur côté leur route, Léonie a vieilli aussi. Elle retrouve son ancienne enseignante qu’elle aimait tant ; elle est assise à côté d’elle dans une balançoire à deux places, c’est le temps de l’équilibre retrouvé où chacune avoue sa joie de vivre. En somme, la balançoire évoque pour moi tous les moments de tension très forte que les deux religieux ont vécus, une déstabilisation certaine qu’ils réussissent à surmonter dans l’élan généreux de leur cœur pour vivre pleinement leur engagement pour l’amour unique de Dieu.

À la fin de ce film interpellant, j’ai exprimé tout simplement : « Quelle belle histoire d’amour ! » L’amour de Dieu ose montrer explicitement l’attrait sexuel de deux êtres religieux, ce qu’ils ont vécu dans leur corps et leur âme. L’extrait du Cantique des cantiques est tout à fait approprié, il dévoile la quête amoureuse toujours présente, celle des êtres humains, celle de Dieu.  La réalisatrice Micheline Lanctôt a eu recours à des effets particuliers, l’apparition et les dialogues avec un Jésus en chair et en os, l’illustration du bon berger avec des moutons réels, des gouttes de sang surprenantes qui tombent ici et là pour indiquer sans doute des fautes qui peinent « le petit Jésus », comme on disait à cette époque-là.

En tant que religieuse, ce film m’a touchée particulièrement, il illustre clairement les cheminements à vivre, les questionnements à traverser sur la route avec les êtres humains rencontrés, avec l’engagement unique avec Dieu. Il montre les quelques retours de balançoire à expérimenter vers une situation ressourçante, dans un sentiment de plénitude pour l’orientation choisie.

Ce film a sûrement rejoint notre monde d’aujourd’hui, si on tient compte des deux prix qui lui ont été décernés au festival du film francophone d’Angoulême en France : le Valois de la meilleure actrice pour la comédienne Madeleine Péloquin dans son rôle de sœur Cécile, le Valois Magelis du meilleur film du festival décerné par un jury étudiant, formé de jeunes inscrits au Campus de l’Image, regroupant sept écoles spécialisées de la région d’Angoulême.