Billet… « Qui sème le vent récolte la tempête »

Billet… « Qui sème le vent récolte la tempête » de Marie Gratton

Les auteurs des Évangiles placent dans la bouche de Jésus un certain nombre de dénonciations sévères, contre les pharisiens par exemple, mais les condamnations sans appel sont rarissimes. Il en est une qui m’a longtemps laissée perplexe. Elle apparaît dans les synoptiques. « Si quelqu’un scandalise l’un de ces petits qui croient en moi, il serait préférable pour lui de se voir suspendre autour du cou une de ces meules que tournent les ânes, et d’être englouti en pleine mer. » (Mt 18,6) De quel scandale pouvait-il bien s’agir dans l’esprit du Nazaréen pour qu’il songe à une sentence aussi terrible ? Il ne pouvait vraisemblablement pas être question du mauvais exemple d’un vol de fruits sur un figuier, ni même d’une rixe survenue sous les yeux d’un enfant. Si Jésus s’est laissé aller à une telle violence verbale à l’égard d’un éventuel coupable, à quel crime pensait-il ? J’en suis venue à n’en pouvoir imaginer qu’un seul : la pédophilie.

La recherche historique nous a appris que la pédophilie a existé depuis toujours, et dans un grand nombre de civilisations. Certaines l’ont combattue, d’autres ont traité le phénomène avec complaisance. La société juive, avec ses codes moraux sévères ne pouvait que la condamner. Les moeurs de l’Empire étaient plus libres, et Jésus semble avoir craint leur dangereuse influence.

L’Église, dans toutes ses interventions en matière de sexualité, se plaît toujours à fonder ses opinions et ses condamnations sur l’enseignement du Maître, quand ce n’est pas sur l’autorité même de Dieu. Les plus controversées, celles où il est impossible de trouver un fondement biblique, pour la bonne raison que ces questions ne se posaient pas à l’époque de la rédaction des Écritures, sont quand même présumées incompatibles avec la morale chrétienne. Comment ne pas penser ici à la fécondation in vitro et à la contraception par des moyens dits artificiels ? Jésus n’a jamais par ailleurs condamné l’avortement. Ce qui ne veut pas dire qu’il l’approuvait, pas plus qu’il ne trouvait sans gravité l’adultère ou la prostitution. Mais l’Évangile nous apprend qu’il était sensible à la détresse des femmes, et savait dénoncer sans ménagement la dureté de cœur de certains hommes, comme la rampante hypocrisie de certains autres.

Sans répit, les médias nous révèlent que la hiérarchie catholique, dans l’accablant dossier du scandale de la pédophilie, semble avoir totalement oublié la terrible condamnation de Jésus. Après avoir longtemps tergiversé, et refusé même de reconnaître les faits, elle a admis des fautes et fait connaître les mesures mises en œuvre pour contrer le fléau. Trop souvent cependant, malgré ses propres règles, elle a soustrait des coupables à la justice civile. Or, il s’agit d’un crime, et non d’un malheureux accroc aux exigences du célibat sacerdotal. On a réduit certains des coupables à l’état laïc ! L’ultime châtiment. Rassurez-vous, je ne suggère pas la meule au cou. Je me contente de laisser la justice suivre son cours.

Les médias se délectent de la révélation de crimes sexuels ; ils font vendre de la copie. Mais aux personnes qui les accusent de « complot » à l’égard de l’Église, il faut rappeler que « Qui sème le vent récolte la tempête ».

Par respect pour les victimes, et pour l’honneur de Dieu, il faut espérer que la barque de Pierre cesse enfin de louvoyer, et mette le cap sur la vérité et la justice.