QUOI ? L’ÉTERNITÉ

QUOI ? L’ÉTERNITÉ

(Marguerite YOURCENAR, Gallimard, 1988.)

Marguerite Yourcenar ne pouvait pas nous laisser un plus beau testament que cette autre partie de son autobiographie qui vient après Souvenirs pieux et Archives du Nord. Il faut prendre le temps de lire ce livre pour en goûter toutes les saveurs : le style, les délicates descriptions, les analyses, les messages. Cette lecture pourra vous habiter durant les mois d’été.

« Tout grand amour est un jardin entouré de murailles » écrit l’auteure à propos de Jeanne qui fut la maîtresse de son père. Cette dernière avait une personnalité très attachante et marqua l’enfance de Marguerite Yourcenar : elle fut un modèle pour elle qui avait perdu sa mère à la naissance. Jeanne de Rêvai est d’ailleurs un merveilleux personnage féminin ; elle est libre, ardente, amoureuse, généreuse, fière, respectueuse de certaines conventions mais assez intelligente pour ne pas en tenir compte quand il le faut.

Parmi les personnages masculins, le père de Marguerite Yourcenar, Michel ainsi qu’Egon, le mari de Jeanne, n’ont pas la force de cette dernière. Michel a de la noblesse mais il est prodigue : il « ne vit que dans l’instant. L’avenir n’est pour lui qu’un présent imaginaire ». Il a beaucoup aimé les femmes et ce sont elles qui ont tissé sa vie. L’auteure le décrit avec beaucoup de tendresse et avec sa mémoire lui reviennent tous les souvenirs de son enfance qu’elle croyait avoir oubliés. Ceux-ci sont remontés en elle pour notre plus grande joie lorsqu’elle évoque les différents membres de la famille, les voyages qu’elle fit avec son père, les lectures qu’ils partagèrent.

Le château de Mont-Noir, où Marguerite Yourcenar a vécu son enfance, n’avait pas de chapelle mais un autel à la Vierge « moins mère et vierge que reine » et elle lui a récité des Ave, une prière qui est pour elle un poème qu’elle a récité en plusieurs langues mais aussi « en changeant souvent le nom de l’entité symbolique à laquelle elle est adressée. » Elle l’appelle Kwannon, déesse japonaise de la miséricorde, Shechinah la bienveillance divine ou même Aphrodite. « Il est beau d’espérer que, sous une forme ou une autre que la plupart des religions ont choisie féminine, comme Marie, ou androgyne comme Kwannon, la douceur et la compassion nous accompagneront, peut-être invisiblement à l’heure de notre mort », (p.208)

Adieu, Marguerite Yourcenar, nous en reparlerons dans l’Éternité.

Flore Dupriez – Vasthi