No. 11 – 1980

1980

une année octogénaire,

une espérance questionnée

dans notre siècle qui vit davantage la fin d’un siècle

que les prémices d’un autre à-venir.

Nous aimerions rêver, croire dans les potentialités

toujours jeunes,- sans cesse actives

d’une Parole incarnée,

qui crée et recrée,

qui féconde et fait germer (Is. 55, 10).

Nous vivons actuellement une déception profonde en

raison des condamnations romaines qui frappent des frères

théologiens. La fonction nécessaire de recherche et de

critique de la théologie est remise en cause, presque

annihilée. Les possibilités d’une nouvelle compréhension

de la foi pour la société dans laquelle nous vivons sont

fort limitées. Les interpellations percutantes des sciences,

psychologiques, historiques, sociologiques, anthropologiques

sont interceptées.

Dans ce contexte d’une orientation vers un monologue rigide,

prohibitif, répétitif, les voix nouvelles dans l’Eglise pressentent

qu’elles ne bénéficieront pas d’un réseau ouvert. Nos paroles

de femmes qui commencent à émerger pourront-elles trouver

quelqu1 audience aux divers échelons de la hiérarchie? Nos

objectifs ne visent pas immédiatement la « conversion » des détenteurs

du pouvoir dans l’Eglise, mais nous n’avons pas l’intention

de construire une Eglise parallèle. . .

Du côté des femmes, parmi les jeunes et les moins jeunes, la

décade 1980-90 devrait être très créatrice particulièrement

pour l’autre Parole. Notre collectif aura quatre ans d’existence

bien comptés en août; nos premières années auront surtout été

vibrantes de conscientisation, de désir de prise de parole, de

quelques actions militantes, de solidarité tendre et assurée.

Quelques moments historiques, nos prises de position dans

l’événement Les-fées-ont-soif, notre geste d’appui à Soeur

Theresa Kane, nos deux colloques sur le corps de la femme et

l’Eglise, sur nos expériences de femmes, auront été des périodes

de vie intenses, stimulantes.

La décade actuelle nous permettra de devenir plus vivantes, de

nous situer davantage dans notre cheminement. Quelle est donc

cette autre parole ? Elle n’est pas encore dite, elle est en processus

de se dire, elle se précise à travers l’accueil, l’écoute

collective de notre vécu de femmes interpellé par une Parole

dépatriarcalisée. Les groupes de réflexion surgiront un peu

partout au Québec. Nous en avons déjà un à Montréal, un à

Rimouski, nous saluons la naissance d’un nouveau groupe à

Sherbrooke, à Québec, la formation d’un autre à Montréal

ainsi qu’à Rimouski.

L’espérance ne peut s’éteindre, elle est de soi communicative

de lumière,

comme les rougeoiements du soleil couchant

sur les eaux glacées du Saint-Laurent.

I6h20, 28 janvier 1980

Rimouski Monique Dumais