SAVEZ-VOUS QUE …

SAVEZ-VOUS QUE …

Le Conseil du statut de la femme pleure sa présidente, emportée par le cancer après une longue lutte. Dans le dernier numéro de La Gazette des femmes, Francine McKenzie nous livre, en guise d’adieu, des pages troublantes de son journal. Elle y parle notamment de sa vie spirituelle, difficile et, selon ses propres mots, assez pauvre :

La détermination de s’en sortir ? Cela constitue 80 % de la rémission. Un adage ? mais non. (…) Comment faire pour commander à mon cerveau ? Il me fallait entrer en mon âme où la volonté j’imagine doit avoir une loge. Triste constat de la pauvreté de mes moyens spirituels. J’étais en panne sèche : peu douée pour la méditation, animée d’une foi défaillante, pudique et gauche devant la prière implorante^,il me restait la croyance en un Être suprême, mes soliloques avec ma mère défunte, la vive générosité

de ceux et celles qui priaient pour moi et le rituel d’un Notre Père camusien chaque soir récité comme on frappe à une porte muette- …

Mais à trop barricader son âme ne risque-t-on pas de l’étouffer ? Que sont mes grandes peines devenues que j’épongeais à la hâte pour qu’on ne les soupçonne pas ? J’enfouissais mes souffrances sous la tourbe de mes rationalisations. Je les catalysais pour les transformer en projets d’action. Un activisme qui suscitait parfois l’admiration. Pour couronner ma fierté de quelques lauriers, j’ai piétiné la part muette de moi-même. Je t’ai boudée, mon âme. J’ai triché avec toi pour sauvegarder ta vie privée. J’ai voulu t’éviter les égratignures, les meurtrissures, jamais je ne suis revenue sur les lieux des écorchures ; emmurée, tu t’es vengée. Que d’émotions refoulées, que de peines maquillées, que de peurs étouffées dans le placard de la femme forte. (…)

Tristeza, solidad, écrivait Fritz Zorn dans Mars vers la fin. Mort de n’avoir pas été aimé. Alors que ma tristesse surgit à l’idée de quitter tous ceux que j’aime et qui m’ont aimée. J’accepte de devoir mourir, après avoir fait un peu pour les autres. Quel mince bilan alors que j’avais la confiance, l’énergie et les moyens d’un autre apport. J’y vois le châtiment de mon orgueil. Relire Pascal en ce jour de la Résurrection.

Des pages d’une qualité rare, touchantes de sincérité, de courage, d’humour même. Des pages à lire en entier …

La Gazette des Femmes, vol. 10, no 2, juillet-août 1988, pp.18- 22.

Le 6 août dernier, Paul-André Comeau étudiait dans un éditorial le phénomène du « gender gap » qui s’est manifesté aux communes sur la question de l’avortement :

Aux Communes, le vote sur les différents amendements et sur la résolution au sujet de l’avortement s’est partagé selon les sexes. Les femmes ont rapidement et unanimement fait fi de la ligne de parti. Et elles se sont retrouvées unies pas nécessairement dans une compréhension commune du problème sous observation, mais à tout le moins dans une fraternité (sic) réagissant contre une forme d’impérialisme mâle ou de ce qui est perçu comme tel.

Il poursuit :

Laissons voguer l’imagination un instant. Pourquoi n’aurait-on pas songé à confier à un groupe de femmes parlementaires le soin de préparer, après examen du dossier, des projets de résolution, mieux, un véritable projet de loi ? Elles auraient eu le droit de consulter spécialistes, médecins, avocats, moralistes. Elles auraient été au coeur d’un débat qui les concerne au premier chef. Elles auraient pu faire appel à la sensibilité de leurs collègues. En bout de ligne, on aurait peut-être bénéficié d’un projet de loi où la probabilité de dégager sinon un consensus du moins une certaine majorité aurait été nettement supérieure à ce que l’on vient de vivre. Marivaudage agréable ou utopie intelligente ?

Le Devoir, 06-08-1988.

Christine Lemaire