SIMPLICITÉ VOLONTAIRE ET IMPLICATION SOCIALE : LES DEUX MAINS DE LA CONTESTATION
Louise Bergeron
Vendredi après-midi, au Groupe-Ressource du Plateau Mont-Royal. Je reçois un téléphone me demandant d’aller parler des groupes d’achats dans une équipe qui fait partie du Mouvement de la simplicité volontaire. « Nous sommes, me dit la voix au téléphone, un groupe de professionnels qui essayons de mettre en cause la société de consommation actuelle. Certains sont fatigués de travailler comme des fous pour simplement consommer un peu plus. L’un de nos membres qui habite seul dans un « condo » nous confiait l’autre soir qu’en regardant de l’autre côté de la cour, il voyait les gens d’une coopérative d’habitation faire la fête. « La qualité de vie n’est pas ici où personne ne semble intéressé à rencontrer son voisin, » ajoutait-il. Bref, vous voyez un peu le genre de monde que nous sommes. Nous aimerions vous entendre sur les groupes d’achats qui semblent être un lieu où se vit une forme de simplicité volontaire intéressante. »
Le soir prévu, je me retrouve avec un petit groupe de professionnels. Après les présentations d’usage où l’on me répète ce que mon interlocuteur m’avait dit au téléphone, on me demande de les informer sur les groupes d’achats. Dans ma présentation, je pris soin d’ajouter qu’il s’agissait de groupes coopératifs d’achats.
« Notre groupe ne se réunit pas , en effet, pour simplement épargner en faisant des achats aux prix de gros, ce qui est déjà appréciable. Il essaie de réinventer un autre style de vie où la coopération serait la monnaie courante. C’est ainsi, par exemple, que notre groupe comprend toute sorte de personnes aux statuts économiques très différents. Les participants et les participantes peuvent être des personnes assistées sociales, des chômeurs ou des chômeuses, des personnes handicapées, des travailleurs ou des travailleuses précaires ou encore des travailleurs ou des travailleuses à très bon salaire. Ce qui nous réunit c’est d’abord la recherche d’une autre qualité de vie. Tout le monde se considère comme des citoyens et des citoyennes, c’est-à-dire comme des gens qui ont le droit d’habiter leur cité et de travailler avec les autres pour qu’elle soit habitable. Cet esprit n’est évidemment pas possible sans une solidarité concrète.
C’est parce que nous sommes plusieurs que nous pouvons acheter des caisses de légumes et de fruits et celui qui achète peu jouit des mêmes rabais que celui qui achète beaucoup. Nous avons aussi, comme vous sans doute, ce que nous appelons des « carrefours citoyens » où nous tentons de comprendre ce qui se passe au niveau des projets de loi comme celui sur l’élimination de la pauvreté par exemple ou encore des événements innovateurs comme le Forum mondial de Porto Alegre.
Cet esprit de coopération se traduit aussi dans plusieurs initiatives de co-voiturage, d’échange de menus services et dans l’entraide lors de l’arrivée des commandes. Même nos soupers gourmands deviennent des lieux de nouvelles prises de conscience. Je pense aux représentants de PAJU qui dernièrement nous ont parlé de la situation en Palestine au cours d’un repas préparé sous la baguette d’un de nos membres d’origine turque.
Nous avons fait nôtre le slogan trouvé dans un groupe en France : « Seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin. » Inutile d’ajouter que nous voulons aller très loin. »
À la suite de la présentation, certains membres découvrirent que la solidarité avec les gens à revenus précaires leur faisait encore défaut. On peut en effet très bien vivre la simplicité volontaire comme une sorte d’hygiène individuelle sans qu’elle s’épanouisse en solidarité avec les gens simples.
On parla ensuite du groupe d’achats de leur quartier qu’ils et qu’elles pourraient joindre et la soirée se termina dans la bonne humeur.