UNE THEOLOGIE A NOTRE MESURE

UNE THEOLOGIE A NOTRE MESURE

Par Lyne Monfette

Ces passages se veulent le résumé d’une rencontre que des femmes du collectif L’autre Parole ont eue avec Louise Melançon à Montréal, le 12 janvier 1984. Louise, professeure à la faculté de théologie de l’université de Sherbrooke, nous semblait une bonne personne-ressource pour nous qui voulions réfléchir sur la théologie féministe et sur la théologie de la libération, puisqu’elle a creusé pas mal les différents aspects de la théologie de la libération bâtie sur l’expérience de foi des peuples d’Amérique latine.

Si on définit la théologie comme une interprétation de la foi, c’est qu’elle correspond à un vécu, à une expérience de foi dans un contexte donné. Nous devrions davantage parler d’une théologie libératrice parce que comme discours et pratique, elle libère (ou tente de libérer) de ce qui opprime, ce qui nie.

La préoccupation dans nos groupes de réflexion entre autres, c’est d’écrire à partir de nos vécus de femmes, une expérience de foi qui nous reflète. Ce qui se pose alors comme question c’est : « est-ce qu’on doit passer par la théologie de la libération (ou un modèle qui s’en rapproche) pour bâtir une théologie féministe ? ou doit-on se servir de la théologie traditionnelle comme cadre de référence dans notre démarche féministe et religieuse ? ».

On dira que la théologie féministe s’insère dans une théologie libératrice ; ce qui a du sens puisqu’elle veut libérer les femmes d’un discours sur Dieu trop souvent fait par et pour des hommes.

D’autre part, on dira que la théologie féministe ne peut se référer seulement à la théologie de la libération qu’on connaît puisqu’elle a quand même la faiblesse d’avoir des origines mâles comme tous les courants prophétiques dans l’histoire de l’Eglise. Ce n’est pas un mépris lorsqu’on parle de « faiblesse » mais bien le constat que le spécifique de femme n’y est pas particulièrement abordé, renouvelé.

Par contre, la théologie de la libération nous inspire beaucoup puisque l’élément nouveau qu’elle met de l’avant c’est le salut qui ne se réalise non pas uniquement dans un au-delà mais bien dans l’ici et maintenant, dans l’aujourd’hui de nos vies, de nos luttes et de nos espérances.

Donc, notre démarche féministe nous semble profondément évangélique. Une situation d’inégalité perdure depuis longtemps dans la société et l’Eglise et nous proposons des changements profonds. Une théologie féministe, dans le courant d’une théologie de la libération, se doit d’être critique, donc partiale. Elle a alors un parti pris pour les femmes.

Jésus est un exemple inspirant lorsqu’on regarde et constate son option, son parti pris pour les pauvres ; une nouvelle interprétation et pratique de foi était en train de s’écrire et se vivre car il annonçait la libération aux opprimé-e-s et n’a pas eu peur de se compromettre autant dans le champ social, politique que religieux.

Pour être théologie libératrice, la théologie doit être en mouvement, dans l’histoire de

l’humanité plutôt qu’un donné révélé et figé dans le temps. Lorsqu’un-e latino-américain-e lutte et s’oppose au pouvoir de son pays qui rend les paysans toujours plus pauvres et les tue s’ils osent s’organiser pour lutter contre cette oppression, on peut y lire comme chrétien- né l’expression de la foi en l’humain et en Dieu-amour, Dieu-justice. L’histoire s’écrit et la foi se vit dans une pratique concrète.

Et finalement, il nous apparaît qu’il faille sortir de la théologie traditionnelle afin de nous libérer de modèles culturels mâles. Le point de départ d’une théologie féministe est la vie des femmes et son point d’arrivée sera l’éventail de modèles qui nous parleront vraiment comme femmes, comme croyantes éprises de justice.