No. 24 – LES FEMMES ET LE POUVOIR DANS L’ÉGLISE

N’AYONS PAS PEUR

Automne 1982. On annonce officiellement que le pape s’en
vient. Quelle nouvelle! Qu’est-ce qu’on va faire? Sortir nos
pancartes? Se taper la lecture de toute sa prose? Distribuer des
milliers de calottes blanches? Ou se taire?
Printemps 1984. Depuis quelques semaines, comme par hasard,
mon téléphone ne dérougit pas: subitement, les médias s’intéressent
au sort des femmes dans l’Église. Quel beau sujet! « La prêtrise,
ça vous intéresse? » « Qu’est-ce que c’est, L’autre Parole? »
« Que pensez-vous de la visite de Jean-Paul II? » « Craignez-vous des
retombées négatives? » Vous devinez le reste. Et ce n’est qu’un
début…
A L’autre Parole, nous ne sommes pas sans savoir que Jean-
Paul II s’en vient et que les médias, soudain, aimeraient bien
avoir le point de vue des « féministes chrétiennes » comme ils disent.
Seulement, nous n’avons pas le goût de réagir incessamment
aux innombrables injustices qui ont été, qui sont et qui seront faites
aux femmes lors de la préparation et de la ténue de cet événement.
Par ailleurs, nous n’avons pas l’intention de nous laisser
enfermer dans les questions souvent -hélas!- piégées des journalistes.
Car dans l’Église sont nous rêvons à bout de bras, il y a bien
plus que le sexe des soutanes qui changerait… C’est pourquoi, au
cour des mois qui viennent, L’autre Parole se fera plutôt discrète
… et vigilante. Comme d’autres groupes chrétiens d’ici, nous tenterons
de discerner les occasions les plus propices pour faire
entendre L’autre Parole… Mais avant de nous « recueillir », deux
mots encore.
D’abord pour dire notre grande joie de voir que 1730 femmes,
laïques et religieuses, de toutes les régions du Québec, ont signé
la pétition que le comité FEMMES EN ÉGLISE a lancée et que nous
avons reproduite dans notre dernier numéro (la liste complète des
signataires sera publiée dans Le Devoir du 15 mai). Voilà une
initiative concertée du Mouvement des femmes chrétiennes de Montréal,
du groupe D’Ève-â-Nous, de représentantes de communautés
religieuses et de L’autre Parole qui mériterait d’être renouvelée.
Les femmes ont.vraiment tout à gagner de la solidarité.
Enfin, et nous nous laisserons là-dessus jusqu’à notre prochain
numéro-bilan de la visite, en novembre, comme le disait si bien
Jean-Paul II au journaliste André Frossard:
N’AYEZ PAS PEUR
N’AYONS PAS PEUR, donc, de cet homme-:, provocant avant même
de mettre le pied ici. En effet, comment interpréter autrement qu’il
propose comme modèle Marie-Léonie Paradis, mère des célèbres servantes
du Bon Dieu qui, aux yeux de combien de Québécoises, servent
surtout des prêtres pleins de mépris pour le travail qu’elles accomplissent
de bonne foi. Parions aussi qu’il grondera les évêques
du Québec pour leur message du 1er mai dernier, Les femmes et l’emploi.
Égales. •
N’AYONS PAS PEUR de tous ceux et celles qui vont se servir
de ce que dira Jean-Paul II pour tenter de nous « remettre à notre
place ».
N’AYONS PAS PEUR de ceux et celles qui ont peur et qui jouent
les prophètes de malheur.
N’AYONS PAS PEUR de la force de notre propre espérance, et
ne noua lassons pas d’être fidèles à la tradition de justice qui
nous inspire en oeuvrant à la réalisation de nos rêves les plus
chers dans l’Église et dans les autres secteurs de la société.

par Ginette Boyer