No. 25 – DOSSIER PAPE

AU-DELÀ DE LA SÉDUCTION
par Monique Dumais
Le pape Jean-Paul II a manifestement séduit la population du Québec et du Canada. Sa présence très forte, ses nombreux gestes d’affection à l’égard des enfants, des handicapé-e-s, ses discours sur le respect des ethnies, des différences culturelles, ont suscité beaucoup d’émotions chez la majorité des personnes, qui l’ont vu de près, sur le terrain ou à la télévision.
Les femmes, beaucoup de femmes ont été séduites, charmées par sa personnalité, saisies par la force spirituelle de ses homélies. Pourtant, quel message a-t-il laissé aux femmes ou plutôt quelles positions a-t-il maintenues sans les exprimer explicitement? Nous savons, en effet, que les évêques québécois et canadiens avaient prévenu 1’éminent visiteur de ne pas traiter des questions brûlantes concernant les femmes.
Le collectif L’autre Parole a tenu le 29 septembre, à Montréal, une journée de rencontre pour dresser le bilan des interventions du pape au sujet de la condition des femmes. Il nous importait d’évaluer les paroles et les gestes du premier chef de l’Église. Son autorité, même non revêtue du caractère d’infaillibilité, est cependant normative pour l’ensemble des membres de l’Église.

Voici quelques observations qui se dégagent de notre bilan:

1. Le pape a été très discret sur la condition des femmes. Alors que ses paroles ont été très généreuses à l’égard des différents groupes ethniques, elles ont été très rares pour les femmes. Le pape n’a pas eu réellement de paroles pour nous. Nous avons eu le sentiment d’être ignorées en tant que sujets collectifs. Nous nous sommes même demandé s’il était venu nous voir, tant son attention se portait ailleurs.
2. Les quelques paroles que Jean-Paul II a eues sur la condition des femmes ont été pour raffermir ses positions: non à l’avortement, à Vancouver, rappel de la « personnalité féminine », invitation au service (dans le contexte de la béatification de Soeur Marie-Léonie), au parc Jarry à Montréal.
Ces quelques brèves monitions signalent que l’enseignement de Jean-Paul II demeure ferme sur tout ce qui touche à la condition des femmes, sans laisser pressentir quelque évolution. « J’ai des questions à vous poser et j’aimerais aussi entendre les vôtres », annonçait Jean-Paul II à sa descente d’avion à 1’Ancienne-Lorette, le 10 septembre. Ces questions ne portaient pas sur la condition des femmes, semble-t-il! les réponses ont été données et ne supposent pas de modifications.
3. Les femmes ont assumé certains « services » dans les célébrations eucharistiques  très nombreuses: lecture de la Parole Je Dieu, d’intentions de prières, présentation d’offrandes, distribution de la communion, à la grande surprise des stratèges romains. Ces « mouvements périphériques » des femmes apportent quelque satisfaction, mais n’ouvrent pas sur les vraies questions.
4. Une femme nous a paru les aborder lors de son témoignage donné au cours d’une messe célébrée à Moncton, le 13 septembre. Soeur Odette Léger, supérieure des religieuses de Notre-Dame du Sacré-Coeur, en réclamant l’égalité des deux sexes, « telle que voulue par Dieu » avouait que les femmes « veulent partager les tâches apostoliques d’évangélisation ».
5. Jean-Paul II n’a pas apporté d’éléments susceptibles de nous faire espérer que l’Église nous permettra de réaliser nos aspirations, au moins très prochainement, qu’elle soutiendra nos élans et que « nous serons reconnues à part entières en toute justice », tels étaient les voeux de la
pétition Femmes en Église, signée par 1730 femmes du Québec (cf.quotidiens québécois du 15 mai 1984).
6. Le collectif L’autre Parole n’avait pas jugé bon de préparer une manifestation pendant la visite du Pape. Comment aurions-nous pu faire une brèche valable dans cette vaste machine super-organisée?

D’autres articles de ce numéro refléteront et continueront le bilan.
Il ressort de toutes ces constatations que le travail de L’autre Parole doit se poursuivre avec vigueur. La conscientisation des femmes, notre démarche à la fois critique et créatrice à partir de notre foi chrétienne et de nos expériences de femmes demeure d’une grande nécessité pour qu’une évolution des mentalités se fasse jour et que « l’autre parole » puisse s’exprimer pleinement!

par Monique Dumais