Voix de femmes. Voies de passage

Voix de femmes. Voies de passage,

Pratiques pastorales et enjeux ecclésiaux, Éditions Paulines, 1995.

Une lecture libre

Au moment où je rédige ces lignes, Pâques s’annonce. Et, en réfléchissant au sens qu’évoqué, pour moi, le titre de cet ouvrage, il me vient à l’esprit que les voix /voies de passage ont quelque chose à voir avec le sens même de Pâques : un passage menant de désert en Terre promise et de mort en résurrection.

C’est en tout cas dans l’intention de faire émerger la dynamique des pratiques pastorales des femmes engagées en Église et montrer le progrès des pratiques ecclésiales susceptibles de produire des avancées sur le plan de la théologie que les auteures ont voulu écrire. Et, « si les interpellations qui montent de la pratique des femmes deviennent de vraies questions », peut-on lire en conclusion, « le débat sur les ministères (y compris le ministère ordonné) apparaîtra comme primordial. Alors, les voix des femmes deviendront voies de passage » (p.251).

L’emploi des catégories de l’appel et de la vocation pour expliquer la présence des femmes dans le monde pastoral implique un élargissement de la théologie actuelle de la vocation, disent les auteures. Et il leur semble qu’un signe de cet élargissement puisse être perçu dans le fait que les autorités ecclésiales reconnaissent la possibilité pour les laïques d’avoir une vocation pastorale (p. 164). Elles admettent toutefois que les assises de ce mouvement sont fragiles, car c’est malgré l’interdiction papale de discuter publiquement de la question de l’ordination des femmes que prend place ce qu’elles appellent un défi : celui de renouveler la théologie du ministère à la lumière d’une théologie de l’appel. Une théologie qui prend comme critère de discernement vocationnel le caractère dynamique et réaliste de la réponse plutôt que celui de l’initiative divine (p. 170).

Parler de partenariat comme expression privilégiée du « nous » ecclésial (p. 190), ainsi que le font les auteures, relève aussi du défi. Avec un certain réalisme, elles identifient que ce concept est piégé, car il tient souvent d’une anthropologie selon laquelle la femme demeure relative à l’homme, et jamais l’inverse, de telle sorte que la femme devient « une part de l’homme considéré comme prototype de l’humanité » (p. 190). En dépit du rejet de l’hégémonie du clerc, les stéréotypes coutumiers de la « femme-coeur » et de l’homme-tête » demeurent présents chez bon nombre de femmes engagées.

Pour éviter de compromettre sa pertinence sociale et culturelle, disent les auteures à la fin de l’ouvrage, l’institution ecclésiale se doit de reconnaître les femmes d’une façon pleine et entière (p.243). Et pour étayer cet enjeu, elles identifient trois points : reconnaissance idéologique des femmes (au niveau anthropologique, philosophique et théologique) ; reconnaissance structurelle (participation aux décisions à tous les paliers de la structure internationale) ; reconnaissance juridique par un droit légal qui refuserait toute inégalité d’ordre, de statut, de fonction et de pouvoir entre les hommes et les femmes (p.245).

La lectrice profane que je suis se dit : pourvu que cette entreprise de reconnaissance, souhaitée et fort souhaitable certes, n’en reste pas au niveau des idées. N’est-on pas aux prises déjà avec un problème de décalage profond entre l’affirmation de principes et leur mise en oeuvre dans la réalité ?

Agathe Lafortune, Montréal