ÉDITORIAL

ÉDITORIAL

Le Québec vit à l’heure d’un choix historique crucial qui engagera son avenir pour longtemps. L’autre Parole, collectif de femmes chrétiennes et féministes, se sent directement concerné par cet événement et veut y apporter sa contribution. Quel Québec voulons-nous pour demain ?

D’entrée de jeu, les membres du Collectif se sont prononcées, à l’unanimité, en faveur d’un Québec souverain, d’un Québec qui assume en totalité son destin de peuple. Cette option en faveur d’un État souverain, nous l’appuyons sur un projet de société articulé à une mémoire, reflété dans un présent et propulsé vers un avenir meilleur.

Notre situation de « minorisées », dans une société traditionnellement patriarcale, et l’égalité, où chaque citoyenne, chaque citoyen ait sa place sans exclusion ni discrimination. Ce que nos devancières ont accompli à bout de bras et de coeur, nous avons à le poursuivre en solidarité avec les luttes et les revendications d’autres femmes pour obtenir des politiques familiales et sociales adaptées à notre temps. Ce qu’on a appelé la « folle aventure » des Jeanne Mance, des Marguerite Bourgeoys, des Mères Gamelin, Blondin et Gérin-Lajoie, devient pour nous « le beau risque », le défi à relever.

Ce beau risque s’incarne dans des situations spécifiques que nous avons analysées et sur lesquelles nous nous sommes prononcées. La société dont nous rêvons est une société soudée par son tissu humain auquel se réfèrent toutes les ressources : économiques, politiques, juridiques, culturelles, sociales et religieuses.

Au sujet des ressources économiques – le Collectif recommande que sort reconnue, par l’État, la contribution importante qu’apportent le travail domestique ainsi que le bénévolat, pris en charge le plus souvent par des femmes.

Au plan politique – un Québec souverain, assumant pleinement ses responsabilités, se dort de favoriser l’accès des femmes aux postes de décision. Après cinquante ans, nous ne sommes que 18 % à l’Assemblée nationale.

Au niveau juridique – nous réclamons l’application intégrale de l’article 19 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, ainsi libellé : « Tout employeur dort, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit ». Bien que des groupes de femmes aient déjà lutté pour obtenir ce droit à l’égalité, les femmes qui travaillent à temps plein ne gagnent toujours que 65,3 % du salaire des hommes.

Au niveau culturel – nous attendons une déclaration reconfirmant la langue française comme langue officielle de l’État québécois, la considérant comme la valeur intégratrice par excellence et la meilleure interprète de l’esprit et de l’âme de la nation québécoise.

Dans le domaine social :

nous réclamons à nouveau le respect du droit à l’autonomie reproductive et au libre choix en matière de grossesse tels que reconnus par notre Collectif en 1987 ; nous signalons l’importance de la solidarité avec les plus démunies-nis et d’un environnement sain pour asseoir les bases d’une véritable démocratie ;

nous croyons à la nécessité d’une politique de plein emploi pour assurer une meilleure redistribution de la richesse.

Du point de vue de notre engagement religieux • nous souhaitons que la foi transmise par nos ancêtres soit un levier dynamique qui élargisse l’espace réservé aux femmes jusqu’à la reconnaissance de leur participation pleine et entière à la vie ecclésiale comme à la vie civile.

Enfin ce que nous réclamons par-dessus tout, c’est une politique familiale adaptée aux besoins d’une société moderne et ouverte, qui tienne compte des exigences nouvelles d’une vie familiale où les femmes se retrouvent souvent sur le marché du travail et seuls soutiens de famille.

Cette politique :

-réorganiserait le temps de travail selon des horaires flexibles, fractionnés au besoin ;

– prévoirait des congés parentaux payés qui accommodent le couple et favorisent l’accueil de l’enfant ;

– assurerait des services de garde adéquats et accorderait des allocations aux enfants jusqu’à l’âge de 21 ans.

L’État reconnaîtrait ainsi la richesse incommensurable que les parents apportent au bien commun de la nation en lui préparant des citoyennes et des citoyens libres et responsables.

La société que nous voulons, comme Collectif, serait une société libre et démocratique qui veillerait à ce que personne ne soit ni dominant ni dominé, ni privilégié ni marginalisé mais où un peuple, fier et responsable, assumerait collectivement son destin.

Le développement cohérent d’un tel projet, mettant en place une politique intégrée en matière de condition féminine peut-il avoir des chances d’émerger sans que le Québec soit le seul maître d’oeuvre des moyens de son développement ?

Nous ne le croyons pas.

Notre prise de position collective en faveur de la souveraineté est donc sans équivoque, et nous souhaitons que vienne sans tarder le moment où notre peuple aura à choisir lui-même son avenir.

Yvette Laprise

Pour le collectif L’autre Parole.