FEMMES DANS UNE ÉGLISE D’HOMMES

FEMMES DANS UNE ÉGLISE D’HOMMES

Le numéro de janvier 1988 de la revue APPROCHES pose cette question fondamentale : « Peut-on être féministe et chrétienne ? » Pour certaines auteures, la réponse semble plus difficile à donner que pour d’autres.

Un premier article rédigé par Jo Lessard nous présente trois avenues possibles inspirées par le théologien protestant Paul Illich. La première est celle de « l’indifférence » : elle consiste à mettre sa foi, son féminisme et le reste de sa vie dans trois cases bien séparées les unes des autres, sans jamais rien mélanger. La seconde amène les personnes à placer le féminisme au premier plan ; on fait alors du féminisme un dieu. Cette voie se nomme « idolâtrie ». Enfin, la troisième avenue est proposée comme un idéal ; il s’agit de choisir le féminisme comme médium, c’est-à-dire comme moyen d’action dans une démarche de foi. De fait, Jo Lessard parle beaucoup de foi et peu d’Église, ce qui est, à mon sens, une nuance fondamentale.

Diane L. Barr, par contre, parle de l’Église. Licenciée en droit canon, à l’Université St-Paul d’Ottawa, c’est au droit canon qu’elle se réfère pour identifier le sexisme dans l’Église. Mais c’est aussi au droit canon qu’elle se rapporte pour justifier sa démarche de chrétienne et féministe. Le canon 211 dit en effet : « Tous les fidèles du Christ ont le devoir de travailler à ce que le message divin du salut atteigne sans cesse davantage tous les hommes de tous les temps et de tout l’univers. » Et pour Diane L.Barr, il va de soi que la cause des femmes fait partie du message divin. Jeannine Gauthier est plus sceptique quant à la possibilité d’être chrétienne et féministe. Elle parle de « compromis », de « souffrances », de « déchirements » et de « tristesse mêlée de colère ». À son avis, les hommes posent d’importantes barrières au mieux-être des femmes dans l’Église. Elle nous dit : « Pour être chrétienne et féministe tout à la fois, il faut regarder au-delà de ces barrières et porter en soi une espérance tellement grande qu’à certains moments elle apparaît comme une utopie ou un mirage (p.47) ».

Louise Belzile décrit une triple difficulté : être femme-laïque-jeune dans l’Église. Elle raconte son espérance frustrée : participer à cette Église. Pourtant à ses yeux, le fait d’être chrétienne et féministe semble aller de soi.

Enfin, Lucie Leblanc et Louise Gauthier affirment bien haut que christianisme et féminisme vont de pair. Qui oserait discuter leur droit d’être dans l’Église ? Elles sont l’Église : « Notre appartenance à l’Église est des plus vitale. Malgré nos distances et nos critiques, par notre qualité de filles de Dieu, nous croyons être de ces éléments essentiels qui font vivre l’Église et la font progresser. Notre baptême fait de nous des membres à part entière de cette Église en marche (p.54) ».

À mon avis, il en va de la question : « Peut-on être chrétienne et féministe ? » comme d’une autre question, posée celle-là aux femmes d’action : « Comment faites-vous pour concilier votre vie familiale et votre carrière ? » Ces interrogations sont nécessaires, pour l’instant, parce qu’elles fournissent à d’autres femmes des appuis et ces modèles. Mais mon souhait est qu’un jour les réponses deviennent tellement évidentes que ces questions en deviendront superflues.

Je terminerai ce compte-rendu par la conclusion du beau poème de Denyse Joubert-Nantel Stances interrogatives en pièces détachées, qui clôt ce numéro de

Approches :

En somme

et c’est notre somme

nous émettons de voeux pieux :

O très Saint Père, miroir de l’homme

laissez-nous devenir le miroir de Dieu !

(Approches. Femmes dans une Église d’hommes, janvier 1988, Montréal)

Christine Lemaire – Bonnes Nouv’Ailes