LA PREMIÈRE FEMME DE NOTRE VIE

LA PREMIÈRE FEMME DE NOTRE VIE

Monique Hamelin, Vasthi

Francine Noël, romancière québécoise très à la mode dans les années 19801, nous livre cette fois un témoignage sur sa mère. Le récit est intitulé La femme de ma vie2 et l’auteure y présente Jeanne Pelletier, sa mère, dans le rôle titre.

La maladie et la mort de la mère amènent la fille à vouloir témoigner, à rendre hommage, à célébrer son verbe. Et dans ce processus, elle a vu et compris qu’elle est la fille-à-Jeanne, la fille de sa mère avec ses bons côtés et certains de ses travers. Si Francine Noël a découvert les plaisirs d’être d’une famille, de connaître ses racines, il restera des conflits irrésolus, des pans de son histoire que plus personne ne pourra lui raconter. Des morceaux de sa vie, de la saga familiale resteront dans l’ombre. La mère n’est plus là pour dire l’histoire des Pelletier et des Noël. Et même si elle était présente, il est des histoires qu’une mère ne veut pas nécessairement partager avec d’autres. Donc, toute histoire racontée est une vision de l’histoire. Et Noël, maintenant orpheline et fille unique de Jeanne, est celle par qui la grande et la petite saga familiales pourront se perpétuer. Elle assume pleinement ce rôle de mémoire pour le clan.

Mais se reconnaître dans sa mère, le reconnaître, l’accepter, et vouloir en témoigner – que voilà un processus de maturité, de l’âge adulte en tout cas pour les femmes nées dans les années quarante et cinquante. Les jeunes d’aujourd’hui ont maintes fois des relations mère-fille fort différentes de celles que nous avions alors. Néanmoins, je ne suis pas convaincue que les bonnes relations permettent nécessairement de voir, de se voir et de se reconnaître dans sa mère avant la quarantaine sinon la cinquantaine. Et lorsque le témoignage est lourd à porter, la plume pittoresque de Noël, son sens de la répartie, de l’humour dédramatisent certaines scènes hautement émotives.

Si ce n’est que dans la force de l’âge que le droit fil de notre descendance nous rattrape, que peuvent y trouver les jeunes ou plus jeunes femmes dans ce récit ? En fait, Francine Noël rappelle que les fantômes dans le placard, les non-dit devant les enfants se sentent, s’intègrent et ne se comprennent pas. Il vaut mieux jouer à livre plus ouvert, avec des mots adaptés aux différents âges de la vie.

Donc, un livre qui nous interpelle quel que soit notre âge car les relations mère-fille c’est la fondation de chacune d’entre-nous.

1. Maryse, VLB, 1983 ; Bibliothèque québécoise, 1994 ; Chandeleur, VLB, 1985 ; Myriam première, VLB, 1987 ; Bibliothèque québécoise, 1998.