MARIE AU QUOTIDIEN

MARIE AU QUOTIDIEN

Monique DumaisRimouski

j’aime à retrouver Marie, une femme parmi nous, sur la terre ferme et non quelque part entre ciel et terre. Marie a vécu un engagement bien unique, qui ne l’éloigné pas de son expérience de femme, qui nous la rend même plus attachante. Les hommes célibataires se sont pourtant empressés de la placer sur le piédestal d’une pureté intouchable, d’une soumission inattaquable pour mieux cacher leur peur d’une femme, des femmes.

La vie quotidienne

Au tout début de l’année 1988, je veux refaire connaissance avec toi, Marie, dont les Écritures ont peu parlé, au sujet de laquelle on a cependant beaucoup épilogue, j’essaie d’imaginer le petit village de Nazareth, tout simple, il y a deux mille ans, la façon de s’habiller, de se nourrir, les relations entre les hommes et les femmes, les jeux des enfants, les rites de prières, les habitudes sociales, les inquiétudes, les aspirations de cette époque. Marie a connu un monde bien différent de notre société québécoise : la forme de gouvernement, les ressources économiques, les moyens techniques étaient autres.

Dès son plus jeune âge, la fillette apprend à tout faire comme sa mère : elle ramasse du bois pour la cuisine, elle nettoie la courette où se trouve le foyer, elle balaie la maison. Matin et soir, elle accompagne sa mère au puits ou à la source. Les femmes s’y retrouvent volontiers et, pendant que chacune puise son eau, elles bavardent, se confient secrets ou potins du village. Chaque jour il faut faire le pain : pour moudre l’orge, on l’écrase entre les deux pierres de la meule, ce qui est fatigant. Puis on pétrit la pâte avec un peu de levain pour en faire des galettes qui vont cuire sur les pierres du foyer.

Sa mère lui a montré à filer la laine, à tisser des étoffes et à les coudre, pour faire les vêtements ordinaires, hais c’est à la fille qu’on achète les plus belles robes, les tuniques, les voiles. Et l’enfance se passe à cet apprentissage des tâches quotidiennes : le bois, l’eau, le pain, la cuisson des fèves ou des lentilles, le filage et le tissage, sans oublier de s’occuper des frères et des soeurs plus petits. Il reste peu de temps pour jouer ou bavarder avec les autres filles. Si la famille est riche, au contraire, il y a des servantes pour assurer la plupart de ces tâches.1

Une joie solidaire

La visite de Marie à Élisabeth manifeste une grande solidarité de deux femmes, toutes les deux enceintes. Le texte de l’Évangéliste Luc nous dit que « Marie partit et se rendit en toute hâte vers la région montagneuse ». La rapidité de Marie exprime son désir enthousiaste/ sa sensibilité vibrante, la recherche d’une autre femme pour partager.

Ah ! quel échange entre ces deux cousines. Les paroles qu’elles expriment les rejoignent au plus profond d’elles-mêmes et font même tressaillir les enfants qu’elles portent Ce qu’elles disent est imprégné d’une telle efficacité que Dieu se révèle à elles dans toute la puissance de son action. Elles réalisent ce qui m’apparaît une rencontre féconde. Elles ne s’accueillent pas seulement mutuellement, mais elles rejoignent le sens ultime de chaque personne, l’Autre qui l’habite. L’Esprit qui les soutient de son élan leur permet d’atteindre les fibres les plus intimes de leur être et de vivre une solidarité très forte.

Sans piédestal

La tradition chrétienne a voulu exalter Marie, cette femme qui a porté dans son ventre un Dieu ; elle a été désignée à juste titre par les pères grecs Theotokos, mère de Dieu. Cependant, tout ce processus d’exaltation a eu l’inconvénient de la distancier des femmes engagées dans leur quotidien. Plus sa virginité était vantée, moins les femmes mères se sentaient acceptées dans leur sexualité. Plus sa maternité était vénérée, moins les femmes sans enfants se sentaient proches de Marie. La dévotion mariale à travers les siècles a conféré à Marie une personnalité complexe, difficilement imitable.

Les différents dogmes qui touchent Marie : la maternité divine, l’Immaculée-Conception, l’Assomption ne la privent pas de sa nature humaine/ mais la rendent plus sensible à ses diverses manifestations. Les désirs, les préoccupations, les anxiétés qui marquent la finitude humaine ont habité cette femme de Nazareth et ont façonné ses dimensions humaines au gré des événements qu’elle a eu à vivre.

Penser à Marie dans les différentes phases de sa vie : dans le ventre de sa mère Anne, jeune bébé, enfant, adolescente, menstruée pour la première fois, fiancée, épouse, enceinte, s’occupant de Jésus, ménopausée, malade, vieillissante. Saisir les comportements et les qualités qu’elle a développés : acceptation des événements, annonce inattendue d’une grossesse, force dans les souffrances, joie devant la beauté, tendresse envers les autres, patience, vivacité et lucidité, détermination devant des décisions à prendre, par exemple à Cana, partage avec les autres, simplicité, etc.

Marie, quand elle est considérée comme une femme toute proche de nous, engagée dans le quotidien, permet de vivre une relation avec elle sereine, réconfortante.

Elle nous communique une simplicité et une ardeur de vivre selon la volonté de Dieu. 

1 GRUSON, Philippe, « Les femmes et la vie quotidienne au temps de Jésus », Dossier « Les femmes de l’Évangile », Les Dossiers de la Bible, juin 1984, p. 12.