No. 144 – 40 ans et toujours en marche

L’autre Parole a 40 ans ! 40 ans et toujours en marche…

« À la manière du peuple hébreu qui a quitté l’Égypte, terre d’oppression, et qui a marché 40 ans dans le désert, nous, les femmes, vivons une longue marche de libération. Nous sommes en route, notre périple est loin d’être terminé. Mais nous avons quand même le goût de célébrer ces étapes de transformation de nos vies aux plans personnel et collectif. » (Pour le texte de la célébration, voir : http://www.lautreparole.org/sites/default/files/revues/1988_09_0009p_1992n55.pdf)

Tels étaient les mots d’ouverture d’une célébration de L’autre Parole en 1992. Tout au long de l’année 2015-2016, à l’occasion de son 40e anniversaire, la collective a fait retour sur cette marche, sur les grandes marches dans le temps.

La Marche du pain et des roses (1995), puis La Marche mondiale des femmes (2000) viennent facilement à l’esprit quand nous parlons des grandes marches des femmes, mais il n’y a pas qu’elles. Les suffragettes ont tenu de nombreuses marches dans leur lutte pour l’obtention du droit de vote des femmes. Elles avaient un chant de ralliement, il s’intitule : The March of Women (voir la traduction libre faite par L’autre Parole dans le numéro précité). Avant cela, en France, en 1789, il y a eu La Marche des femmes sur Versailles et bien avant, la Bible, dans le livre de l’Exode, raconte la longue marche de libération d’un peuple. Mais qu’en est-il de la libération des femmes ? Pour tenter de nous redonner cette histoire, notre histoire, nous avons demandé à des alliées et à des membres de la collective de nous aider à approfondir notre réflexion sur la grande marche de libération des femmes. Des alliées féministes et des féministes de différentes traditions religieuses.

La première partie de ce numéro nous met sur les traces de l’Exode, ce livre de la Bible empreint de violence et aussi de la naissance d’un peuple. Les auteures nous proposent une relecture. « Partir à la recherche des personnages féminins dans le texte », nous dit Anne Létourneau, explorant « les possibilités de coalition entre femmes de divers horizons qui font ponctuellement cause commune autour d’un enjeu ». Dans Des femmes de l’Exode à l’éveil féministe au regard de la tradition juive, Sonia Sarah Lipsyc rappelle que dans le Talmud un hommage est rendu aux femmes qui vécurent l’exil, car « c’est par le mérite de ces femmes justes que nos ancêtres furent délivrés d’Égypte. » Samia Amor nous parle de L’exil vers la terra incognita… Les pionniers de l’exil sont Adam et Ève. « Une telle mise à distance rappelle, avec toutes les précautions de circonstance, le statut d’exilé-e matriciel-le que tout un chacun expérimente lors de la procréation. » Dans le Coran, l’exil ou hijra « revêt une variété de significations : spatiale, temporelle et spirituelle. » Hier comme aujourd’hui, la rencontre de l’autre peut donner ou pas les conditions pour naître autrement et ailleurs.

S’il y a les 40 ans au désert, nous avons aussi les 40 jours de Jésus au désert. Odette Mainville reprend la symbolique du désert, du chiffre 40, « un temps de formation, de maturation, d’épreuve, de purification, soit le passage d’une génération à une autre, d’un état existentiel à un autre ». Elle rappelle « l’audace » de Jésus au regard des femmes dans une société où elles se devaient d’être invisibles.

Quarante ans, c’est le mitan de la vie, « un temps fort et significatif dans la vie des humains et plus spécialement chez les femmes », nous dit Pierrette Daviau. On chemine avec elle et on suit les parallèles avec la longue marche des Hébreux, « cela ne se fait pas sans souffrance, sans peur, sans ruptures. Mais vers un renouveau, vers une vie autre et encore inconnue. »

Pour clore cette première partie intitulée : Quarante ans, quarante jours : de la longue marche de libération des femmes à l’envoi en mission, une réflexion de Marie Gratton sur L’ascension de Jésus : un envoi en mission. L’ascension comme la résurrection « sont deux facettes d’un même mystère : la glorification par le Père de la personne de Jésus. » Le message dérangeant, le message révolutionnaire du Fils, le Père lui donne un sceau d’approbation. En finale, elle reprend des extraits d’une réécriture du Psaume 137 que je vous laisse découvrir dans son texte.

Dans la deuxième partie, nous avons demandé à quelques groupes qui célèbrent en 2016 un anniversaire marquant de nous parler de leur longue marche dans le temps. Monique Dumais ouvre le bal rappelant les « différentes joies » de L’autre Parole au cours des quarante dernières années. M.-Paule Lebel trace le cheminement de l’Association des religieuses pour les droits des femmes qui a trente ans. L’ancrage dans la perspective féministe est bien réel. Elle trace un portrait de femmes qui veulent « participer à la transformation des rapports inégalitaires entre les femmes et les hommes. » Mélanie Sarazin de la Fédération des femmes du Québec parle des « 50 ans de solidarités et de luttes, de découragement et de mobilisation » de l’organisme. Relations, écrit Élisabeth Garant, célèbre les 75 ans d’« une prise de parole forte pour la justice ». Cette parole s’adressait au départ à un lectorat catholique alors qu’aujourd’hui, elle s’est adaptée à l’univers séculier. « L’enjeu du patriarcat dans les traditions religieuses revient régulièrement. »  La Charte des droits et libertés a 40 ans. Pour Martine Éloy, elle est toujours aussi nécessaire et elle résulte du « travail acharné de nombreuses personnes engagées. » Et en finale, le Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL) partage comment s’est « construit sa vision féministe à partir des luttes des femmes des Amériques contre les mécanismes d’oppression et de discrimination des communautés et des groupes sociaux ».

Bonne lecture !

 

Monique Hamelin

Pour le comité de rédaction