SAVIEZ-VOUS QUE…

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L’infaillibilité papale n’avait pas été invoquée depuis 1950. Mais elle l’a été en novembre dernier (1995) quand, par la voix du cardinal Ratzinger et de la congrégation du Saint-Siège pour la doctrine de la foi, le veto des autorités de l’Église catholique romaine à l’ordination des femmes a été apposé d’une façon qui se veut sans équivoque. Selon Jean-Paul II, les femmes auraient reçu d’autres vocations tout aussi importantes et élevées que celle de la prêtrise réservée jusqu’ici – et pour toujours, semble-t-il – aux hommes. Appliquée généralement à des décrets conciliaires, la déclaration d’infaillibilité dernièrement remise à l’honneur a suscité des réactions où l’étonnement se mêle à la tristesse. L’ironie vient également teinter les commentaires des journalistes d’ici. Ainsi, Ghislaine Rhéault du journal Le Soleil (21. 11. 95) se demande si, dans cette histoire, le pape et « ses théologiens sclérosés » ne sont pas venus « menotter Dieu » lui-même, et cela, pour l’éternité. Imaginez que Dieu change d’idée, écrit enfin la journaliste. « Imaginez que ça lui plaise d’avoir un jour pour interlocutrice sur terre, une madame Pape, divorcée et mère de 12 enfants ».

Le pape à lui seul incarnerait l’Église. C’est du moins ce que laisse à penser la récente déclaration de la Commission romaine de la Doctrine de la Foi, écrit Anne-Marie Pelzer au nom de la section belge de l’Alliance internationale Jeanne d’Arc dans le texte d’un communiqué de presse qui nous fut adressé au début de l’année. En bref, l’Alliance conteste le fait que l’opposition à l’ordination des femmes relève d’une doctrine infaillible. Cette prise de position, précise la note, fait fi des objections sérieuses formulées par beaucoup de théologiens membres de la Commission biblique pontificale créée par Paul VI en 1976 à l’effet que le Nouveau Testament puisse servir à valider l’exclusion des femmes de la prêtrise. La déclaration a été rédigée sans égard pour les experts, clercs ou laïcs, sans égard pour les évoques également. « L’Église qu’est-ce que c’est ? Est-ce le pape tout seul, sans eux, sans nous ? La décision papale nous a-t-elle donné une doctrine d’Église  ? Bien sûr que non, » répond Mme Pelzer. « Loin de renforcer les liens avec l’Église orthodoxe, comme le prétend le cardinal Ratzinger, ce nouvel abus d’autorité romain ne fera que confirmer, si besoin était, le grief séculaire de l’Orthodoxie vis-à- vis du Vatican : Rome fait fi des droits et responsabilités des évêques, aujourd’hui plus que jamais. » Rome fait mine d’ignorer aussi le « mouvement de lutte depuis plus de 80 ans pour le féminisme catholique », rappelle encore la secrétaire de l’Alliance qui lance un cri d’alarme et exige, à tous les niveaux, qu’une « étude loyale et ouverte » soit entreprise sur la question de l’ordination des femmes.

Les fidèles sont les grands absents de cette déclaration. Quel sera l’effet du recours à l’infaillibilité ? À cette question, un professeur à la faculté de Toulouse, P.Jean Rigal, répond : « Elle confère une force incontestable à la position catholique : voyez le bruit qu’elle fait dans les médias ! Or, l’infaillibilité relève d’une inclusion mutuelle entre trois niveaux d’autorité : celle du Pape, celle des évêques en communion avec lui, et celle de la foi du Peuple de Dieu dans son ensemble. Le premier est ici bien assuré, le deuxième un peu moins. Quant au Peuple de Dieu, son adhésion sur cette question n’a pas fait l’objet d’une vérification ; il passe pour le grand absent de cette déclaration ». (La Croix, 22.11.95)

L’Église de partenariat serait un leurre ? Dans une lettre datée du 12 décembre 1995, le réseau Femmes et Ministères emploie des mots comme consternation et découragement pour décrire l’impact de la note du cardinal Ratzinger concernant l’infaillibilité. En attendant de mettre au point sa prise de position – elle est peut-être connue au moment où vous nous lisez – Femmes et Ministères tient d’abord à attirer l’attention sur le fait que ce n’est pas le Pape qui signe la note, mais le cardinal responsable de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Le Réseau tient à réaffirmer son « intention de poursuivre la réflexion et la diffusion des pistes théologiques et pastorales inscrites dans le service ecclésial des femmes » ; il compte aussi « continuer son travail pour I a reconnaissance des ministères exercés par les femmes dans une Église dynamique et missionnaire ».

Aliénation des femmes… The Leadership Conférence of Women Religious (LCWR), une association américaine regroupant un millier de Supérieures de communautés religieuses, a d’abord réagi à l’interdiction du sacerdoce pour les femmes par la tenue d’une journée de prière le 15 décembre 1995. Puis, le groupe de religieuses a voulu attirer l’attention sur les implications pastorales de la prise de position du Vatican. Dans le texte d’un communiqué, elles font observer qu’il y a un fossé entre les enseignements de l’Église concernant la dignité de la femme et le peu de cas accordé à l’opinion des femmes, toujours exclues des prises de position officielles. Elles se disent également inquiètes de l’impact de l’attitude affichée par la Sacrée Congrégation pour la foi. Plutôt que favoriser l’oecuménisme et de susciter le consensus au sein des fidèles, disent les membres de la LCWR, la note du cardinal Ratzinger serait cause au contraire de division et de désillusion. Il faudra, selon elles, que les femmes finissent par être associées à un dialogue ouvert avec les autorités catholiques sur la question cruciale de l’ordination des femmes dans l’Église.